Il veut être le 9ᵉ président de la Banque africaine de développement (Bad). S’il y parvient, Amadou Hott serait le deuxième Sénégalais, après Babacar Ndiaye (1985-1995) à occuper ce poste tant convoité. Ce jeudi 29 mai, le verdict sera connu. Tous les observateurs s’accordent à dire que cette élection s’annonce serrée. L’ancien ministre de l’Économie et ex-vice-président de la Bad, lui, affiche la sérénité, laissant son riche parcours parler pour lui à l’heure du choix.
Cela ne fait pas de doute : Amadou Hott fait face au plus grand défi de sa vie professionnelle. Des postes à responsabilité, il en a occupés dans de hautes sphères. Mais président de la Bad, tout de même, il faut admettre que c’est un autre niveau. S’asseoir sur ce fauteuil si convoité serait un couronnement, un accomplissement, l’aboutissement d’une carrière sans accroc pour cet enfant de la banlieue dakaroise, de Yeumbeul notamment.
Partir de ce quartier populeux, où les conditions de vie du jeune Hott n’étaient pas des plus heureuses, pour trôner dans cette grande bâtisse qui domine tout le quartier cossu de Cocody, à Abidjan, serait une belle histoire. Peut-être que ce sont ses origines modestes qui expliquent cette humilité qui caractérise Amadou Hott. Malgré un beau pedigree, l’ancien vice-président de la Bad n’est pas du genre à faire des vagues, à rouler des épaules. À la tête du Fonsis, dont il a été le premier directeur, jusqu’au poste de ministre de l’Économie, l’homme a toujours opté pour une approche managériale dont le maître-mot est : efficacité.
Or, l’efficacité ne va pas de pair avec la jactance. Amadou Hott est de nature calme sans être taiseux. Ce flegme anglo-saxon dont il ne se départ jamais, mâtiné du pragmatisme et du cartésianisme du francophone qu’il est, est un atout que ce banquier a toujours su mettre en avant. Dans sa quête de la présidence de la Bad, ce double héritage est un avantage qui pourrait peser dans la balance.
Contrairement à ses quatre concurrents, Hott a préféré mener une campagne à son image : ni flonflons, ni tape-à-l’œil. Il a compris que cette élection est d’abord diplomatique, or la diplomatie ne s’encombre pas de trop de bruit. Tout se passe en coulisses. Et à la veille de cette élection, celles-ci bruissent de tractations, car chaque voix compte, même s’il y en a certaines qui pèsent plus lourd que d’autres, comme celles du Nigeria et des États-Unis, par exemple. Alors, on comprend les convoitises que ces deux pays suscitent.
Toujours est-il que, dans les couloirs de l’hôtel Sofitel Ivoire, la stratégie de campagne d’Amadou Hott est diversement appréciée. Pour certains, elle est trop timide ; pour beaucoup d’autres, elle peut se révéler efficace, surtout face au prosélytisme de cet autre candidat qui a multiplié les annonces de soutien de tel ou tel pays à quelques jours du scrutin ; ou de cet autre prétendant, venu d’Afrique australe, qui croit tellement en ses chances qu’il pense que l’affaire est déjà pliée. Une confiance qui pourrait lui coûter cher, selon un habitué des coursives de la Bad.
Hott a, lui, préféré faire parler son programme, faire connaître sa vision. C’est la raison pour laquelle, à chaque fois que l’occasion a été offerte aux cinq candidats de débattre, il a toujours été présent. D’ailleurs, il a tellement fortement impressionné lors du débat en marge des réunions de printemps du Fmi et de la Banque mondiale, en avril dernier, que ses adversaires ont préféré se débiner lors du face-à-face prévu à l’occasion de l’Africa Ceo Forum. C’est dire que Hott, ce parfait bilingue qui manie aussi bien le français que l’anglais avec une aisance déconcertante, et son programme, font peur.
Un bon profil pour diriger la Bad
Amadou Hott, c’est plus de 25 ans d’expérience en politique économique, finance du développement et banque d’investissement. En 2012, le Forum économique mondial l’a nommé Jeune leader mondial. Son parcours remarquable inclut son mandat de ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération du Sénégal, de 2019 à 2022, où il a joué un rôle crucial en maintenant la stabilité économique du pays durant la pandémie de Covid-19 et en réformant avec succès le cadre des partenariats public-privé. Dans ce rôle, il a représenté l’Union africaine lors de forums internationaux majeurs, y compris lors de réunions des ministres en charge du développement et des finances du G7 et du G20.
Il a également agi comme Sherpa du président de la République du Sénégal lors du Sommet de Paris sur le financement des économies africaines, et comme co-président du comité de pilotage. Ancien premier vice-président du Complexe Énergie, Changement climatique et Croissance verte de la Banque africaine de développement, il a été récemment l’envoyé spécial du président de la Bad pour l’Alliance des infrastructures vertes en Afrique. On le voit donc, la carrière diversifiée d’Amadou Hott s’étend à des rôles dans le gouvernement, les banques de développement et la finance du secteur privé, en Afrique, en Amérique, en Europe et au Moyen-Orient.
Diplômé en mathématiques appliquées, en économie et en marchés financiers, le candidat à la présidence de la Bad est reconnu pour son leadership, son dévouement et son expertise en finance climatique et investissement dans les infrastructures, notamment les énergies. Dans sa profession de foi, il explique pourquoi il veut diriger la principale institution de financement du développement du continent africain : « l’opportunité de servir avec abnégation et de faire une différence dans la vie quotidienne de tous les Africains ».
Au regard de sa modeste origine sociale, et pour avoir connu « de première main le poids de la pauvreté et les opportunités qui peuvent être offertes aux plus défavorisés », il sait bien ce qu’il dit.
Par Elhadji Ibrahima THIAM (Envoyé spécial à Abidjan)