Le 13 mai 2015, à l’âge de 83 ans, disparaissait Amady Aly Dieng, une figure centrale de l’intelligentsia sénégalaise et africaine. Né à Tivaouane, au Sénégal, il était bien plus qu’un simple académicien. Il fut un militant engagé, un penseur marxiste, et un critique sans compromis des systèmes politiques de son époque.
Sa jeunesse fut marquée par des origines modestes et un milieu familial pluriculturel, où il puisa sa première vision du monde. Sa mère, Aminata Diallo, d’ascendance peule et son père, Baïdy Dieng, halpuular, l’ont élevé dans une ambiance où les valeurs d’éducation et de rigueur étaient primordiales. Sa vie scolaire débute à Diourbel, où il obtient son Certificat d’Études Primaires avant de poursuivre ses études à Saint-Louis, où il est exposé à la littérature classique et découvre sa passion pour la philosophie et le marxisme.
Son parcours universitaire se poursuit à Paris où il s’inscrit à l’École Nationale de la France d’Outre-Mer (Enfom). Là, il milite activement dans la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (Feanf) et rejoint le Parti Africain de l’Indépendance (Pai), un engagement qui lui coûtera son expulsion de l’Enfom. Cette exclusion ne freine en rien son ascension intellectuelle et militante. Au contraire, elle nourrit sa détermination à défendre la cause de l’indépendance et de la justice sociale en Afrique. Ses voyages à Moscou, Pékin et à travers l’Afrique lui ouvrent des horizons et lui permettent de tisser des liens avec d’autres leaders africains, tout en s’imprégnant de l’idéologie marxiste.
De retour au Sénégal, Amady Aly Dieng s’établit comme professeur à l’Université de Dakar, où il enseigne les sciences économiques. Il devient également économiste principal à la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), contribuant à façonner la politique monétaire régionale. Mais son influence ne se limitait pas aux sphères académiques et institutionnelles. Sa pensée et son militantisme se nourrissaient de ses engagements passés, notamment ses nombreuses contributions au sein de la Feanf, et son rôle essentiel dans la création du journal Lien culturel, à travers lequel il promeut la culture et la pensée africaine dans un contexte mondial.
Le legs d’un homme de principe
L’héritage d’Amady Aly Dieng ne se résume pas à ses écrits et publications, bien qu’il soit l’auteur de plusieurs ouvrages marquants, dont Le Sénégal à la veille du troisième millénaire et Blaise Diagne, député noir de l’Afrique. Ses travaux abordent aussi bien des thèmes économiques que politiques, dans une perspective marxiste et critique, et il est largement reconnu comme un intellectuel qui n’a jamais dévié de ses principes. Il considérait ses convictions comme une arme contre l’injustice, la domination et l’impérialisme, refusant de faire des compromis, même lorsque ses prises de position lui valaient l’isolement.
En dépit de ses nombreuses fonctions et responsabilités, notamment au sein du Syndicat des Professeurs Africains du Sénégal (SPAS), il reste avant tout un homme de principes. Sa critique de la société sénégalaise, de ses institutions, et de la gestion politique du pays demeurent pertinentes aujourd’hui. Son parcours est celui d’un homme qui a lutté sans relâche pour la dignité des peuples africains, pour la justice sociale et pour une véritable émancipation du continent.
Amady Aly Dieng laisse derrière lui une pensée inaltérable et une vision du monde fondée sur une critique constante des rapports de pouvoir et des injustices. En ce jour anniversaire de sa disparition, son héritage continue de nourrir les débats intellectuels et politiques en Afrique, rappelant l’importance de la pensée critique, de l’engagement politique et de l’éducation comme outils de transformation sociale.
Son nom est désormais gravé dans l’histoire des intellectuels africains qui ont su allier théorie et action, résistant aux compromissions, et portant haut les idéaux d’une Afrique libre, indépendante et émancipée.
Cheikh Tidiane NDIAYE