Audit des finances publiques, référentiel « Sénégal 2050 », dégradation de la note du Sénégal par Moody’s, mission du Fmi… Abdourahmane Sarr n’élude aucune question. Dans cet entretien exclusif accordé au « Soleil », le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération rassure sur la capacité du gouvernement à redresser la situation économique malgré un contexte difficile.
Entretien réalisé par Seydou KA (photos : Moussa SOW)
Pouvez-vous revenir sur le processus d’élaboration du référentiel « Sénégal 2050 » lancé le 14 octobre dernier ?
Le référentiel, son point de départ, c’est d’abord le « Projet » pour lequel le président de la République a été élu. C’est un projet politique sur lequel plusieurs acteurs ont contribué. Une fois au pouvoir, il faut que l’Administration se l’approprie. Et dès le premier Conseil des ministres, le président Bassirou Diomaye Faye avait donné instruction au Premier ministre Ousmane Sonko pour que ce projet soit traduit concrètement comme le nouveau référentiel. Le ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération y a travaillé pendant presque deux ou trois mois, ensuite a commencé un processus d’itération avec la Primature, la Présidence et de nouveaux acteurs en dehors de l’Administration pour aboutir à un vrai document avec ses visions et déclinaisons décennales et quinquennales.
Ce sont des compétences 100 % locales qui ont travaillé là-dessus ?
Absolument ! Les compétences sont locales. L’Administration, cela va de soi ; mais il y a aussi les compétences du secteur privé qui y ont contribué. Tous ces apports ont permis de finaliser le dossier pour en faire un document consensuel aux yeux des acteurs qui ont participé à son élaboration. Il y a eu également des consultations. Aussi, tous les ministères sectoriels y ont contribué ainsi que des représentants de la société civile. Le temps étant court, tout le monde n’a pu être consulté. Mais, le document fera l’objet d’une appropriation, d’un partage et tout le monde aura l’occasion de faire des commentaires, des observations qui seront pris en compte. C’était un processus relativement inclusif, 100 % sénégalais et qui colle avec le « Projet » qui a élu le Président.
Qu’en est-il de l’implication du cabinet Performances Group ?
Le cabinet Performances Group est connu. Il a d’ailleurs contribué, par le passé, à l’élaboration de la Stratégie nationale de développement du secteur privé : un des éléments clés du nouveau référentiel…
C’est une rupture par le développement porté par le secteur privé, mais qui nécessite aussi un œil extérieur venant de ce même secteur privé dont le cabinet fait partie puisqu’étant membre du Club des investisseurs sénégalais (Cis). Sa contribution a été, dans le cadre de ce changement de paradigme, d’apporter un regard nouveau de l’extérieur et surtout celui du secteur privé qui va dans le sens de la volonté du « Projet » de donner plus de place au secteur privé national, international, au développement économique et social du pays pour les 25 prochaines années.
On a parlé de 2 milliards de FCfa payés au cabinet Performances Group. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Ce n’est pas très important d’épiloguer sur ce qui a pu être payé au cabinet. Il a offert ses services parce que les nouvelles autorités ont dit que c’est le secteur privé national qui va porter le développement des 25 prochaines années puisqu’elles ont une vision sur ledit secteur privé, à savoir la transformation structurelle du pays. Être rémunéré pour avoir fait ce travail est tout à fait normal. Je ne peux pas vous donner le montant de la rémunération, mais il qui correspond à la prestation que le cabinet a eu à offrir.
Avec ce nouveau référentiel, qu’est-ce qui change fondamentalement avec le Pse ?
Ce qui change, c’est de mettre le secteur privé au-devant. C’est une rupture par rapport à l’ancien schéma avec un État qui s’endette à l’extérieur, qui a des déficits budgétaires et qui essaie de porter le développement. C’est l’État qui avait le leadership du développement jusqu’à maintenant. Il s’agit véritablement de mettre le secteur privé au-devant. Et cela colle bien avec le fait que quelqu’un comme Victor Ndiaye ait pu y amener sa perspective, de sorte que l’État puisse appuyer, accompagner et renforcer le secteur privé pour qu’il prenne le relais du développement. C’est cela le changement de paradigme, car tel n’a pas été le cas durant les 60 dernières années. C’est ce qui nous a valu d’ailleurs d’avoir une économie avec 97 % des entreprises qui sont informelles. Une entreprise informelle ne peut pas porter le développement. Pour croître, il faut être formel, de sorte à avoir accès à l’investissement et au crédit et à pouvoir contribuer à la création de richesse.
Qu’est-ce qui justifie le choix des 4 axes, 4 moteurs de croissance, et les 8 pôles territoriaux ?
Le premier est la bonne gouvernance. Le slogan du président de la République, c’est « Jub Jubbal Jubbanti ». On ne peut rien bâtir dans le mensonge, dans la dissimulation. Le deuxième axe, c’est le capital humain, la protection sociale, parce qu’une croissance doit être inclusive. Il faut faire en sorte de protéger la population vulnérable.
Le troisième axe concerne l’aménagement du territoire et le développement durable. On a eu tendance à tout centraliser sur Dakar. Il s’agit de rééquilibrer, aménager le territoire afin de pouvoir exploiter les potentialités des autres terroirs du pays et le faire de façon durable. Connaissant tous les défis environnementaux, il s’agit de faire l’aménagement du territoire et porter le développement d’une façon durable. Le quatrième et dernier axe, on en a déjà parlé, a trait à la création d’une économie plus compétitive. Donc, dans ce monde ouvert, ce monde de compétition, si vous n’êtes pas compétitifs, vous risquez d’importer tout ce que vous consommez et de ne pas être aussi en mesure d’exporter. Si vous importez plus ce que vous consommez et vous n’arrivez pas à exporter, il y a un gap. La seule façon de couvrir ce gap, c’est d’emprunter. Et à un moment donné, votre problème devient votre dette. À ce moment-là, vous serez obligés de serrer la ceinture pour ne plus consommer autant. Alors, il faut être compétitif en valorisant vos potentialités afin de pouvoir exporter le maximum possible et que ces exportations puissent financer vos importations de façon soutenable. Ce, dans un cadre macroéconomique où les finances publiques sont assainies, avec une gestion monétaire la plus orthodoxe et dans la durabilité (préservation de l’environnement).
Et les 8 pôles territoriaux ?
Le choix de ces pôles obéit à une combinaison de plusieurs facteurs. D’une part, l’urbanisation fait que la population sénégalaise est à 50 % localisée sur la côte ouest (Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Thiès, Mbour, etc.). Il y a aussi le facteur de valorisation des ressources des terroirs, d’équité territoriale. Il faut, en outre, prendre en compte les facteurs sociaux et culturels ainsi que la sécurité avec une partie du territoire frontalière avec d’autres pays. Donc, il y a une multitude de facteurs qui font que ces huit pôles-là ont été retenus sur la base de critères limitatifs. Mais, prenant tous les facteurs que j’ai pu énumérer, nous avons obtenu huit pôles.
Le financement du plan d’investissement quinquennal (2024-2029) est estimé à 18 500 milliards de FCfa. Comment allez-vous mobiliser ces ressources ?
Je vous ai parlé tout à l’heure du cadre macroéconomique. En réalité, ce montant n’est que la somme des investissements publics déjà prévus dans le cadre macroéconomique à moyen terme. Une partie sera utilisée pour des projets en partenariat public-privé. Ces 18 500 milliards cadrent tout à fait avec le cadre macroéconomique normal. Donc, il ne s’agit pas de ressources particulières à rechercher. Il n’incorpore même pas ce qui est prévu par le secteur privé pur et qui n’est pas du tout coordonné par le gouvernement ni par le plan de l’État. Par exemple, votre coiffeur du quartier, dans son atelier, fait partie du cadre macroéconomique, n’est-ce pas ? Mais, il n’est pas comptabilisé, c’est-à-dire que cet investissement n’est pas dans les 18 500 milliards. Les investissements privés, de façon générale, vont bien au-delà.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a parlé de financements innovants. À part les Ppp, à quoi fait-il allusion ?
Il fait allusion à tout ce qui est green bonds (obligations vertes), les blue bonds (servant au financement des systèmes marins), les diasporas bonds (destinés à la diaspora), les financements participatifs, la réforme du système financier, de façon générale, et monétaire au niveau de l’Uemoa qui irait dans le sens d’accompagner le référentiel.
Quelle est la part de financement complémentaire que vous espérez auprès des bailleurs ?
En réalité, lorsqu’on parle de cadre macroéconomique, ce n’est pas qu’on va aller chercher ces financements. Ce sont des financements tout à fait normaux, qui se font dans le cadre de nos partenariats habituels. Il y a la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement, etc. Tous ces partenaires sont déjà prêts à nous financer comme d’habitude. Donc, il ne s’agit pas d’un montant à aller chercher dans le cadre d’un groupe consultatif, comme certains ont déjà eu à le faire. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit d’un cadre macroéconomique solide avec des capacités de mobilisation qui cadrent carrément avec. Mais, nous voulons assainir le cadre macroéconomique pour libérer l’État de certaines contraintes, telles que devoir aller auprès du prêteur en dernier ressort : le Fonds monétaire international (Fmi). L’objectif est que le déficit budgétaire soit soutenable et corresponde exactement à ce que les partenaires sont eux-mêmes disposés à nous donner et bien au-delà. Et aussi ne pas prendre ce dont nous n’avons pas besoin.
Donc, il n’y aura pas une table ronde des bailleurs dans le cadre du Club de Paris ?
Il y a un peu de confusion. Le Club de Paris, en général, quand les pays y allaient, c’était pour des rééchelonnements ou restructurations de dettes. Les États qui n’arrivaient plus à payer leurs dettes allaient au Club de Paris pour les restructurer ; ce que les créanciers acceptaient en échange de bonnes politiques. Ça, c’est dépassé. Et après, il a été transformé en groupe consultatif. Des pays à qui ces partenaires bilatéraux ont déjà annulé leurs dettes organisent des tables rondes pour que ces bailleurs-là acceptent de financer leurs plans de développement. Le Sénégal a dépassé cela depuis très longtemps. Cela veut dire que même les groupes consultatifs que nos pays tenaient à Paris étaient totalement inutiles parce qu’on peut vous promettre 50 000 milliards, mais vous ne pouvez, en réalité, prendre que ce qui tient dans le cadre macroéconomique. Et ce cadre est limitatif en ce sens que vous ne pouvez pas emprunter au-delà de ce que vous êtes vous-même en mesure d’absorber. Ces groupes consultatifs, c’était uniquement du marketing totalement inutile.
Parlant de financements extérieurs, le Sénégal renonce-t-il à solliciter les marchés financiers après la dégradation de sa note par Moody’s ?
Le Sénégal a dépassé un certain stade. Le Sénégal peut avoir un déficit budgétaire dont une partie sera financée dans le marché régional et l’autre dans les marchés financiers internationaux parce que nous y sommes attendus. Enfin, une partie peut être financée par les partenaires bilatéraux et multilatéraux ou dans le cadre d’un programme avec le Fmi. Actuellement, nous avons des programmes avec financement du Fmi. À une certaine époque, nous avions des projets sans décaissement, tout simplement parce qu’avoir un programme avec le Fmi peut donner le signal au marché que notre cadre économique est bon. Un programme avec le Fmi peut nous servir à donner des signaux à ceux qui font confiance au Fonds monétaire international que le Sénégal est un partenaire fiable.
Vous avez évoqué le rôle du secteur privé dans l’élaboration du référentiel. Quid du financement et de l’exécution des projets ?
Il y a deux choses. D’abord, l’Administration qui va devoir s’organiser de telle sorte qu’il y ait un suivi rapproché de ce plan du point de vue de son exécution et du monitoring -le suivi évaluation du côté du leadership. Du côté du secteur privé aussi, il va falloir s’organiser. Cette réorganisation est déjà en cours. Des entités du secteur privé sont en train de se regrouper. Ce n’est pas une mauvaise chose que d’avoir de la diversité, mais il faut structurer le secteur privé pour qu’il puisse parler d’une seule voix. Le secteur privé le dit également et c’est normal. Il est dans une certaine diversité. Les besoins des uns et des autres sont différents. Il va falloir organiser les acteurs qui opèrent dans ces filières pour pouvoir les écouter et les accompagner. Je disais, l’autre jour, qu’avec le concept « do to choose » (condamné à choisir), il va falloir identifier les acteurs et organiser le secteur privé de telle sorte qu’il soit complémentaire avec l’État. Ainsi, on sera mieux organisé et on va pouvoir les appuyer et les encadrer. Il faudra aussi le faire au niveau des territoires, car il ne faut pas faire tout cela au niveau central. Il faut descendre jusqu’à la base, identifier les acteurs, voir dans quoi ils sont et les aider à mieux faire ce qu’ils font. À ce moment-là, ce sera difficile de se tromper si on le fait avec les acteurs eux-mêmes. Par exemple, il y a un écho favorable avec les maisons d’entreprise, comme à Kaolack où il y a un guichet à la mairie pour trouver les informations dont ils ont besoin. De même, il y a les Chambres de commerce. Vraiment, il faut utiliser toutes les structures pour trouver le secteur privé là où il est et pouvoir l’accompagner.
Pourquoi l’économie sénégalaise crée-t-elle si peu d’emplois et comment ce référentiel veut inverser cette tendance ?
On est tous d’accord que ce n’est pas l’État qui crée des emplois, c’est le secteur privé. Dès lors, la question qui suit, c’est quel secteur privé ? On a dit que 97 % des entreprises évoluent dans le secteur informel. Pour que j’augmente le nombre d’employés dans mon entreprise, il faut que celle-ci commence à croitre, que je puisse avoir accès au financement. Si j’ai une commande que mes capacités ne me permettent pas de remplir, il faut que je puisse avoir accès aux financements à long terme, investir, grandir et recruter plus de personnes. En effet, même si j’ai de l’argent pour investir, il faut que je trouve la main-d’œuvre. Il y a aussi la question de l’employabilité, de la formation professionnelle qui est un élément très important du référentiel. Donc, il faut que l’on puisse former des gens qui peuvent innover, aller faire des études pointues. Ce sont tous ces facteurs et la compétitivité externe face à la concurrence extérieure qui seront déterminants. C’est en formalisant ces 97 % d’entreprises sénégalaises, en créant un environnement des affaires qui incite à la formalisation et un accès à des facteurs de production que ces sociétés-là vont grandir et créer plus d’emplois. On peut également citer l’Investissement direct étranger (Ide) et l’accès à la technologie. Il faut, encore une fois, un environnement qui fasse en sorte que d’autres entreprises viennent investir au Sénégal en apportant du capital, des connaissances et trouver sur place des ressources humaines qualifiées. Ce sont tous ces facteurs qui feront que la jeunesse trouvera du travail. Et toutes les ressources qui seront dégagées par la puissance publique devront être investies dans le capital humain, dans la protection sociale, et s’assurer que personne n’est laissé en rade, particulièrement les jeunes et les femmes, vu qu’on ne peut pas se développer si la moitié de la population, que sont les femmes, n’a pas le même niveau d’éducation et les mêmes opportunités que les hommes. Ce sont toutes ces forces combinées qui feront accélérer la croissance, la productivité et l’emploi.
Concrètement, quelles sont vos projections en termes de création d’emplois sur les 5 prochaines années ?
On est en train de peaufiner le plan quinquennal pour pouvoir le partager et il y aura des chiffres très précis en termes d’indicateurs de performance. On a déjà dit que 300 000 nouveaux demandeurs d’emploi arrivent, chaque année, sur le marché du travail, sans compter les chômeurs. Donc, il faut accélérer la croissance et la productivité dont les hypothèses donneront les chiffres sur le nombre d’emplois créés. En effet, dans la fonction de production, il y a la productivité, le capital et l’emploi.
On a vu que chaque régime qui arrive lance son plan. Comment faire pour avoir de la continuité dans la planification des politiques publiques au-delà des clivages politiques et du jeu d’alternance au pouvoir ?
Le Sénégal est un pays démocratique. C’est la raison pour laquelle nous avons des alternances qui nous valent un dividende démocratique. Nous avons eu trois cycles : 1960-1980 (Senghor), 1980-2000 (Abdou Diouf) et 2000-2012 (Wade et Macky Sall). Et là, nous entrons dans un nouveau cycle qui, nous l’espérons, peut durer 20 ans. Mais, lorsqu’on a une alternance, il faut se dire qu’on ne peut pas être dans la continuité. Alors, s’il devait y avoir une alternance dans le futur, ce serait parce que les Sénégalais l’auront décidé. Mais, si les mesures prévues dans ce référentiel sont mises en œuvre, nous pensons que pour les 25 prochaines années, il devrait y avoir de la continuité. Il faut aussi faire la distinction entre un plan de développement et la planification des biens et services publics que l’État doit aux citoyens, autrement dit la construction d’écoles, d’hôpitaux, de routes ou encore la sécurité, et qui doit se faire dans la continuité. Maintenant, il doit y avoir un plan, une stratégie de développement. Pour ce qui est de « Sénégal 2050 », il s’agit d’une stratégie qui veut mettre le secteur privé au-devant et que l’État, à la mesure de ses capacités et d’un cadre macroéconomique solide, vient appuyer pour accélérer la croissance, avoir davantage de moyens, pour ensuite investir dans la production de biens et services publics de qualité. Cette stratégie sera évaluée par la population à l’horizon 2029, 2034, etc.
Êtes-vous satisfait des conclusions de la dernière mission du Fmi qui s’est achevée mercredi ?
Bien sûr ! On a parlé, tout à l’heure, de transparence, de « Jub, Jubbal, Jubanti ». Nous avons dit au Fmi que les chiffres que nous avons trouvés et qui leur avaient été donnés n’étaient pas les bons. C’est pour cette raison qu’il est venu s’enquérir de cette situation. Le Fonds monétaire international est une institution extrêmement prudente. L’Inspection générale des finances (Igf), sur ordre du ministère de l’Économie et des Finances et sur demande du Premier ministre, avait fait un audit des finances publiques, lequel a été soumis à la Cour des comptes conformément à la loi. Le Fmi, par mesure de prudence, va attendre que la Cour des comptes certifie ce qui lui a été donné pour dire voilà la situation exacte. Le Sénégal n’est pas une République bananière. Quand l’Administration vous dit que la dette et le déficit budgétaire étaient plus importants qu’on ne le pensait, que le déficit budgétaire de cette année sera plus important que prévu, la vérité, elle est une. La réalité est que le déficit est plus élevé, la dette est plus élevée qu’on ne le pensait. Mais, les autorités vont réduire cette dette pour la mettre dans une trajectoire descendante. C’est cela le plus important. La dette et le déficit étant plus élevés, il y aura une baisse de la note du Sénégal comme l’a fait Moody’s. C’est mécanique parce que la dette et le déficit sont plus élevés. D’autres agences de notation vont réduire notre notation. Toutefois, ce qui importe, c’est le marché. Qu’est-ce que vous observez sur le marché ? La dette du Sénégal n’est pas plus chère qu’elle ne l’était avant la découverte de cette vérité. Ce sont les nouvelles autorités qui ont dit : « Voilà les chiffres ». Ces chiffres-là sont la réalité, mais nous allons corriger. C’est cette crédibilité qui permet au coût de la dette du Sénégal de demeurer comme elle est. Nous sommes aussi en dialogue avec le Fmi ; ce qui veut dire que ce partenariat se poursuivra et le marché aura totalement confiance en ce qui sera fait.
Le Sénégal avait renoncé à se présenter au Conseil d’administration du Fmi en juin. Quelle sera la suite ?
Le Fmi fonctionne avec des programmes et par revues. Ils vont venir, disons en avril, mai, juin, pour voir les critères qu’il était convenu de faire en décembre 2023. S’ils sont satisfaits, le Fmi procède au décaissement. Ses mandataires vont ensuite revenir en septembre pour vérifier les critères de juin. Si ces derniers sont satisfaits, ils vont en Conseil d’administration. Et une fois le dossier approuvé, ils décaissent. Nous n’avons pas pu avoir de décaissement sur la base des critères prévus en fin décembre. Nous ne sommes pas allés au Conseil d’administration pour les critères de juin -à revoir d’ici à décembre- parce que les chiffres que nous avons trouvés et que nous devions donner au Fmi ne correspondent pas à ce qui a été convenu. Nous n’avons pas voulu transmettre de données erronées pour bénéficier de décaissement. Pour cette raison, ils sont passés et viennent de terminer leur mission hier (mercredi). Nous allons reprendre les négociations sur la base d’un nouveau programme qui fera reprendre la relation avec le Fmi pour, d’une part, corriger l’existant et, d’autre part, donner un gage de crédibilité au-delà de celle que nous avions déjà, car ayant été à l’origine de la transmission de l’information et qu’ils ont bien appréciée vu que beaucoup de pays ne respectent pas cette politique du Fonds monétaire international contre la transmission de données erronées (miss reporting). Souvent, c’est le Fmi qui le découvre et un dossier de « miss reporting » est porté au Conseil. Ici, les nouvelles autorités disent qu’il y a eu « miss reporting » et nous voulons des mesures dérogatoires pour corriger.