Des fruits d’anacarde, appelés « ndamarass », sont proposés aux voyageurs qui empruntent l’axe Mbour Fatick. Dans cette partie du Sine, le business est assuré par des femmes qui participent ainsi à l’entretien de la famille et parviennent à résoudre certains problèmes ponctuels. Au gré du vent et des saisons.
De Keur Martin à Fatick, elles sont les « reines du ndamarass » qu’elles proposent aux voyageurs. Très malignes, elles s’alignent le long de la Nationale, juste aux abords des ralentisseurs qui obligent aux chauffeurs de lever le pied, pour proposer aux voyageurs leurs spécialités. Nous ne sommes pas en haute ni en moyenne Casamance, mais dans cette partie du Sine qui recèle de nombreux arbres d’anacardes. Certains chauffeurs appuient, une fois le dos-d’âne escaladé, sur l’accélérateur pour repartir de plus belle sur cette route très empruntée, surtout par les camions maliens. La route vers Dakar ou Tambacounda est encore longue. Et pour d’autres voyageurs voulant goûter aux délices de l’anacarde cuit, le ralentissement se transforme en un arrêt qui entraîne une vitesse, au pas de charge des vendeuses qui se précipitent vers les passagers des véhicules. Une concurrence rude, mais saine. Les sachets de 500, de 1000 et même de 5000 FCfa sont proposés et selon les bourses, échangés contre espèces touchantes et trébuchantes.
La vente de ces fruits est assurée exclusivement par de braves dames qui squattent l’asphalte, dès les premières lueurs de la journée. De jeunes filles et des dames d’un âge mûr. Elles perpétuent une tradition tout en assurant leurs arrières dans la popote familiale.
À Ndoffène Keur Madické Diaw, à 2 km de Keur Martin et juste avant Diouroup qui est à 5 km, Ndébou (nom sérère de la jumelle de Adama), la quarantaine bien entamée, revient sur sa vie, la vie de combat de toutes ces dames de la contrée qui s’activent dans ce commerce de détail qui pourrait peser en tonnes. « Nous cultivons dans cette contrée, de l’arachide, du mil… Mais il se trouve que nous disposons de nombreux arbres d’anacardes, des champs même. Si vous en disposez, c’est mieux, autrement vous en acheter. Une fois mûrs, nous brûlons d’abord les anacardes avant de les exposer au soleil des heures durant. Ensuite, nous les refroidissons avant de les décortiquer », explique-t-elle. Les femmes sont souvent obligées d’attendre d’avoir une bonne quantité pour enclencher le processus décrit qui aboutit à la mise en sachets avant la vente.
Mère de cinq enfants dont une seule vivante, elle souligne que, par ici, si « l’homme amène du riz pour nourrir sa famille, nous nous battons pour combler le reste et que boue la marmite ». Les économies ou bénéfices réalisés permettent aux dames de faire face à certains besoins primaires et à la prise en charge des enfants, de leur scolarité. On retrouve d’ailleurs dans le lot des vendeuses de nombreuses élèves et lycéennes qui se préparent pour la rentrée scolaire en constituant de petites économies.
Ainsi que ce soit à Tattaguine, Niongolor, Ndioufiouf, Diouroup, Ndiouwar et Fatick, la capitale régionale, le spectacle est le même, parfois, au risque d’accidents possibles avec certains véhicules qui roulent à vive allure. Le prix de la pitance quotidienne est souvent au bout de la course pour des recettes pouvant aller jusqu’à 10.000 à 15.000 FCfa, selon Mame Diarra Diouf de Diouroup. Même si certaines se plaignent de la maigreur des recettes depuis quelque temps, elles ne sont pas du tout « prêtes à abandonner le business qui nous rapporte et que nous avons trouvé nos parents pratiquer ». Ces parents allaient d’ailleurs, soulignent-elles, à Fatick pour écouler leurs productions. Aussi, délaissent-elles très souvent les concessions familiales juste après les tâches domestiques matinales. Il leur arrive de retourner à la maison pour prendre le petit-déjeuner. Les vendeuses révèlent que les périodes fastes pour la vente sont celles des fêtes (Tabaski, Korité, Noël, 15 août).
Active dans cette vente depuis une vingtaine d’années, Mame Diarra, la cinquantaine, tout en assurant avoir son « soutoura » (couvrir sa dignité), appelle ses collègues à la prudence face au rush de véhicules de toutes marques.
De nombreuses femmes vendeuses sont dépourvues de champ et sont obligées d’aller acheter la matière première. Sans fonds ni aide, elles sont souvent amenées à la prendre en crédit pour rembourser le jour du « louma » (marché hebdomadaire). D’où son « appel à l’aide pour disposer de fonds » de financement.
Par Ibrahima Khaliloullah NDIAYE et Ibrahima KANDÉ (Textes)