Excédés par 16 années d’immobilisme et une gouvernance jugée « illégitime », des opérateurs économiques de Ziguinchor, réunis au sein d’un collectif, exigent le renouvellement immédiat des instances de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture.
Ziguinchor – La tension est palpable au sein du milieu économique de Ziguinchor. Hier, lundi 14 juillet, lors d’une conférence de presse, le Collectif des acteurs économiques a alerté leur ministère de tutelle sur le blocage institutionnel qui paralyse la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Ziguinchor. Depuis 16 ans, aucune élection n’a été organisée pour renouveler ses instances. Les acteurs économiques appellent à l’organisation d’élections dans des délais raisonnables. « Depuis 2009, rien n’a changé. C’est une violation flagrante de la loi et un mépris total des opérateurs économiques », a déclaré Boubacar Sagna, point focal du pôle sud du Bureau de Mise à Niveau (Bmn) et candidat déclaré à la présidence de la chambre consulaire. « Le décret n° 2003-101 du 13 mars 2003 fixe à cinq ans la durée d’un mandat consulaire.
Aujourd’hui, nous sommes à plus de trois fois ce délai. Cette situation est intenable », a-t-il insisté. Face à ce qu’il qualifie de léthargie institutionnelle, le collectif accuse l’État de lenteur et de silence complice. En l’absence de renouvellement, les acteurs économiques se sentent illégalement écartés des instances décisionnelles et réclament une gouvernance horizontale, inclusive, représentative et efficace. « La Casamance est une région aux énormes potentialités – deux aéroports, un port, des terres fertiles – mais tout est bloqué. Ce blocage institutionnel étouffe l’initiative privée et sabote la reconstruction économique post-crise », regrette M. Sagna. Il déplore également l’absence totale d’encadrement, de formation et de structuration des filières économiques locales depuis plus d’une décennie. Plus grave, selon le collectif, cette situation expose l’État à des risques juridiques majeurs. « Toute convention signée ou décision prise par l’actuelle chambre pourrait être déclarée nulle pour illégalité de signature.
Cela compromet la sécurité juridique des transactions et fragilise les relations avec les investisseurs », a averti Boubacar Sagna. Il précise que cette inertie institutionnelle pourrait nuire à l’image du Sénégal sur la scène internationale. Dans un contexte où la transparence et la bonne gouvernance sont des critères essentiels pour les bailleurs de fonds et partenaires techniques, il estime que la Casamance ne peut se permettre un tel déficit de crédibilité. Face à cette situation, le collectif appelle le ministère de l’Industrie et du Commerce à assumer pleinement ses responsabilités. « Nous voulons une chambre utile, au service des acteurs économiques. Il est temps d’assainir le climat institutionnel pour relancer durablement notre économie locale », a affirmé le point focal du pôle sud du Bmn, faisant ainsi de la réforme en profondeur de l’institution un argument de campagne.
Alors que la Casamance aspire à un nouvel élan économique, tous les regards sont désormais tournés vers le gouvernement qui doit organiser ces élections. En réaction à la sortie de Boubacar Sagna, l’actuel président de la Chambre de commerce de Ziguinchor semble minimiser les agissements de patron du pôle Sud du Bureau de mise à niveau. Joint par téléphone depuis la Suisse où il se trouve actuellement, Jean-Pascal Éhemba a estimé que la tenue des élections ne « relève pas des prérogatives d’un simple citoyen ou d’une quelconque entité mais bien de l’État du Sénégal ». De plus, a-t-il fait savoir, « Boubacar Sagna est soutenu par un lobbying qui pense pouvoir me combattre ». Cependant, M. Éhemba affirme que le jeune opérateur économique « sera agréablement surpris au moment du dépôt des candidatures », précisant d’ailleurs que ce dernier n’est pas le seul candidat pour lui succéder. Concernant la polémique liée à la gestion de la Chambre consulaire, Jean-Pascal Éhemba dit ne pas accorder trop d’importance aux propos de Boubacar Sagna.
Gaustin DIATTA (Correspondant)