Au cœur de la «crise du sable», les maçons et les clients sont les premiers impactés. Ils sont confrontés quotidiennement à cette nouvelle réalité. Sur un chantier modeste de la banlieue dakaroise, Abdoulaye Diallo, un maçon, slalome tête baissée entre les amas de ciment jonchant son chantier, avant de prendre une brique à moitié cassée. « Avant, le sable, on ne se posait même pas la question de son prix. C’était une évidence, on l’achetait sans problème. Aujourd’hui, c’est devenu le poste de dépense le plus incertain. Chaque matin, on prie pour que le prix n’augmente pas », confie le maçon. À en croire de nombreux maçons, plusieurs projets de construction, qu’il s’agisse de petites extensions de maisons familiales ou de bâtiments plus importants, sont à l’arrêt. « Les clients nous appellent moins. Quand on leur annonce le devis avec le nouveau prix du sable, ils sont choqués. Certains décident de reporter leurs travaux, d’autres se résignent à faire le minimum », raconte Abdoulaye Diallo.
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Il témoigne de la difficulté de conserver sa main-d’œuvre : « Mes gars n’ont plus autant de travail qu’avant. Je suis obligé de les laisser partir, le cœur lourd. C’est une catastrophe pour nos familles », renchérit-il, le regard buté.
Du côté des clients, le désarroi est palpable. A. Diop, père de trois enfants, avait économisé pendant des années pour construire une pièce supplémentaire pour ses enfants. Il se retrouve dans l’incapacité de poursuivre les travaux de construction qui ont longtemps germé dans sa tête. « J’avais un budget précis, tout était calculé. Mais avec cette augmentation, mon rêve s’est envolé. Le sable coûte presque aussi cher que le ciment. Comment voulez-vous qu’on construise ? On est bloqués, nos enfants grandissent et n’ont pas d’espace », se désole-t-il. Il exprime sa frustration face à ce qu’il perçoit comme une injustice : «On travaille dur, on épargne, et du jour au lendemain, tout s’écroule à cause d’un matériau de base. Le gouvernement doit faire quelque chose, c’est intenable», fulmine-t-il.
Une chaîne d’approvisionnement défaillante
Alioune Kassé s’est retrouvé dans la même situation. Happé de plein fouet par cette fulgurante augmentation du prix du sable de construction, le père de famille, atterré, peine à cacher son amertume. Mais il espère que des mesures seront prises pour réguler les prix. « J’avais tout planifié. Je croise les bras en attendant que les choses changent », lâche-t-il. De plus, la logistique de transport est un facteur de coût non négligeable. En effet, les distances entre les rares carrières actives et les centres urbains de consommation comme Dakar entraînent des coûts de carburant et d’entretien des véhicules plus élevés. « Le rythme peut parfois être infernal, surtout pour les vieux camions qui roulent depuis des décennies. La mécanique est mise à rude épreuve à chaque voyage », indique un camionneur sous couvert de l’anonymat. Les embouteillages chroniques et les « tracasseries administratives » sur les routes s’ajoutent également aux délais et aux dépenses. «Un voyage qui prenait une demi-journée prend maintenant une journée entière, voire plus, à cause de la distance et des contrôles. Chaque heure perdue, c’est de l’argent en moins pour nous, et en plus pour le client», se plaint un autre chauffeur rencontré près d’un dépôt. Ces coûts supplémentaires sont répercutés sur le prix de vente final du sable, impactant directement le consommateur.
Pathé NIANG