L’exploitation pétrolière en Afrique n’est plus seulement une affaire de géologie, mais d’intelligence contractuelle. Fiscalité progressive, clauses de stabilisation, contrôle des coûts : la maitrise de ces outils détermine désormais l’équilibre entre attractivité pour les investisseurs et bénéfice pour les populations. Ces réflexions étaient au cœur de la 3e édition des Journées pétrole (28-31 mai à Dubaï).
L’exploration pétrolière est une activité risquée –le taux de succès est de seulement 25 %– et couteuse. Pour attirer les investisseurs, les États africains ont adopté des politiques fiscales variées. Ainsi, la Namibie qui présente un potentiel gazier énorme a opté, au départ, pour une politique fiscale très favorable avant de la calibrer en sa faveur au fur des découvertes. De son côté, l’Angola a basculé vers un modèle hybride, alliant appel d’offres et négociations directes avec les compagnies selon les blocs. Au début de l’exploration pétrolière, la Côte d’Ivoire avait renoncé au bonus de signature ; ce qui lui a permis d’avoir une bonne connaissance de son bassin sédimentaire et de mieux le vendre aux investisseurs.
Cette stratégie a, aujourd’hui, porté ses fruits au vu des importantes découvertes ces dernières années, comme celle de Baleine par Eni. « C’est un choix politique », constate Gacyen Mouely, associé gérant du cabinet 3M-Partners & Conseils. En Guinée, le principe, c’est l’appel d’offres, le gré à gré est l’exception. Le Gabon a quant à lui supprimé le bonus de signature. « Les pays qui ont le plus de succès sont ceux qui privilégient des négociations directes », constate Jennifer Jumbe, de S&P Global, référence mondiale en analyse des marchés énergétiques.
Avec la focalisation des majors sur les bassins matures au gros potentiel, il faut faire preuve d’ingéniosité pour attirer les investisseurs vers les champs marginaux. « Les pays mâtures optent de plus en plus pour un régime fiscal progressif », explique Gacyen Mouely, invitant les pays africains à ne pas se focaliser uniquement sur les aspects fiscaux, mais à prendre également en compte d’autres critères économiques et sociaux (respect de l’environnement, transfert de technologies, emploi). Pour le ministre congolais des Hydrocarbures Molendo Sakombi, négocier un Cpp, ce n’est pas juste signer un accord.
« C’est défendre l’inclusion et les équilibres, encadrer des droits et surtout anticiper les leviers de contrôle pour ne jamais perdre la main », déclare-t-il. Selon Vacaba Diaby, ambassadeur de la Côte d’Ivoire aux Émirats arabes unis, l’objectif est de trouver un équilibre entre préservation des intérêts des États et attractivité des cadres réglementaires et fiscaux. Il souligne que la bonne négociation des Contrats de partage de production (Cpp) est le point de départ de la gestion efficiente des ressources pétrolières. « Des contrats mal négociés profitent plus à nos partenaires internationaux qu’à nos populations. En même temps, il ne s’agit pas d’adopter des bases de négociations qui ne nous permettraient pas d’attirer des investisseurs dans nos bassins sédimentaires. Les activités pétrolières sont fortement capitalistiques et risquées. Nous avons donc besoin de partenaires internationaux prêts à prendre ce risque avec nous dans le cadre de partenariats gagnant-gagnant », explique M. Diaby.
Par Seydou KA (Envoyé spécial à Dubaï)