Après plus de vingt ans sous domination portugaise, les chantiers navals de Dakar s’apprêtent à changer de gouvernance. L’État sénégalais a lancé un appel à candidature international pour un partenariat public-privé de 20 ans visant à financer, exploiter et entretenir ces infrastructures stratégiques.
Publié dans Le Soleil, cet appel d’offres représente une étape majeure dans la reprise en main des chantiers navals, jusqu’ici gérés par la société portugaise Lisnave à travers Dakarnave. Les entreprises intéressées ont jusqu’au 25 mars pour soumettre leur demande de préqualification auprès de la Société des infrastructures de réparation navale (Sirn).
Ce projet s’inscrit dans la volonté du président Bassirou Diomaye Faye de revoir un contrat jugé défavorable au Sénégal. Sous la direction de Saliou Samb, puis de son successeur Babacar Faye, la Sirn a mené un travail de fond pour aboutir à cette décision. Depuis l’arrivée de Lisnave il y a 25 ans, l’État n’a perçu que 2 milliards de francs CFA de redevance, un montant dérisoire au regard des bénéfices générés.
En 2024, Dakarnave a réalisé un chiffre d’affaires de 20 milliards de francs CFA, mais n’a reversé que 200 millions à l’État, soit seulement 1 %. Ce déséquilibre, dénoncé à plusieurs reprises, découle d’un partenariat accordé sous le régime socialiste et critiqué par de nombreux organes de contrôle.
Un contrat léonin dénoncé
Malgré des infrastructures en bon état, Dakarnave investit peu dans leur maintenance. Les auditeurs révèlent que la Sirn a injecté plus de 16,5 milliards de francs CFA pour entretenir les installations et financer divers projets, alors que Lisnave, qui empoche plus de 98 % des bénéfices, n’a contribué qu’à hauteur de 1,7 milliard, principalement sous forme d’augmentation de capital.
En plus de cette répartition inéquitable, Le journal Le Quotidien soulignait que Dakarnave profite largement du patrimoine immobilier de la Sirn. Selon les auditeurs, une soixantaine de logements en ville sont occupés par le personnel expatrié de l’entreprise pour des loyers très bas, variant entre 50 000 et 60 000 francs CFA. Par ailleurs, 14 hectares de terrain situés dans le Port de Dakar ont été loués à l’ancienne Necotrans pour seulement 600 millions de francs CFA. Ce montage représenterait un manque à gagner de plus de 2,5 milliards de francs CFA pour l’État.
Un repreneur avait déjà été sélectionné lors d’un précédent processus, mais le président Faye a exigé son annulation afin de garantir une procédure plus transparente et plus avantageuse pour le Sénégal. En attendant la désignation d’un nouvel exploitant, le contrat de Lisnave, arrivé à expiration en juin 2024, pourrait être prolongé temporairement pour assurer la continuité des activités.
Ce tournant marque la fin d’une ère héritée du régime socialiste et l’ouverture d’un nouveau chapitre dans la gestion des chantiers navals de Dakar, avec l’ambition de maximiser les retombées économiques pour le pays.
Cheikh Gora DIOP