Ils maitrisent tous les coins et recoins des bolongs du Delta du Saloum. Abdoul Aziz Barro et son frère consanguin Mamadou Barro, sont tous deux issus de la même grande famille des Barro de Toubacouta. Chez les Barro, le métier de piroguier se transmet de génération en génération. Ces piroguiers arrivent à tirer leur épingle du jeu malgré la basse saison.
Ils sont issus d’une lignée de pêcheurs et de guides touristiques très réputée à Toubacouta. Après des années d’apprentissage du métier aux côtés de leurs aînés, aujourd’hui, Abdoul Aziz Barro et Mamadou Barro sont devenus des maîtres du business. Chacun détient ses pirogues et, grâce à ses réseaux, ils arrivent à s’en sortir malgré cette période de basse saison touristique.
Il est presque 10 heures sur la plage de Toubacouta, c’est encore la marée haute. De petits crabes noirs profitent de la douceur matinale. À l’approche des visiteurs, ils se réfugient dans leurs trous et ressortent aussitôt qu’ils ne ressentent aucune menace. Dans l’eau encore en repos, de petits tilapias nagent calmement et traversent le pont qui mène à l’embarcadère.
Abdoul Aziz de son côté se prépare à embarquer dans les bolongs. Il dépose les gilets dans une pirogue en bois peinte aux couleurs du drapeau sénégalais. Il vérifie le carburant avant de vider l’eau qui a envahi la pirogue. « Je n’ai pas assez de carburant, mais, je vais aller jusqu’à SouKouta pour en acheter avant qu’on ne débarque », lance-t-il.
Ainsi, il pagaie quelques minutes afin d’allumer le moteur de la pirogue. À à peine un kilomètre de l’embarcadère de Toubacouta, on est à Soukouta. Ici, il récupère une bouteille de 20 litres d’essence, remplit son réservoir et embarque à nouveau. Cette fois-ci, nous sommes en route pour l’île de Sipo. Interpellé sur le business de la traversée, il sourit, hésite un moment et se lance.
« Ici, il n’y a pas de tarif fixe pour la traversée. Tout se marchande. Mais le minimum c’est à partir de 15 mille francs Cfa. Tout dépend du nombre de personnes aussi. Les clients vont généralement dans les petits bolongs, à l’île aux coquillages, à Sipo. Ils visitent le reposoir des oiseaux, … Car, il y a des endroits magnifiques qu’on peut découvrir ici au beau milieu des mangroves », indique-t-il le sourire aux lèvres.
Quand le relationnel fait bouger les choses
Le jeune piroguier, dans la trentaine, a lancé sa propre affaire il y a 10 ans et il s’en sort très bien. Fils de piroguier, il a tout appris de son père.
« Je rends grâce à Dieu. Il n’y a pas de règle. On y va en fonction des relations et de la clientèle qu’on a. Le mois dernier, en juillet, il n’y avait pas beaucoup de touristes. Mais là, avec les grandes vacances, ils commencent à venir petit à petit. J’invite tout le monde à venir visiter les îles du Saloum car, il y a des endroits sublimes à découvrir et ils ne vont pas le regretter. Ils pourront se distraire en famille ou seul », dit-il.
Loin des eaux, son frère consanguin, Mamadou Barro, prend de l’air en attendant ses premiers clients. À l’instar de Abdou Aziz, Mamadou est guide touristique depuis 2012. Formé par son oncle, le piroguier a vite acquis de l’expérience et a acheté sa propre pirogue.
« À l’époque, notre activité était plus prospère. Les touristes blancs venaient en masse à Toubacouta. On s’en sortait très bien. C’est à partir de 2016 que les choses ont commencé à régresser. Certes la Covid a empiré la situation, mais, le virus Ebola a été un des éléments déclencheurs de cette crise », confie-t-il.
Avant ces évènements, poursuit Mamadou, beaucoup de touristes séjournaient dans leur commune pendant des semaines. Ils passaient même leurs vacances à Toubacouta. Mais, maintenant, le constat est qu’ils ont, d’après lui, davantage de touristes de circuit.
« Ils passent juste quelques jours ici parfois même une nuit, avant de poursuivre leur route. Ce qui impacte trop notre activité. L’activité principale dans cette zone, c’est la balade sur l’île aux coquillages à partir de 17 heures, le dortoir des oiseaux et l’île de Sipo. Mais aussi, le quai de pêche de Missirah », regrette-t-il.
Les Sénégalais de plus en plus séduits par le tourisme local
Au-delà des touristes étrangers, Mamadou note que les Sénégalais commencent à venir passer leurs vacances à Toubacounta. Et d’après lui, cet engouement des Sénégalais s’est accentué depuis qu’on a commencé à vendre la Destination du Delta du Saloum.
Toutefois, ce jeune guide touristique note que ce qui freine le tourisme local, c’est souvent la cherté des hôtels. « L’hébergement de même que les restaurants coûtent chers. Et ce ne sont pas seulement les locaux qui se plaignent, même les touristes étrangers déplorent le coût des hôtels. D’ailleurs, c’est pourquoi ils se tournent de plus en plus vers les îles de la Casamance, dans les zones comme Abéné et même en Gambie », déplore Mamadou Barro.
En réalité, a par ailleurs indiqué Abdou Aziz, le business marche bien presque tous les mois sauf pendant la période d’hivernage. « Nous avons plus des touristes sénégalais. Pendant les périodes de flux touristiques, il arrive que nous gagnions 100 000 francs Cfa voire 300 000 en une journée. Mais, ce n’est pas tous les jours. Parfois, les clients nous proposent des sommes dérisoires qu’on est obligé d’accepter pour ne pas rentrer bredouille. Ainsi va la vie », avoue-t-il.
Aujourd’hui, grâce à cette activité, Aziz a déjà en sa possession deux pirogues qu’il loue et son ambition est d’en acheter d’autres puisse acheter d’autres. Vu que son activité prospère, ce jeune piroguier affirme que tenter l’émigration irrégulière ne lui traverse même pas l’esprit. « Je suis épanoui ici. Et si je n’ai aucun client, je pars à la pêche pendant 5 jours et après je vais commercialiser le poisson à Kaolack. Il arrive que je gagne entre 800 000 et un million selon la saison », se réjouit-il.
Mariama DIEME-Arame NDIAYE (Texte)-Moustapha Djamil THIAM (Images)