Le gouvernement du Sénégal a lancé son premier emprunt obligataire par appel public à l’épargne, destiné à la diaspora. Baptisé Diaspora Bonds, ce mécanisme inédit vise à mobiliser 300 milliards de Fcfa afin de financer des projets structurants et de renforcer les ressources endogènes. Un live YouTube diffusé samedi 27 septembre a permis aux autorités d’apporter des éclairages sur ce nouvel instrument, ses conditions et ses ambitions.
Comment mobiliser une partie de l’épargne considérable détenue par les Sénégalais de l’étranger au service du développement national ? C’est à cette équation que le gouvernement entend apporter une réponse avec le lancement de ses Diaspora Bonds, un emprunt obligataire inédit dont l’ambition est de lever 300 milliards de FCfa d’ici au 10 octobre. Les rouages de ce mécanisme, qui s’inscrit dans une stratégie plus large de mobilisation des ressources dans un contexte économique mondial marqué par « l’incertitude », ont été présentés samedi 27 septembre lors d’une émission spéciale diffusée sur YouTube.
Selon Alioune Diouf, directeur de la dette publique, trois facteurs principaux expliquent ce choix. D’abord, la volatilité des marchés internationaux impose de trouver des solutions de financement innovantes et moins dépendantes de l’extérieur. Ensuite, cette opération s’intègre dans la Loi de finances rectificative (Lfr), permettant à l’État d’emprunter directement en Fcfa, évitant ainsi le risque de change.
Accessibilité et rendements attractifs
Enfin, le pays bénéficie, aujourd’hui, d’une situation financière jugée suffisamment solide pour contracter de nouveaux emprunts dans des conditions avantageuses. « L’objectif est de mobiliser 300 milliards de FCfa. Les souscriptions ont démarré le 22 septembre et se poursuivront jusqu’au 10 octobre », a détaillé M. Diouf, précisant que cette démarche s’aligne sur la stratégie de redressement visant à accroître les ressources internes.
Afin de favoriser une large adhésion, le gouvernement a misé sur la simplicité et l’accessibilité. Le ticket d’entrée a été fixé à 10.000 FCfa seulement, permettant à tout citoyen, y compris de la diaspora, de devenir investisseur. Les rendements proposés, jugés compétitifs, varient selon la durée de souscription : 6,4 % sur trois ans, 6,6 % sur cinq ans, 6,75 % sur sept ans et 6,95 % sur dix ans. « Le capital sera restitué intégralement à l’échéance », a rassuré M. Diouf.
Mais au-delà de l’argument financier, les autorités mettent en avant la dimension stratégique de l’opération. « Les recettes fiscales et les financements classiques ne suffisent plus. Il est impératif de mobiliser des ressources internes, faute de quoi nous serons contraints d’aller emprunter à l’étranger à des taux souvent exorbitants », a souligné Abdou Karim Sock, directeur du contrôle budgétaire. Les fonds collectés seront orientés vers des projets structurants, avec une priorité donnée au secteur agricole. « Les Diaspora Bonds permettront de financer des activités agricoles contribuant à l’autosuffisance alimentaire du pays », a expliqué M. Sock, estimant que toutes les conditions étaient réunies pour la réussite de cette première expérience. Pour garantir l’efficacité de l’opération, le gouvernement a confié la gestion technique aux 31 sociétés de gestion et d’intermédiation de l’Uemoa, tout en modernisant les procédures de souscription. « Tout se fera de manière électronique afin de faciliter l’accès, quel que soit l’endroit où se trouve le souscripteur », a précisé Ababacar Diaw, directeur général d’Impaxis Securities.
Ce dernier a insisté sur la transparence du processus et sur la clarté du calendrier de remboursement. « Les taux sont compétitifs et les remboursements commencent dès les six premiers mois. Tout est encadré pour garantir la confiance des souscripteurs », a-t-il indiqué.
En présentant ce produit financier novateur, l’État sénégalais espère séduire une diaspora souvent sollicitée, mais rarement intégrée à ce niveau dans les stratégies nationales de financement. « Si l’opération rencontre l’adhésion espérée, elle pourrait constituer un précédent et ouvrir la voie à une nouvelle ère de mobilisation de l’épargne nationale au service du développement », a conclu Alioune Diouf, directeur général de la dette publique.
Pathé NIANG