Le Sénégal vit sous la pression des déficits jumeaux. D’un côté, un déficit budgétaire abyssal de 14 % du PIB en 2024. De l’autre, un déficit des comptes extérieurs estimé à 2 700 milliards FCFA. À cela s’ajoute un endettement extérieur qui alourdit dangereusement la charge financière du pays, portant la dette publique totale à près de 118 % du PIB. Autant dire que notre économie marche sur une ligne de crête, dépendante des financements extérieurs pour tenir debout.
Face à cette situation, l’État a annoncé un plan de redressement de 6 400 milliards FCFA. Objectif : ramener le déficit budgétaire à 3 % en 2027. Un effort louable, mais incomplet. Car si le plan trace une voie pour réduire le déficit budgétaire, il laisse entière la question du déséquilibre des comptes extérieurs et de l’endettement extérieur qui en découle.
IDE et PPP : des leviers indispensables
Comment s’en sortir ? La réponse passe par trois leviers : Diaspora, IDE et PPP.
D’abord les investissements directs étrangers (IDE). Attirer plus d’IDE ne doit pas être vu comme un luxe mais comme une nécessité. Ces capitaux ne servent pas seulement à équilibrer nos comptes extérieurs : ils sont indispensables pour industrialiser le pays, diversifier notre économie et créer des emplois durables. Une association des entreprises nationales du BTP avec les IDE serait particulièrement salutaire : elle permettrait de sauver un secteur en crise, tout en assurant la réalisation d’infrastructures modernes.
Ensuite les partenariats public-privé (PPP). Dans un contexte où l’État a les mains liées par la dette, les PPP représentent une bouée de sauvetage. Ils permettent de construire des routes, des écoles, des hôpitaux et des usines en s’appuyant sur le secteur privé national et étranger, sans creuser davantage l’endettement extérieur.
*La diaspora : d’un rôle de soutien à celui d’investisseur*
La diaspora sénégalaise a aussi un rôle clé à jouer. On parle souvent de ses transferts, mais il est temps de voir plus loin. Deux outils existent :
Les Diaspora-bonds, qui sont des emprunts de l’État auprès des Sénégalais de l’extérieur – utiles mais qui alourdissent encore la dette.
Les Diaspora-actions, bien plus prometteuses. Avec elles, les expatriés deviennent investisseurs et actionnaires dans des projets productifs (industrie, énergie, numérique, infrastructures, PME, etc.).
C’est un changement de paradigme : la diaspora n’est plus un simple prêteur, mais un acteur direct du développement.
Bien sûr, une telle stratégie suppose une diplomatie économique offensive. Le Sénégal doit convaincre les bailleurs multilatéraux et bilatéraux (FMI, Banque mondiale, BAD) que nous avons une vision claire et des réformes crédibles. Cela implique aussi un discours politique plus réaliste, qui assume notre dépendance actuelle pour mieux la transformer en opportunité.
L’horizon n’est pas bouché. Avec l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz, les comptes extérieurs pourront s’améliorer. Mais pour que cette manne profite à tous, elle doit être accompagnée d’une stratégie intelligente qui combine diaspora, IDE et PPP.
C’est dans cette alliance que réside la clé de la Vision Sénégal 2050 : un Sénégal moins dépendant, plus productif et tourné vers l’avenir.
Pr Amath Ndiaye
FASEG-UCAD