Dans son ouvrage de 180 pages intitulé « Sénégal : quand la trajectoire de croissance de l’économie disqualifie les qualifiés », l’économiste Joe Cabral, professeur à la Faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), dévoile les failles des politiques d’emploi au Sénégal, depuis l’indépendance jusqu’à aujourd’hui.
Globalement, l’examen de la demande de travail dans les principaux secteurs montre, selon le Pr Joe Cabral, que les services concentrent la moitié des effectifs demandés par l’économie sénégalaise, suivis par le secteur agricole et l’industrie. « L’analyse de la demande de travail, si l’on tient compte de la dualité de l’économie, montre que les emplois sont essentiellement pourvus par le secteur informel », écrit-il à la page 100 de son ouvrage.
Par ailleurs, le directeur du Laboratoire de recherches sur les institutions et la croissance (Linc) souligne que la demande de travail exprimée par l’économie sénégalaise est principalement orientée vers le travail non qualifié. Il en résulte une « trajectoire de croissance disqualifiante » qui confine les travailleurs qualifiés à la périphérie du marché du travail. « L’analyse révèle ainsi que les entreprises créatrices d’emplois au Sénégal privilégient avant tout le travail non qualifié. Les demandeurs d’emploi ont donc une probabilité plus élevée de trouver un poste dans le segment du marché à faible niveau de qualification, compte tenu de la structure de l’économie sénégalaise, marquée par une forte informalité », informe le Pr Cabral.
Le coordonnateur scientifique du Consortium pour la Recherche économique et sociale (Cres) ajoute, à la même page de son ouvrage, que cette forte demande de travail non qualifié expose une partie des travailleurs qualifiés au chômage. « Certains d’entre eux sont confrontés à un sous-emploi invisible, tandis que d’autres sont tentés par l’émigration, ce qui entraîne, du coup, l’exode des cerveaux. Cette situation compromet, à long terme, les bases et les potentialités du développement économique et social du Sénégal. »
D’où l’urgence, selon lui, de mener une réflexion profonde sur la conception et la conduite des politiques économiques au Sénégal, face à l’imminence de la révolution 4.0, dictée par les innovations radicales dans le domaine de l’intelligence artificielle et les enjeux en capital humain qu’elles soulèvent.
Présenté au public mardi lors d’une séance de dédicace, le livre du Pr Cabral est édité par les Presses universitaires de Dakar et préfacé par le professeur Pierre Mendy. Il est structuré en huit chapitres et est dédié à feu Docteur Gaye Daffé, qui fut également son mentor.
Mariama DIEME