La Péninsule de Corée est, depuis le 27 juillet 1953, divisée en deux par les Nations unies. Ce jour, l’instance mondiale a érigé une zone tampon le long du 38e parallèle pour séparer le Nord et le Sud de la Corée, mais aussi et surtout délimiter le monde occidental de celui communiste dans cette partie du globe.
C’était lors de la signature de l’armistice de Panmunjom ; et la zone tampon est communément appelée Zone démilitarisée (Dmz). Vestige de la Guerre froide, la Dmz rappelle à la mémoire humaine les conséquences de nos actes guerriers et parfois égoïstes. C’est une bande de terre longue de 248 km et large de 4 km. À cheval sur la rivière Imjin et du fameux 38e parallèle, la Dmz, incontestablement chargée d’histoires, sépare la République de Corée du Sud de la République démocratique et populaire de Corée du Nord. Deux pays qui sont toujours théoriquement en guerre. Deux pays frères qui se regardent en chiens de faïence. Des « demi-pays », pour certains, qui n’ont jamais entretenu de relations diplomatiques. Pourtant, Séoul et Pyongyang partagent quasiment tout, exception faite des idéologies politiques. Pour des enjeux géostratégiques opposant Est et Ouest, des milliers de familles divisées depuis 1953 ne parviennent plus à se voir.
Certaines ont naturellement perdu leurs biens qui se trouvaient de l’autre côté de la Dmz. En 1983, un concert de retrouvailles a été organisé au cœur de la Dmz, où 10.189 familles séparées se sont réunies pour les circonstances. Une initiative réconfortante. Dans cette grisaille éternelle, la lueur d’espoir est venue d’un homme : le fondateur de la multinationale coréenne Hyundai, Chung Ju-yung. Ce nordiste a, pendant la nuit du 27 juillet 1953, fui au Sud en emportant avec lui une vache qui, avec le temps, va se multiplier considérablement. Plus tard, le chaebol va retourner une génisse et plusieurs autres vaches au Nord, mais il va créer des usines pour créer des emplois dans la partie septentrionale de la péninsule, mais surtout construire une route et un pont sur la rivière Imjin pour faciliter les déplacements entre le Nord et le Sud. Une noble tentative pour rapprocher des frères ennemis ! Si la Dmz est une frontière visible, il existe d’innombrables murs invisibles dans nos maisons, quartiers, villages et villes qu’il convient de faire chuter. Pour le bonheur de tous.
Ces murs divisent les frères et sœurs, éloignent parents et leurs enfants, voisins voire concitoyens. Ils s’attaquent à la cohésion, créent de l’antipathie, inhibent les initiatives, retardent le développement, etc. On se souvient du rôle éminemment politique joué par le Pape Jean-Paul II pour la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. « Là où il y a un mur, il y a la fermeture du cœur ! Nous avons besoin de ponts, et non de murs ! », avait lancé le souverain pontife. « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », dit un proverbe africain pour résumer l’essence même de l’intelligence collective. Il urge donc de faire chuter ces murs invisibles et construire, en lieu et place, des ponts ; fédérer les synergies pour prétendre pouvoir tirer le meilleur de tout un chacun pour le plus grand bonheur de tous.
Période par excellence propice pour réveiller le bon côté de l’humain qui dort en chacun de nous, la fête de la Tabaski, au-delà du rituel du pardon, devrait plutôt être un déclic pour la chute définitive des murs invisibles. Ce serait une très belle occasion de joindre l’acte à la parole et pour de bon ! À défaut, devrions-nous, peut-être copier ce qui se fait chaque jour à la frontière indo-pakistanaise où les frères ennemis ont réussi à adoucir l’inimitié en le rendant tout au moins sarcastique. Chaque fin de journée, de part et d’autre de la frontière, des milliers de patriotes remplissent les stades dédiés pour assister à la parade des deux armées qui ont le malin plaisir de se toiser. Ouvertement !. aly.diouf@lesoleil.sn