Entre promesses industrielles et blocages répétés, le projet d’exploitation du fer de la Falémé peine toujours à voir le jour. Près d’un siècle après la découverte de son fer, le Sénégal cherche encore la formule gagnante pour valoriser ce gisement stratégique.
Découvertes en 1933, les mines de fer de la Falémé, situées dans le Sénégal oriental, symbolisent, à elles seules, les promesses non tenues du développement industriel national. Près d’un siècle après leur identification, et quarante-six ans après la création de la Société des mines du Sénégal oriental (Miferso), pas un seul gramme de fer n’a encore été extrait de ce gisement pourtant estimé à 750 millions de tonnes, dont 650 millions prouvées.
Dans son dernier rapport, la Cour des comptes s’interroge ouvertement sur l’utilité persistante de la Miferso, devenue, au fil des décennies, une structure quasi dormante, malgré les subventions étatiques qui lui ont été allouées, plus d’un milliard de FCFA entre 2014 et 2018.
Créée pour faire la promotion du gisement, la société n’a jamais réussi à franchir le cap de la production. Ses missions de prospection et de négociation ont été parasitées par des conflits, des désengagements d’actionnaires et des contentieux coûteux.
Deux litiges retentissants ont marqué l’histoire du projet : d’abord avec la société sud-africaine Kumba Ressources, puis avec le géant mondial Arcelor Mittal Dans le premier cas, le Sénégal avait été condamné à verser 37,5 milliards de FCFA pour rupture abusive.
75 milliards de FCFA récupérés après la résiliation du contrat
Dans le second, le pays a obtenu gain de cause, récupérant 75 milliards de FCFA après la résiliation du contrat pour non-respect des engagements. Ces indemnités ont servi à rembourser Kumba et à récupérer les études techniques, évaluées à 25 milliards de FCFA.
Toutefois, au-delà de ces compensations, le temps perdu reste considérable. La Cour des comptes déplore une stratégie centrée exclusivement sur la recherche de partenaires privés, souvent défaillants ou découragés par l’ampleur des investissements requis.
Elle cite, à titre de comparaison, la Mauritanie qui, grâce à la Snim, exploite depuis les années 1960 un gisement similaire et tire aujourd’hui 30% de son budget national du fer.
De Mittal à Tosyali, les promesses se succèdent
En 2007, Arcelor Mittal annonçait un investissement colossal de 2,24 milliards de dollars pour un projet intégré : mine, port minéralier à Bargny et ligne ferroviaire de 750 km reliant la Falémé à la côte.
L’exploitation devait débuter en 2011, avec une production annuelle de 15 à 25 millions de tonnes. Mais le rêve industriel s’est évaporé, laissant le Sénégal dans l’attente d’un nouveau partenaire. Après la clôture du contentieux avec Mittal, un tour de table organisé en 2015 visait à relancer le projet, évalué à 2,9 milliards de dollars.
Plusieurs sociétés sud-africaines chinoises ou européennes manifestèrent leur intérêt, sans suite concrète. Finalement, la société turque Tosyali, déjà active dans la sidérurgie mondiale, a pris l’avantage après la visite du président Erdoğan à Dakar.
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Son offre repose sur un projet réduit, exploiter et transformer sur place quatre millions de tonnes de fer par an, loin des ambitions initiales, mais plus réaliste, selon les autorités.
La relance du projet Falémé figure toujours parmi les priorités des autorités, qui y voient un levier majeur d’industrialisation, de désenclavement et de création d’emplois.
Un port minéralier à Bargny et une aciérie à Sendou sont prévus pour accompagner le complexe sidérurgique. Cependant, les populations locales expriment leurs réticences face aux impacts environnementaux et à la pression foncière qu’impliquent ces infrastructures.
Le dossier se complique davantage depuis la suspension, pour trois ans, des activités minières sur la rive gauche de la Falémé, décidée en août 2024, Cette mesure, motivée par la pollution liée à l’orpaillage artisanal, illustre la tension croissante entre développement minier et préservation des ressources hydriques.
Par Aly DIOUF


