Depuis le 31 décembre 2024, le débat sur les réseaux sociaux tourne autour des montants empruntés par l’État du Sénégal en 2024 et 2025. Sur le plateau spécial d’analyse de l’adresse à la nation du Chef de l’Etat à la TFM, le député Tafsir Thioye a avancé que l’État avait emprunté 4 400 milliards en 2024 et qu’il comptait encore emprunter plus de 4 500 milliards en 2025. Il faut préciser qu’il est erroné d’attribuer l’intégralité du montant au régime actuel.
Après exploitation des deux lois à savoir la la Loi de finances initiale (LFI) de 2025 et la Loi de finances rectificative (LFR) de 2024, on peut dégager les raisons liées à ces emprunts. Voici les détails de notre fiche d’infos qui repose en grande partie sur l’exploitation de la LFI 2025 et de la LFR 2024.
C’est quoi une Loi de finances initiale et rectificative ?
Une Loi de Finances Initiale est une loi dont l’objet est de déterminer, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte. Elle fixe le budget initial d’un pays pour l’année à venir.
Celle rectificative est la seule loi permettant de modifier en cours d’année, de manière significative, les dispositions de la loi de finances initiale (LFI) concernant notamment le plafonds des dépenses du budget de l’État.
Pourquoi le montant de l’endettement a augmenté dans la LFR 2024?
La LFR 2024 a réévalué le besoin de financement à 4 491,4 milliards de FCFA. Un tableau comparatif dressé fait une présentation des données permettant de comprendre cette augmentation. Plusieurs facteurs l’expliquent:
-Diminution des recettes :
Les recettes sont passées de 4 693,7 milliards de FCFA dans la LFI 2024 à 3 854,6 milliards de FCFA dans la LFR 2024, soit une baisse de 839,1 milliards de FCFA. Cette diminution est due à :
•Un ralentissement de l’activité économique,
•Des prévisions initiales trop optimistes,
•Des mesures de renonciation à des droits et taxes.
-Augmentation des dépenses :
Les dépenses budgétaires ont augmenté de 682,9 milliards de FCFA, passant de 5 533,9 milliards de FCFA dans la LFI 2024 à 6 216,8 milliards de FCFA dans la LFR 2024.Cette augmentation s’explique notamment par :
•Une hausse des charges de la dette publique (824,2 milliards de FCFA), en raison du renchérissement des conditions d’emprunt et de la fluctuation du dollar,
•Des dépenses imprévues, comme les indemnisations des victimes des manifestations politiques, le soutien aux prix des denrées de première nécessité, la subvention au secteur de l’énergie, la lutte contre les inondations, et l’organisation d’élections législatives anticipées.
-Besoin de financement du déficit :
Le déficit budgétaire a augmenté, passant de 840,2 milliards de FCFA dans la LFI 2024 à 2 362,2 milliards de FCFA dans la LFR 2024.
Qu’est-ce que le déficit budgétaire ?
Le déficit budgétaire correspond à la différence entre les recettes et les dépenses de l’État sur une période donnée. Lorsque les dépenses dépassent les recettes, on parle de déficit. Pour le Sénégal en 2024, la baisse des recettes combinée à l’augmentation des dépenses budgétaires a creusé un fossé énorme entre les projections et la réalité.
Pourquoi 4 573 milliards d’endettement en 2025 ?
Dans la LFI 2025, le besoin de financement est fixé à 4 573 milliards de FCFA. Ce montant comprend : l’amortissement de la dette, qui passe à 2 900 milliards de FCFA, le déficit budgétaire et d’autres déficits (opex).Ce montant élevé est principalement dû à l’amortissement de la dette, car 2 900 milliards de FCFA de capital arrivent à échéance en 2025. Une dette en grande partie héritée des régimes précédents.
L’Etat dégage ce qu’on appelle le besoin de financement brut. Il est composé du déficit budgétaire de l’Etat et de l’amortissement de la dette publique ( intérieure et extérieure). Dans le besoin de financement brut de l’Etat, le déficit représente 35% et l’amortissement de la dette 65%.
Qu’est ce qui est un flux générateur de dette des deux composantes ?
C’est le déficit budgétaire de 1600 milliards qui est un emprunt générateur d’un flux de dette. Donc, c’est de la dette nouvelle qui s’ajoutera au stock de la dette de l’année ( n-1). La dette 2025 correspond au stock dette 2024 plus le déficit budgétaire. Donc, en 2025, la dette nouvelle, c’est le déficit budgétaire de 1600 milliards de FCFA.
Pourquoi le montant de 2900 milliards n’est pas un emprunt générateur de flux de dette ?
Une source au ministère des Finances nous indique que c’est parce ce que « l’amortissement de ce montant éteint une créance auprès des créanciers du Sénégal. Par exemple, si le Sénégal emprunte pour payer l’amortissement, rien ne change. Les 2900 milliards ne créent pas une dette supplémentaire. Cette opération est appelée le refinancement d’une dette qui se fait dans le cadre d’une stratégie de gestion de la dette à moyen terme ».
Diery DIAGNE
