L’État veut tirer profit de la filière anacarde. Lors d’une rencontre tenue, hier, à Ziguinchor, le ministre du Commerce et de l’Industrie, Serigne Guèye Diop, a révélé que le Sénégal entend transformer, au moins, les 50% de la production locale pour booster la relance structurée, durable et inclusive de ce sous-secteur.
ZIGUINCHOR – C’est dans une salle comble, à Ziguinchor, que s’est tenu, le mardi 27 mai 2025, le Comité régional de développement (Crd) consacré au lancement de la campagne de commercialisation de l’anacarde 2025. Cette rencontre, présidée par le ministre du Commerce et de l’Industrie, Serigne Guèye Diop, a rassemblé les principaux acteurs de la filière, notamment les producteurs, transformateurs, responsables d’institutions bancaires, etc., autour d’un objectif commun : repenser en profondeur le modèle économique de l’anacarde. Depuis quelques années, le Sénégal ne cesse de tirer profit de la richesse que représente la noix d’anacarde. En 2024, le pays a exporté 79.076 tonnes de noix brutes, générant plus de 52 milliards de FCfa.
Un chiffre impressionnant en apparence, mais qui cache une réalité moins reluisante. Car, 84% des exportations sont destinées à l’Inde et 16% au Vietnam, sans aucune transformation locale substantielle. Résultat : une filière qui enrichit davantage les marchés étrangers que les territoires producteurs. « Nous ne pouvons plus continuer à exporter de la matière première sans en tirer le moindre avantage industriel », a martelé le ministre Diop. Selon lui, il est grand temps d’opérer un tournant stratégique vers la transformation locale. L’objectif est clair : transformer au moins 50 % de la production nationale d’ici à cinq ans. « Ce n’est qu’à ce prix que le Sénégal pourra commercialiser ses propres produits finis, créer de l’emploi et assurer une meilleure redistribution de la richesse », a-t-il insisté.
Malgré le potentiel évident de l’anacarde, plusieurs contraintes entravent sa structuration. Il s’agit, entre autres, du manque d’infrastructures industrielles adaptées, du manque d’accès au financement, de l’insuffisance de formation des acteurs et de l’absence de mécanismes d’agrément stricts. Xavier Diatta, transformateur installé en Casamance, alerte : « Chaque année, c’est un drame économique et écologique qui se répète. Sans réforme profonde, nous continuerons de perdre des milliards et d’épuiser nos ressources ». Un constat partagé par Jean-Pascal Éhemba, président de la Chambre de commerce de Ziguinchor, pour qui « la solution passe par un renouvellement massif des plantations, mais surtout par la professionnalisation des unités de transformation locale ». Pour remédier à ces faiblesses, le ministre du Commerce et de l’Industrie a annoncé la mise en place de mécanismes d’agrément obligatoires dès la prochaine campagne. « Aucun acteur ne pourra désormais intervenir sans disposer d’un numéro d’agrément. C’est une étape essentielle pour structurer le secteur et assurer la traçabilité », a déclaré l’ancien maire de Sandiara. Sur le terrain, les attentes sont nombreuses. « Nous avons des tonnes de production bloquées dans les champs, faute de moyens pour les écouler », a regretté Sékou Diémé, président d’une organisation de producteurs établie dans la région de Ziguinchor. Il a plaidé pour des financements plus adaptés aux réalités des campagnes agricoles. Ismaïla Diémé, producteur à Tobor et président du Collège national des producteurs, a insisté sur la nécessité de renforcer l’Agropole Sud et de faire du port de Ziguinchor une véritable plateforme logistique.
Gaustin DIATTA (Correspondant)