Ville frontière à presque 2.000 mètres d’altitude, dans le Sud-Est du pays, Kunming incarne, à la fois, la mémoire des anciennes routes de la soie et les ambitions de la Chine. C’est là, au cœur du Yunnan, que s’est ouvert, mardi 16 septembre, le Forum de coopération des médias sur « La Ceinture et la Route ». En ces temps incertains, le géant réitère son appel pour un « système de gouvernance mondiale plus juste ».
KUNMING (YUNNAN) – Le grand voyageur Marco Polo a écrit dans ses carnets que c’est « une ville magnifique ». Quand il y est arrivé au 13e siècle, le découvreur de la Chine pour l’Occident n’avait pas vu les buildings, encore moins le métro, les motos électriques, ou les lampadaires hybrides éoliens-solaires. Mais sans nul doute, il avait été frappé par les éminences boisées des montagnes qui enserrent Kunming, lui donnant une atmosphère sécure qu’accentuent en ce mois de septembre le calme du lac Dianchi, l’exubérance florale du printemps et la zen attitude de ses habitants. La capitale de la province du Yunnan, dans le sud-est de l’Empire du Milieu, est aux confins de ses frontières avec le Myanmar, le Laos et le Vietnam, la porte du Sud-Est asiatique. Ici, tout est mémoire et projection dans l’avenir en même temps. Souvenirs de l’antique voie Sud de la Route de la soie qui voyait les caravanes de chameaux et de chevaux conduire le thé, le papier, la porcelaine, les épices vers le Sud ; futur industriel, car ici, on trouve le nec plus ultra du savoir-faire chinois, le nouveau visage de la puissance. En mai dernier, a d’ailleurs été inauguré le chemin de fer reliant la ville à Vientiane, la capitale du Laos.
Ville donc chargée de symboles pour illustrer le dialogue que la Chine entretient avec le monde depuis quelques années…C’est une smart city enveloppée par une légère brume qui a accueilli, le mardi 16 septembre, l’ouverture du Forum de coopération des médias sur « La Ceinture et la Route ». Peloton de voitures diplomatiques, badges tricolores, micros, casques d’écoute : plus de 200 représentants étrangers de 87 pays, organisations, médias et institutions régionales ou internationales, soit 165 médias et institutions, se sont réunis dans un centre de conférence du quartier des affaires pour ce qui est présenté comme un moment majeur de dialogue autour des récits, des responsabilités et de l’influence médiatique dans un monde globalisé. Depuis que le Président Xi Jinping a lancé l’Initiative de « La Ceinture et la Route » en 2013, les intervenants au forum insistent sur les « résultats fructueux » obtenus. Ce projet, expliquent la plupart des intervenants dont la fine fleur du Parti communiste local, ne serait plus seulement un plan d’infrastructures, mais un « bien public international » et « une plate-forme de coopération innovante ». Une actualité récente s’est greffée à ce discours : l’Initiative pour la gouvernance mondiale, proposée par le Président Xi lors du sommet « Organisation de coopération de Shanghai + », à Tianjin, dans le Nord-Est du pays, début septembre.
Des ponts, pas des murs
Cette initiative s’inscrit, aux yeux des autorités chinoises et des médias présents, comme un complément à «la Ceinture et la Route », visant non seulement à « élargir la portée de la coopération internationale, mais aussi à poser les principes d’égalité souveraine, de respect du droit international, de multilatéralisme, et d’actions concrètes », comme l’a indiqué Zhen Jianbang, vice-président du comité central de l’Assemblée nationale populaire dans son discours. Il s’agit, ici, selon les organisateurs, de « partager les responsabilités des médias et de promouvoir l’apprentissage mutuel des civilisations ». Le choix de Kunming ne semble pas fortuit vu l’ambition de la ville d’être « un centre de rayonnement » vers le sud-est asiatique. « Cette initiative répond aux besoins de l’époque », ajoute Yu Shaoliang, le Pca du « Quotidien du peuple ». Quand la Chine développe son soft-power, elle ne prend pas tout, si l’on ose écrire.
De manière subtile, elle laisse entendre qu’elle apprend et reçoit aussi des autres. À côté de ses déploiements tous azimuts sur la planète (IA, robotique, nucléaire, solaire, corridor transcaspien, corridor maritime avec l’Amérique latine, infrastructures, riz bio, dépistage et traitement de cardiopathies pédiatriques, opérations de la cataracte…), elle valorise les dons qu’elle a reçus lors de la pandémie ou encore un don du Président équato-guinéen pour construire l’école primaire de l’amitié entre le géant et le pays d’Afrique centrale. La Chine envoie le message selon lequel elle partage ses opportunités, prône « l’égalité souveraine et état de droit » et un « système de gouvernance mondiale plus juste ». S’agissant précisément des médias, les interventions évoquent « la nécessité d’un récit coconstruit », de « connectivité matérielle et de connectivité des cœurs », des mots fleurant bon le Sud global. Les dirigeants chinois disent en substance que « la prospérité de la civilisation dépend des ponts, pas des murs ». Un real power qui murmure au creux de l’oreille…
Par Samboudian KAMARA, envoyé spécial en Chine