En visite officielle en Sierra Leone les 2 et 3 juin derniers, le Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko, a été reçu en audience par le président Julius Maada Bio. Cet entretien en tête-à-tête a été suivi d’une séance de travail élargie entre les délégations des deux pays, marquant le lancement d’une coopération bilatérale renouvelée, centrée sur les secteurs de l’énergie et des mines.
Accompagné de plusieurs membres de son gouvernement — Abdourahmane Sarr (Économie et Coopération), Serigne Guèye Diop (Commerce et Industrie) et Fatou Diouf (Pêche et Infrastructures portuaires) — le chef du gouvernement sénégalais a co-présidé une réunion de plus de deux heures avec le vice-président sierra-léonais, Mohamed Juldeh Jalloh, et plusieurs ministres. Les échanges ont abouti à la signature de deux documents majeurs : un accord entre l’Agence nationale chargée de la Promotion de l’Investissement et des Grands Travaux (APIX) et son pendant sierra-léonais, NUB, dans le domaine du développement et des zones spéciales ; et un mémorandum d’entente sur la coopération dans les secteurs des mines et de l’énergie, signé par Abdourahmane Sarr et son homologue sierra-léonais.
L’énergie, au cœur des échanges
Parmi les points saillants abordés figure la volonté des autorités sierra-léonaises de réformer leur secteur électrique, notamment par une privatisation partielle de l’Electricity Distribution and Supply Authority (EDSA), l’agence publique chargée de la gestion et de la distribution du réseau. Cette réforme vise à attirer des investisseurs solides, notamment au niveau régional.
Dans cette optique, la Senelec, société nationale sénégalaise d’électricité, a été identifiée comme un partenaire stratégique potentiel pour intégrer le capital d’EDSA. Des accords de coentreprise (joint-ventures) sont également envisagés, afin de favoriser le benchmarking, le transfert de technologies et le renforcement des compétences locales.
Par ailleurs, les autorités sierra léonaises ont invité les banques sénégalaises à s’impliquer dans ce processus, en participant au financement du secteur énergétique. Le Premier ministre Ousmane Sonko a tenu à nuancer cette proposition, précisant qu’il faut distinguer les « banques au Sénégal » des « banques sénégalaises », une manière d’encourager la création d’institutions financières véritablement nationales, ancrées dans le capital local.
Déjà active en Gambie et au Congo, où elle partage son savoir-faire, la Senelec pourrait ainsi renforcer sa présence sous-régionale à travers cette nouvelle opportunité en Sierra Leone. « Les autorités sierra-léonaises souhaitent vivement que la Senelec qui déploie son expertise dans la sous région, participe à ce processus, dans une logique de transfert de compétences et de modernisation du réseau », a confié à Le Soleil un haut responsable sénégalais ayant pris part aux échanges.
Appel au secteur privé
Confrontée à un déficit énergétique structurel, la Sierra Leone cherche à impulser une meilleure transition, en misant sur l’investissement privé pour moderniser ses infrastructures électriques. Son réseau actuel, encore largement déficient, limite considérablement l’exploitation sur place de ses immenses ressources minières notamment l’or, le fer, le zircon, ainsi que plusieurs métaux rares et lourds.
C’est dans ce contexte que Freetown et Dakar ont exprimé leur volonté de bâtir un partenariat gagnant-gagnant, reposant sur la complémentarité de leurs atouts : d’un côté, la richesse minière et le besoin de structuration ; de l’autre, l’expérience technique et institutionnelle. Ensemble, ils dessinent les contours d’un modèle de coopération sud-sud, fondé sur le partage d’expertise, le transfert technologique et l’intégration régionale.
Une feuille de route pour des résultats concrets
Pour assurer un suivi efficace de cette dynamique, un comité technique bilatéral sera mis en place. D’abord composé de représentants gouvernementaux, il s’ouvrira progressivement aux partenaires techniques et financiers. Sa mission : élaborer une feuille de route précise, avec des étapes claires à court terme, pour matérialiser les engagements pris dans les secteurs de l’énergie et des mines.
Cette initiative marque une étape significative dans les relations entre Freetown et Dakar. Elle inscrit leur collaboration dans une logique de développement partagé, où la mobilisation du secteur privé s’allie à une volonté politique affirmée d’intégration sous-régionale.
Cheikh Gora DIOP, de retour de Freetown (Sierra Leone)