Imaginez une gare en chair et en os. Imaginez du fer et des briques, du ciment et de la peinture. Imaginez toute une structure qui respire, vit, se remplit de l’âme de celles et de ceux qui la fréquentent. Imaginez, Rufisque et imaginez sa gare…
Parvis : ce n’est pas qu’un terme du jargon ferroviaire. Il y a « vie » et à Rufisque, cette dernière ne fait que résonner dans le mot. Elle y est incarnée, portée par la chair des voyageurs. Le parvis de la gare de Rufisque est, en effet, le réceptacle de plusieurs souffles. Sous un cocotier, des modèles posent, et sous le regard de leur photographe : shooting. Sous un cocotier, des jeunes qui profitent de l’ombre pour manger.
Sous un autre cocotier, on se repose. Le parvis recueille le souffle des pas, se pare de la verdure des cocotiers, s’anime du gazouillis des oiseaux qui logent les branches. Il est midi et cette vie va au-delà de minuit : jusqu’à deux heures, dit Mouhamed Bachir Faye, puisque les populations qui vivent autour de la gare s’y invitent pour manger, profiter de la beauté du cadre et du calme qui y règne.
Parvis, parce qu’une gare ne vit pas que des allers-retours des rames. Parvis, parce que les gares ont aussi besoin d’âme. Et elles sont entre six mille et sept mille âmes à transiter durant toute l’ouverture commerciale, de 5 h 30 min jusqu’à 23 h. Et sont de tous les profils.
Et, selon ce qu’en dit M. Faye, chef de secteur de Diamniadio où se trouve la gare de Rufisque, entre 25 et 30 % des voyageurs appartiennent au profil élève-étudiant. Vacances obligeant, les porteurs de sacs à dos se font rares. Mais, cela n’enlève en rien à l’animation de la gare. Pas de vent. Peu de vent.
Et ces voix qui annoncent l’arrivée des rames en provenance de Diamniadio ou de Dakar n’ont pas besoin de vent pour se faire transporter et atteindre toutes les oreilles. On prend alors son ticket dans ce bâtiment qui garde tout de l’époque coloniale durant laquelle il a été construit.
Un lieu qui ne désemplit pas
On peut aussi retirer ou envoyer de l’argent dans cet autre bâtiment construit récemment pour donner plus d’étoffe à la gare et on le traverse pour rallier les rames via la passerelle. On y croise des porteurs de sacs, de sachets. Sans doute, le profil commerçant, puisque non loin, attend le marché.
Du haut de la passerelle, une vue large sur le parking qui ne désemplit pas. Qui, d’ailleurs, ne désemplit jamais, traduisant une autre culture de la mobilité inspirée de l’implantation du TER. On y vient avec sa voiture. On la gare. On se laisse transporter par l’Express. On gagne du temps pour rallier ses bureaux à Dakar.
On s’économise, physiquement. On économise financièrement. Le stress du voyage en voiture qui durait deux heures ? Le TER ne comprend pas le langage des heures : il s’exprime en minutes. Bref, comme Monsieur Tahir Koné. Il est là, sur le quai, attendant son désormais moyen de transport quotidien…
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Il y a ceux qui ne prennent le train qu’occasionnellement, comme le militaire à la retraite Mamadou Diop. Profil, troisième âge ! Et sans doute, son passé d’homme de tenue le rend plus sensible à l’aspect sécuritaire. Il en parle et insiste. Il se réjouit et salue ses hommes en tenue sur les quais, qui veillent et rassurent avec leur seule présence.
« Aujourd’hui, la gare de Rufisque est vraiment dans le quotidien des Rufisquois », confirme Mouhamed Bachir Faye. Parce que c’est un carrefour d’échanges. Très fréquemment, elle reçoit des demandes d’associations rufisquoises. Comme celle de la collectivité léboue, un groupe de promotion du tourisme, un autre qui veut organiser un défilé. Où ?
Sur le parvis, bien sûr, qui entend ainsi beaucoup de sons s’imprimer sur son sol devant cette vieille structure métallique construite en 1885 et qui a sûrement regardé mille et une âmes défiler devant elle.
Par Moussa Seck