Extraite de l’acacia Sénégal, la gomme arabique joue un rôle écologique et économique majeur dans le Ferlo (département de Linguère), soutenant des milliers de familles rurales, notamment les femmes.
La gomme arabique, « dakandé » en wolof, est récoltée entre novembre et janvier, puis d’avril à juin. La méthode utilisée est ancestrale : l’incision manuelle de l’écorce des acacias pour faire écouler une résine qui se solidifie au contact de l’air et forme des « larmes » translucides. Ce processus ne nécessite l’utilisation d’aucun produit chimique, ce qui rend cette activité respectueuse de l’environnement.
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Les arbres commencent à produire de la gomme dès l’âge de trois à quatre ans, et les récoltants, souvent des femmes, se rendent sur les sites pour pratiquer des entailles sur les troncs pendant la saison sèche. Après un mois, les « larmes » de gomme sont soigneusement récoltées, séchées, nettoyées, puis classées selon leur qualité avant d’être commercialisées. Ce savoir-faire, pratiqué depuis des générations, est crucial dans la lutte contre la désertification et le reboisement.
Dans le Ferlo, où les opportunités économiques sont limitées, la gomme arabique offre aux producteurs un moyen de subsistance essentiel. Cette activité génère des revenus pour des milliers de familles et joue un rôle déterminant dans la stabilité financière des communautés locales. La rémunération des récoltants se fait généralement à la tâche, en fonction du poids de la gomme récoltée ou triée.
Une source de revenus stable pour les familles
Cette flexibilité permet à de nombreuses femmes, comme Oumy Diop, de subvenir à leurs besoins tout en exerçant un métier qui fait partie intégrante de leur culture et de leur identité. Âgée de plus de 40 ans, Oumy, une habitante de Dahra, s’adonne à cette activité depuis des années. Elle confie que la récolte de la gomme arabique est une source de revenus stable pour les familles.
« C’est une activité essentielle qui permet de soutenir ma famille et de financer mon commerce durant l’intersaison », explique la dame. Cependant, malgré l’importance de la gomme dans l’économie locale, elle reste une filière artisanale. Pour beaucoup, la modernisation de la récolte semble indispensable pour maximiser les bénéfices.
Une récolte artisanale
Malgré sa contribution à l’économie locale, la filière gomme arabique demeure largement artisanale et les techniques de récolte n’ont pas beaucoup évolué depuis des siècles. Maïmouna Bâ, une habitante du village de Boulal (département de Dahra), plaide pour une meilleure gestion de la récolte, particulièrement l’utilisation de lames spécifiques pour éviter les blessures inutiles aux gommiers. « L’arbre réagit mieux et produit plus de sève lorsque les incisions sont faites correctement », explique-t-elle.
Les récoltants demandent également des équipements modernes, tels que des sacs de collecte hygiéniques et des séchoirs solaires ou des abris ventilés, pour améliorer la qualité de la gomme et accélérer le processus de séchage.
Actuellement, le manque d’usines de transformation au Sénégal oblige souvent les producteurs à vendre leur gomme brute à des prix très bas. Sa transformation locale en poudre pourrait multiplier sa valeur par 10, mais l’absence d’infrastructures adaptées reste un obstacle majeur.
Plaidoyer la structuration de la filière
Si la filière est structurée et modernisée, elle pourrait devenir une ressource clé pour le développement durable. Ousmane Sy, un acteur influent de la filière à Dahra, explique que la gomme arabique pourrait devenir compétitive sur les marchés internationaux à condition que la récolte et la transformation soient modernisées. « La transformation de la gomme brute en produits dérivés permettrait non seulement d’augmenter les revenus des producteurs, mais de stimuler aussi l’emploi local dans la transformation et la logistique », ajoute-t-il.
La structuration de la filière présenterait aussi des avantages multiples : elle renforcerait l’économie locale, limiterait les intermédiaires et encouragerait la préservation des ressources naturelles, surtout la régénération des acacias. Selon les acteurs, ce processus pourrait également jouer un rôle central dans la lutte contre la déforestation en garantissant une gestion plus durable des forêts. La gomme arabique représente un modèle de développement durable alliant tradition et innovation.
Bien qu’elle soit déjà un levier économique important pour les communautés rurales, sa modernisation permettrait de maximiser son potentiel. En soutenant la structuration de cette filière, le Sénégal pourrait transformer une ressource naturelle précieuse en un moteur de développement économique et environnemental. La gomme arabique pourrait ainsi devenir un exemple à suivre dans la gestion durable des ressources naturelles en Afrique.
Par Abdoulaye SADIO (Correspondant)