Longtemps absentes des cercles de décision malgré leur poids dans l’économie locale, les femmes leaders de Ziguinchor entendent désormais se faire une place au cœur des Chambres consulaires. Le projet « Fem lead », lancé hier dans le Sud et financé par la coopération canadienne en partenariat avec Catalyste+ et Unccias, ambitionne de préparer une nouvelle génération de dirigeantes capables d’accéder aux plus hautes instances, voire à la présidence des Chambres de commerce.
À Ziguinchor, les lignes commencent à bouger. Le projet « Fem lead » 2025-2027, financé par le Fonds canadien d’initiatives locales et mis en œuvre par Catalyste+, a été officiellement lancé avec un objectif clair : renforcer l’intégration des femmes dans les instances de décision des Chambres de commerce. Une initiative saluée par de nombreuses actrices économiques de la région, qui dénoncent depuis des années leur marginalisation dans les structures consulaires. Femme transformatrice reconnue dans la région, Anne-Cécile Diatta n’a pas caché son amertume face à une situation qu’elle juge injuste.
Elle affirme n’avoir jamais pris part à une assemblée générale élective de la Chambre de commerce de Ziguinchor, malgré l’engagement constant des femmes dans les activités économiques. « Nous sommes des actrices de développement. Les femmes s’activent dans plusieurs corps de métier. Pourtant, nous sommes laissées en rade. Nous avons nos mots à dire au sein des instances de décision des Chambres consulaires », a-t-elle regretté.
Pour elle, le constat est sans appel : les femmes sont des actrices majeures du développement local, présentes dans plusieurs corps de métier, mais « systématiquement écartées des sphères décisionnelles ». Une exclusion qui, selon elle, ne peut plus durer. De son côté, le directeur Pays de Catalyste+, El Hadji Diouf, soutient que le projet « Fem lead » est né d’un paradoxe : les femmes sont nombreuses dans les Chambres de commerce, mais quasi invisibles dans leurs organes dirigeants.
À travers ce programme, l’organisation canadienne entend corriger ce déséquilibre en misant sur la sensibilisation, le renforcement des capacités et la préparation des femmes leaders en perspective des prochaines élections consulaires prévues en 2026 ou 2027. Pour Catalyste+, il ne s’agit pas d’un simple plaidoyer symbolique, mais d’un véritable pari sur le leadership féminin, avec la conviction qu’une femme peut parfaitement diriger une Chambre de commerce.

Corriger rapidement une « anomalie institutionnelle »
Au sein même de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Ziguinchor, le message trouve un écho favorable. Sa trésorière générale, Adja Oumy Sagna, reconnaît les efforts considérables fournis par les femmes, souvent sans reconnaissance ni résultats concrets. « Les femmes font beaucoup d’efforts. Mais, leurs efforts sont souvent restés vains. Dans les Chambres de commerce, il y a peu de femmes. Il faut intégrer les femmes dans toutes les instances de décision. On ne peut pas continuer à être minimes », a déclaré Adja Oumy Sagna.
Aussi, la collaboratrice du président Pascal Éhemba déplore leur faible représentation dans les instances dirigeantes et appelle à une « intégration pleine et entière des femmes à tous les niveaux de décision », estimant inadmissible leur statut minoritaire dans un espace aussi stratégique pour le développement économique. Ce déséquilibre est également confirmé à l’échelle nationale.
Mouhamed Sarr, représentant de l’Union nationale des Chambres de commerce, d’industrie et d’agriculture du Sénégal, souligne que la présence féminine reste marginale dans les Chambres consulaires. Sur quatorze Chambres, seules trois femmes occupent des postes de secrétaires générales, notamment à Saint-Louis, Tambacounda et Thiès. Pour lui, le projet « Fem lead » arrive à point nommé et constitue une opportunité majeure pour corriger ce qu’il qualifie « d’anomalie institutionnelle ».
Gaustin DIATTA (Correspondant)


