En plus du recueillement, de la prière, de la lecture du Saint Coran et des xassaïdes de Cheikh Ahmadou Bamba, le Magal, c’est aussi les réjouissances et le festin. Pour cela, la tendance est désormais de faire appel à des traiteurs afin de mieux organiser l’événement et de gagner du temps.
TOUBA – C’est une pratique qui prend de plus en plus d’ampleur dans la cité religieuse. À Touba, le « berndé » se réinvente. Il s’inscrit désormais dans une esthétique où le plat, le cadre et le service dialoguent. Aujourd’hui, les traiteurs entrent en scène avec une touche de créativité : dressages soignés, nappes élégamment choisies, vaisselle pensée comme un décor et propositions gustatives variées et diversifiées.
Mme Ndiaye, habituée à faire appel à un traiteur lors du Grand Magal, raconte que pour l’édition de cette année, elle avait conclu un accord avec un prestataire qui, malheureusement, lui a fait faux bond le jour même de l’événement.
Nonobstant cette déconvenue, elle explique son choix : « C’est surtout pour me faciliter la tâche. Nous établissons ensemble la liste des besoins et nous choisissons le menu à deux. Cela nous aide à ne rien oublier et à mieux gérer nos invités afin que nous les recevions en toute tranquillité, au lieu d’être obligées de cuisiner en même temps. Nous supervisons le travail des traiteurs et prenons soin de nos hôtes comme il se doit. Nous avons ainsi le temps de les voir, de les installer et de passer aussi du temps avec eux ».
D’après Mme Ndiaye, ce choix ne relève pas du voyeurisme, mais d’un souci de bonne prise en charge des convives. « Cela nous permet de gagner du temps, car nous ne sommes pas sûres que toutes les personnes présentes soient prêtes à aider à la cuisine. Il y en a qui viennent juste pour se faire belles, prendre des photos, manger et dormir. Avec un traiteur, nous savons que la préparation des plats est assurée et nous n’avons qu’à superviser et donner des instructions », précise-t-elle.
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Toutefois, Mme Ndiaye reconnaît que ce service présente aussi des inconvénients. L’expérience de cette année en est une illustration. « Comme je vous l’ai dit, le traiteur que nous avions choisi ne s’est pas présenté le jour du Magal alors que tout était convenu. J’ai essayé de le joindre à plusieurs reprises, en vain. C’est plus tard que j’ai appris qu’il nous avait laissés pour servir une célébrité. C’est vraiment désolant parce que cela a gâché toute notre organisation. Nous avons tenté un dressage maison. Et même si nous nous sommes débrouillées, nous n’avons pas obtenu le résultat attendu ».
Si le recours aux traiteurs progresse, certains restent attachés à la méthode traditionnelle, laissant la cuisine aux talibés et aux disciples. Résistance de la méthode traditionnelle C’est le cas de la famille Diakhoumpa, logée à quelques pâtés de maisons du bâtiment qui héberge les journalistes venus couvrir l’événement.
Ici, hommes et femmes sont à l’ouvrage pour préparer les repas. Les tâches ménagères sont minutieusement réparties : certains découpent oignons et pommes de terre, d’autres lavent poulets et légumes, tandis que le reste s’active autour des grandes marmites.
« Nous n’avons rien contre ceux qui font appel à des traiteurs, mais ici, nous préférons préparer nos plats nous-mêmes. Nous gardons l’âme du « berndé », à savoir simplicité, chaleur et convivialité », explique Cheikh Fall, superviseur de la cuisine, vêtu d’un pantalon bouffant noir et d’un débardeur blanc à l’effigie de Serigne Fallou Mbacké.
Et d’ajouter : « Je ne vois pas l’utilité de recourir à un traiteur si nous avons dans la famille des membres capables de cuisiner. Tous ceux que vous voyez ici sont de véritables cordons bleus ».
Aliou DIOUF (Envoyé spécial)