Comment exploiter le potentiel de l’Intelligence artificielle (IA) tout en maîtrisant les risques qu’elle engendre. C’est autour de cette problématique que la Bceao a organisé, ce mercredi 21 avril, une conférence internationale : « Intelligence artificielle : opportunités et défis de l’IA pour les banques centrales ». Objectif : tirer le maximum de bénéfices de cet outil et assurer l’intégrité du traitement des informations et leur utilisation. Plusieurs gouverneurs ou représentants de banques centrales, de l’Afrique du Sud, des Comores, de la France, du Ghana, de l’île Maurice, du Kenya, du Libéria, du Maroc, du Mozambique, du Nigéria, du Portugal, de la Tanzanie, de la Tunisie, etc. ont pris part à cette rencontre.
L’avènement de l’Intelligence artificielle a bouleversé les habitudes dans tous les secteurs d’activités. Elle est désormais intégrée dans une multitude de domaines pour apporter des améliorations significatives en termes d’efficacité, de personnalisation et d’innovation. C’est dans ce contexte que la Bceao a initié, hier, une conférence internationale sur le thème : « Intelligence artificielle : opportunités et défis pour les banques centrales ». Présidant la cérémonie d’ouverture, le ministre sénégalais des Finances et du Budget, a, à cette occasion, déclaré que « l’IA permet de plus en plus aux machines de reproduire des tâches habituellement réalisées par l’être humain ».
Cheikh Diba a affirmé que ces activités peuvent aller de l’accomplissement des gestes simples à la réalisation de prévisions d’évènements futurs avec des degrés de rapidité et de précision qui défient l’entendement. Selon lui, cette technologie offre aux organisations publiques et privées des outils innovants permettant l’accélération de la production et l’amélioration de la qualité de service. À son avis, son impact se fait sentir particulièrement dans le secteur économique et financier à travers l’innovation, la croissance de la productivité et l’aide à la prise de décision. Plusieurs États-membres de l’Uemoa ont ainsi créé un « environnement propice » au développement et à l’intégration des solutions innovantes à travers l’adoption de stratégies nationales d’intelligence artificielle ou de transformation numérique. Pour lui, l’objectif est de renforcer l’efficacité de leurs administrations publiques et d’améliorer les conditions de vie des populations notamment par la promotion et l’adoption de l’intelligence artificielle dans les secteurs à fort impact socio-économique tels que l’agriculture, l’éducation, la santé, les services publics, etc.
« Cette transformation devrait également conduire à des changements structurels majeurs susceptibles, entre autres, d’accélérer la digitalisation des procédures administratives et de valoriser les données massives particulièrement dans les domaines de la recherche, de la conception et de l’évaluation des politiques publiques », a ajouté le ministre. D’après lui, l’utilisation de l’IA devrait permettre « d’affiner » les analyses, particulièrement sur les risques économiques et financiers et ainsi permettre un « soutien accru » dans le financement des économies. Sa conviction est qu’« une gouvernance solide devrait permettre de tirer le maximum de bénéfices de cet outil tant en assurant l’intégrité en matière de traitement des informations et leur utilisation ». Toutefois, il a souligné que ces objectifs ne peuvent être atteints sans un engagement fort des différents acteurs de l’écosystème bancaire et financier. « Les banques centrales en leur qualité d’institutions d’émissions, de régulateur et d’autorité de supervision devraient impulser cette nouvelle dynamique en vue de renforcer un système bancaire et financier solide et innovant à même de mieux répondre aux attentes des États et des populations », a affirmé le ministre.
Ce dernier s’est aussi réjoui de constater que les Banques centrales africaines ont pris la pleine mesure du rôle important que peut jouer l’IA dans l’accomplissement de leurs missions fondamentales notamment celle de la politique monétaire, de la stabilité financière et du financement des économies.
« Perspectives exceptionnelles »
Pour sa part, le gouverneur de la Bceao a affirmé que l’IA ouvre des « perspectives exceptionnelles » pour les institutions bancaire et financière. Toutefois, selon Jean-Claude Kassi Brou, « toute innovation comporte également des défis et des risques qu’il nous faut appréhender et contenir pour assurer son efficacité ». À l’instar de plusieurs banques centrales, dit-il, la Bceao a mis en place en juillet 2024 un comité de réflexion sur l’IA. Sa conviction est que l’avènement de cette technologie constitue une « révolution qui change déjà en profondeur de nombreux domaines d’activités et affecte des pans entiers de la société ». M. Brou pense que ce pouvoir transformateur croissant de l’IA mérite une attention particulière des autorités en charge des politiques économiques, rappelant que le Sommet pour l’Action sur l’IA, tenue à Paris en février 2025, a abouti à la signature par une soixantaine de pays d’une déclaration commune en faveur « d’une IA ouverte, inclusive et éthique ».
L’utilisation de l’IA dans les banques centrales à l’état « embryonnaire »
Le gouverneur de la Bceao, Jean-Claude Kassi Brou, a souligné que l’utilisation de l’IA par les banques centrales reste encore certes « embryonnaire ». « Nous sommes au début d’un long processus qui est déjà avancé dans d’autres secteurs d’activités », a-t-il reconnu. Cependant, le gouverneur a rassuré que plusieurs banques centrales s’y engagent déjà de manière résolue « afin d’être des acteurs responsables de cette révolution qui se déroule à grande vitesse ». A ses yeux, cette rencontre n’a pas pour ambition d’apporter des « réponses toutes faites » aux problématiques qui se posent. D’après lui, elle vise plutôt « à permettre aux banques centrales et aux participants de partager leurs expériences pertinentes et diverses afin d’enrichir leurs feuilles de route en matière de déploiement de l’intelligence artificielle au sein de leurs activités ». Le gouverneur de la Bceao est convaincu que cette rencontre doit constituer un « creuset d’échanges sur l’utilisation responsable de l’IA et les innovations y relatives dans le secteur bancaire et financier particulièrement dans le cadre de l’émission des banques centrales et organes de régulation ». « Le secteur financier se doit de s’inscrire dans un large mouvement d’introduction de l’IA dans ses activités », a affirmé le gouverneur.
Souleymane Diam SY