L’ambassadeur du Royaume-Uni, Juliette John, aborde dans cet entretien les différents axes de la coopération bilatérale, l’importance du match amical de football Sénégal-Angleterre, qui se joue aujourd’hui, le 10 juin, à Nottingham. À l’occasion, sera lancée la nouvelle dynamique de fraternité entre Londres et Dakar dénommée « UK-Sénégal Xaritoo Day ». Il est donc attendu une revitalisation des relations commerciales évaluées à près de 650 millions de livres sterling (plus de 500 milliards de FCfa) par an.
Entretien
La coopération entre le Sénégal et le Royaume-Uni s’est intensifiée ces dernières années, malgré les changements de régime à Dakar et à Londres. Quel est le socle de ce dynamisme ?
Les Sénégalais et les Britanniques se côtoient depuis le XVIIe siècle. L’ambassade du Royaume-Uni est présente au Sénégal depuis les indépendances. Par ailleurs, nos deux pays ont connu deux grandes élections qui ont conduit au pouvoir deux gouvernements de gauche avec plusieurs priorités communes, à savoir la croissance économique, l’éducation et l’apprentissage de l’anglais et sur les énergies propres. En outre, nous avons eu, en septembre 2024, la visite au Sénégal de Lord Collins, notre ministre pour l’Afrique, qui était accompagné d’une mission commerciale importante. Donc, il est clair que nous sommes en face d’un partenariat qui est en plein essor autour de plusieurs priorités partagées. Que ce soit le développement économique, la sécurité ou le développement en général. La coopération entre le Sénégal et le Royaume-Uni se matérialise aussi dans le domaine de l’énergie avec British Petroleum (Bp) qui exploite le champ gazier Grande Tortue Ahmeyim (Gta).
Votre pays compte-t-il élargir le champ de la coopération économique avec le Sénégal ?
Le partenariat économique entre nos deux pays est vraiment important. Depuis 2020, les échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et le Sénégal ont triplé de volume. Nous accompagnons le Sénégal dans plusieurs secteurs comme les énergies (traditionnelles ou l’énergie propre), mais aussi dans les infrastructures. Ainsi, nous sommes partenaires de Dubai Port World au sein du projet de construction du port de Ndayane. Un nouveau port ultramoderne qui devrait réellement favoriser le commerce interrégional, la croissance économique, mais aussi la création de 20.000 emplois. Nous avons aussi investi dans le Bus rapid transit (Brt) qui non seulement améliore le transport des Dakarois, mais aussi l’environnement et le climat de la capitale. Nous avons également investi dans l’agriculture avec une société britannique qui s’appelle West Africa Farms présente dans le nord du Sénégal, qui produit des denrées pour le marché britannique et européen. Nous sommes présents dans les télécommunications et le secteur minier. Récemment, nous avons noué un partenariat technique important à travers Manufacturing Africa avec le ministère de l’Industrie et du Commerce dans le cadre de la stratégie d’industrialisation du Sénégal.
À combien s’élève le montant des investissements directs britanniques au Sénégal ?
Je peux vous citer le projet de Bp pour l’exploitation du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta) d’un montant de cinq milliards de dollars. L’investissement dans le port de Ndayane avec Dp World est aussi évalué à un milliard de dollars. Quant aux échanges commerciaux, ils sont évalués à peu près à 650 millions de livres sterling (plus de 500 milliards de FCfa) par an. On a vu l’ambassade du Royaume-Uni très active dans la mise en œuvre des programmes de promotion de la gouvernance et de renforcement de la démocratie en partenariat avec le Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce). Que symbolise cet engagement de votre part ? Je pense qu’au cœur de la relation sénégalo-britannique, on retrouve des valeurs communes comme l’attachement à la démocratie, à la paix, à l’État de droit et aux droits humains. La démocratie sénégalaise a démontré sa force et sa résilience l’année dernière, permettant ainsi au pays de rayonner à travers le monde. Mais il ne faut pas oublier que toute démocratie est un idéal qu’il est vital de préserver d’année en année. Donc, nous avons décidé d’accompagner le gouvernement et la société civile sénégalaise dans leurs objectifs de parfaire cette démocratie.
Dans une interview en novembre dernier, vous déclariez que les investisseurs britanniques, publics ou privés, manifestent un intérêt croissant pour l’Afrique francophone et le Sénégal. Comment l’État et les entreprises sénégalais peuvent-ils profiter de cet intérêt ?
Je peux dire qu’il y a un vrai intérêt des sociétés britanniques pour le Sénégal. Les entreprises britanniques sont prêtes à investir et à nouer des partenariats avec leurs homologues dans des projets structurants comme les technologies de l’avenir : les satellites, l’intelligence artificielle ou d’autres domaines comme le Financial technology « Fintech » et le mobile money. Le Sénégal recèle aussi de beaucoup d’opportunités dans les nouvelles technologies de l’énergie, le solaire et l’éolien. Nous souhaitons accompagner l’ambition du gouvernement de monter les chaînes de valeur afin de développer le secteur manufacturier national.
Le Royaume-Uni compte-t-il s’inscrire dans la dynamique de réformes initiée par le gouvernement à travers la mise en place du plan « Vision Sénégal de 2050 » ?
Les domaines et les secteurs d’investissement britannique susmentionnés sont en parfaite adéquation avec les projets clés du plan « Vision Sénégal 2050 ». Je pense qu’une des choses les plus importantes pour la « Vision Sénégal 2050 », c’est justement cette volonté d’industrialiser le pays afin de créer des emplois et aussi de réduire la dépendance aux importations. Les entreprises britanniques présentes dans le secteur manufacturier, dans l’agriculture et le secteur minier contribuent, à leur manière, à la mise en œuvre du plan de développement. L’Angleterre et le Sénégal s’affrontent ce 10 juin en match amical. Ce sera la deuxième confrontation entre les deux sélections, après celle du 4 décembre 2022, en Coupe du monde au Qatar.
Quelle lecture faites-vous de cette rencontre ? (Rires).
Je pense que ça va être une grande rencontre entre deux grandes équipes de football. On attend la rencontre avec impatience. Bien sûr, le Sénégal se trouve maintenant très bien classé en Afrique. Et l’Angleterre est une des grandes équipes d’Europe. Donc, je crois vraiment qu’on aura un match très serré avec « Les Three Lions » d’un côté et les « Gaïndés » (ndlr : lions en français) de l’autre. On sait que le Sénégal sera au rendez-vous, d’autant plus que les joueurs sénégalais ont particulièrement brillé, cette année, sur les pelouses anglaises. Nous avons Ismaïla Sarr qui a gagné la Coupe d’Angleterre (F.A. Cup) avec Crystal Palace et Pape Matar Sarr la Ligue Europa avec Tottenham. De son côté, Nicolas Jackson a gagné la Conference League avec Chelsea Fc. Pape Gueye a remporté la Coupe d’Écosse avec Aberdeen.
Il est aussi attendu dans la même foulée la tenue de plusieurs activités au cours de la journée baptisée « UK-Sénégal Xaritoo Day ». Pouvez-vous expliquer leur importance ?
Nous espérons regarder ce match, tous ensemble, le 10 juin, à la place du Souvenir africain où nous allons diffuser en direct la rencontre sur un écran géant. Nous invitons vraiment tous les supporters à venir partager avec nous ce grand moment de communion sportive et fraternelle. Nous allons aussi profiter de ce match amical pour fêter l’amitié sénégalo-britannique à travers l’initiative dénommée «UK-Sénégal Xaritoo Day » (journée de l’amitié Sénégal–Royaume-Uni en français). À l’occasion de cette journée, nous allons inaugurer la première école britannique à Dakar. Ce sera la première école qui suivra le cursus britannique, située aux Almadies. Ensuite, nous allons inaugurer la première Chambre de commerce Royaume-Uni – Sénégal mise en place pour réellement soutenir ces échanges commerciaux et appuyer les entrepreneurs sénégalais et britanniques. Par ailleurs, nous procéderons, le même jour, à une remise officielle de radars côtiers au bénéfice de la marine sénégalaise. Dans l’après-midi du 10 juin, nous aurons une foire commerciale avec des sociétés britanniques et sénégalaises que nous appuyons à travers notre programme « Manufacturing Africa ». Ce programme entend aider les entreprises sénégalaises dans plusieurs secteurs, notamment pharmaceutiques, agroalimentaires. Nous terminerons la journée avec une soirée culturelle où on aura de la musique, de la danse, des spectacles de danse, de la cuisine fusion sénégalo-britannique.
Le match se déroulera au City Ground de Nottingham Forest ; ce qui constitue une première depuis 1909. Pourquoi le choix de ce stade ? Et quel est votre pronostic ?
Le City Ground stadium de Nottingham est un stade historique qui est vieux de 125 ans. Nottingham Forest est une belle équipe. Et le stade est connu pour son ambiance, avec des fans vraiment passionnés. Concernant mon pronostic du match… Je ne vais pas m’avancer, mais je sais que ça va être serré, intense. Ce match sera, peut-être, l’occasion pour l’équipe du Sénégal de prendre sa revanche.
Propos recueillis par Mamadou Makhfouse NGOM