Son histoire avec la conduite date de son adolescence. Elle aime être au volant. Mais par-dessus tout, Khady Diouf a un sens aigu des affaires. Un ensemble de compétences et de péripéties de la vie l’ont amenée à saisir l’opportunité de devenir maître de son destin avec une vision en perspective sur l’asphalte.
Âgée d’une trentaine d’années, Khady Diouf fait partie du paysage très masculin des transports au Sénégal. Mère, épouse, conductrice, la jeune femme est aussi entrepreneure. Avenante, elle force le respect eu égard à son parcours, à son sens des affaires. Elle n’a certes pas la force des gros bras mais qu’elle est l’importance de celle-ci face a l’instruction, la culture, la courtoisie et la perspicacité ? Son profil qui coche bien des cases répond vite à la question. Titulaire d’un Master en finance internationale, Khady a choisi un destin hors des bureaux climatisés. Jusqu’au milieu de l’année 2023, elle travaillait pour une société de portefeuille électronique. Ces journées se suivaient et se ressemblaient. Un jour une opportunité assez inattendue lui tombe dessus. Enfin presque. Khady n’est pas du genre à attendre que tout lui soit servi sur un plateau d’argent. À travers ses réseaux qui donnent un aperçu de ses aptitudes professionnelles, elle a reçu une proposition d’emploi venant d’une société de transport active dans les services Vtc. Son profil lui a permis d’être recrutée en tant que responsable de l’approvisionnement. C’était en mai 2023. «J’étais un peu pessimiste car il fallait changer de travail et plonger dans l’univers du transport moderne qui était à ses balbutiements au Sénégal. Dans le doute, j’ai fait le pari d’y arriver et c’était le début d’une aventure qui allait m’ouvrir des portes», explique Khady Diouf avec une voix suave et des sourires intempestifs.
Des portes, il y en a eu. Et pas des moindres. L’une d’entre elles a donné sur un grand boulevard d’amour qu’elle a emprunté devenant ainsi épouse, puis mère. Cependant, elle ne s’est pas détournée de son objectif initial de gagner sa vie. Khady Diouf raconte qu’après avoir été recrutée en tant que responsable de l’approvisionnement, il lui est venu l’idée lumineuse de voler de ses propres ailes. Elle venait de découvrir un nouveau créneau pour devenir indépendante et travailler à son compte. « En faisant partie du management de l’entreprise qui venait de me recruter, j’ai pu avoir un aperçu des performances financières de la boite. Cela m’a donné un aperçu de la vitalité économique du secteur des transports notamment le Vtc. Alors je me suis dit que je gagnerais plus à inscrire ma voiture sur la plateforme et chercher l’argent moi-même », se souvient-elle. Khady Diouf se lance alors dans la conduite. Aujourd’hui, elle ne regrette aucunement d’avoir fait ce choix pour le moins inattendu.
Tirer son épingle du jeu
Raffinée que méthodique, Khady Diouf dit s’être organisée pour tirer son épingle du jeu. Alliant intelligence sociale et pragmatisme économique, elle s’est vite adaptée à son nouveau travail. Elle explique qu’elle génère de bons chiffres d’affaires depuis qu’elle a commencé son aventure dans le secteur des transports. «J’ai un système de travail qui me permet d’avoir de bons gains. La routine quotidienne, c’est de mettre 15.000 FCfa de carburant le matin, ensuite j’approvisionne mon compte de conductrice professionnel sur la plateforme puisque ce n’est pas gratuit. Cela peut coûter 10.000 FCfa, soit une charge fixe quotidienne de 25.000 FCfa. Pour rentabiliser cet investissement, je me donne comme objectif de gagner 15.000 FCfa de plus par jour après avoir recouvré l’investissement. Et j’y arrive toujours par la grâce de Dieu. Pour une journée normale je peux avoir un bénéfice net de 15.000 FCfa en plus des pourboires ; parce que j’en ai souvent », confie-t-elle toute fière. Sa tenue de route impeccable est souvent bien appréciée des clients qui peuvent lui laisser des pourboires intéressants pouvant atteindre 10.000 FCfa. Khady envisage de rester encore sur la route, mais en traçant sa propre voie. Elle confie qu’elle est en plein dans la création d’un Groupement d’intérêt économique (Gie) spécialisé dans les Vtc. « Je me prépare à lancer cette initiative qui sera exclusivement féminine. Mon souhait est de réussir le pari d’inscrire ma société de Vtc composée de femmes conductrices dans le paysage automobile sénégalais », dit-elle. Pour éviter le risque de mortalité précoce réservé à certaines entreprises du genre, Khady dit miser sur la stratégie et le modèle économique en faisant appel à ses compétences en finance internationale.
Mais attendant, elle a décroché des contrats de prestation avec certaines entreprises dont elle assure le transport à Dakar comme dans les régions. Cependant tout n’est pas aussi parfait. Si Khady ne sent pas la menace permanente de travailler dans un milieu ultra masculin, elle ne peut pas en dire autant de sa sécurité. En tant que femme, elle est contrainte de travailler le jour alors qu’elle préfère la nuit pour la fluidité de la circulation et des bénéfices plus conséquents.
Elle a essayé mais la plage horaire entre 01 heure et 06 heures du matin n’est pas très adaptée pour des questions sécuritaires. Elle a failli l’apprendre à ses dépens. « J’ai failli me faire agresser vers 02 du matin vers Yoff. Cette nuit, je n’avais pas la climatisation et j’ai baissé les vitres. Tout à coup, j’ai aperçu un groupe de jeunes hommes armés de machettes. J’ai pu me sauver à temps avant qu’ils ne m’atteignent. Et depuis ce jour, j’ai arrêté le travail la nuit », raconte-t-elle avec le sourire. Pour Khady Diouf, le grand inconvénient d’être conductrice, c’est la sécurité sur la route et à l’intérieur du véhicule. Tout le temps agréable, elle précise savoir se faire respecter face aux clients irrespectueux. Elle peut déclencher l’alerte et l’enregistrement de la conversation que fournit la plateforme de Vtc pour la sécurité du conducteur ou de la conductrice.
Assane FALL