La visite en Chine du Premier Ministre Ousmane Sonko consolide un héritage et ouvre de belle perspectives de coopération entre la Chine et le Sénégal. La visite traduit 5 convergences majeures dans les relations entre le Sénégal et la Chine.
L’héritage des relations hémisphèriques à travers la route de la soie et ses relais du Caire,d’alexandrie et Kairouan à travers le Sahara jusqu’au coeur du Sénégal.
La convergence dans les ’épistémé du Sud avec l’horizon tracé par une injonction du prophète de l’Islam étendant les frontières de la recherche de la connaissance jusqu’en Chine.
La dynamique ouverte par le Focac comme forum d’échanges et de collaboration non asymétriques.
La convergence du New deal Technologique du Sénégal avec l’effet d’entrainement des avancées technologiques de la Chine.
La profonde convergence des paradigmes du développement par les poles regionaux, qui fait de la dé centralisation maitrisée le levier majeur de transformation et de libèratin des enérgies collectives.
L’horizon était déjà tracé par l’histoire ancienne et moderne avec la recurrence des échanges et les jalons de la diplomatie.
Mais cette visite donne un nouvel élan á la coopération à l’heure où un vent de renouveau souffle sur le continent, particulièrement en Afrique de l’Ouest.
Depuis le sommet du FOCAC de novembre 2021
La Chine et l’Afrique avaient envisagé huit domaines de coopération pour les 14 prochaines années : 1) les partenariats de développement ; 2) le commerce, l’investissement et le financement ; 3) la coopération industrielle ; 4) la coopération verte ; 5) la santé ; 6) les échanges interpersonnels ; 7) la paix et la sécurité ; et 8) la coopération en matière de gouvernance mondiale.
Ce forum marquait clairement la continuité de l’engagement de la Chine, exprimé à plusieurs reprises, en faveur du Continent en ces domaines cruciaux du développement économique et social, dans un contexte international marqué par des déséquilibres criants et un fossé grandissant entre le Nord et le Sud. Il s’inscrivait également dans la continuité du développement d’un nouvel axe Sud-Sud avec l’émergence des BRICS.
Mais la grande originalité de cette visite réside dans la symbolique de rupture portée par le Premier Ministre du Sénégal aprés la Visite du Président de la République.
Il est porté par le vent de souveraineté politique et économique qui souffle en Afrique de l’Ouest avec les anciennes puissances coloniales comme la France perdant leur emprise sur les ressources et le potentiel économique et financier des pays de la région.
Le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger et le Sénégal prennent leur destin en main et comptent sur leurs propres forces, aux côtés d’alliés comme la Chine, déterminés à soutenir le progrès et la prospérité dans le cadre de la souveraineté des pays de la région.
C’est une nouvelle ère marquée par la fin des monopoles d’investissement et des options économiques extraverties, et par un engagement résolu en faveur d’un programme de transformation à l’horizon 2050.
Ce nouvel agenda repose sur quatre leviers :
1. L’instauration d’une économie compétitive grâce à un cadre macroéconomique sain et stable, l’émergence d’une société numérique, des secteurs compétitifs, le développement de pôles économiques viables et un environnement des affaires attractif.
2. La pérennité d’un développement viable, respectueux et préservant l’environnement.
3. Le renforcement du capital humain et l’équité sociale.
4. Gouvernance et engagement panafricain.
Entre 1980 et 1990, nous avons assisté à une succession de crises provoquées par la spirale de l’endettement. Au début des années 1980, par exemple, les taux d’intérêt ont augmenté alors que les prix des matières premières chutaient.
C’est à ce moment crucial que les institutions de Bretton Woods avaient choisi d’imposer des politiques d’ajustement structurel.
Le FOCAC a ainsi prospéré sur une ligne de fracture entre l’héritage de Bretton Woods et l’émergence des BRICS.
Il a annoncé la fin de la Guerre froide et ouvert un monde multipolaire avec de nouveaux pôles de développement fulgurant en matière d’offre de financement et de performances économiques et technologiques.
À la récurrence de l’endettement et des ajustements s’ajoute une demande sociale insoutenable, qui se traduit par des migrations du désespoir.
De nombreuses initiatives ont présenté l’ambition d’un programme de coopération à grande échelle pour le continent africain. C’est le cas du Sommet France-Afrique en France, de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) aux États-Unis, de la TICAD organisée par le Japon, ou encore du Sommet afro-arabe.
Mais grâce au niveau et à la qualité des investissements, à la croissance des exportations et au renouveau technologique qui en résulte, la coopération avec la Chine ouvre une ère de résilience économique pour le continent, lui permettant sans aucun doute d’échapper à la pauvreté et à la dépendance grâce à un fort impact sur la libération des énergies collectives des pays africains.
La chine représente donc une alternative viable aux donateurs et partenaires commerciaux traditionnels de l’Afrique, une alternative qui permet une réorientation des visions et des politiques africaines.
Le FOCAC a déjà plus de deux décennies d’histoire, s’appuyant sur un héritage de plus d’un demi-siècle. Cet héritage capitalise sur la solide expérience de la Chine dans la manière d’équilibrer l’augmentation des ressources publiques allouées aux secteurs sociaux de base avec les investissements publics nécessaires à la croissance et à la réduction de la pauvreté, à l’emploi, au logement, à la santé, à l’éducation et à l’accès aux services publics de base.
Ce sont là les véritables enjeux sur lesquels la Chine a assumé un leadership incontesté, tandis que l‘arrimage de l‘Afrique aux pays occidentaux a maintenu le triple fardeau des bas prix à l’exportation, d’une dette insoutenable et de programmes d’ajustement structurel qui ont réduit les dépenses sociales et érodé le pouvoir d’achat de la majorité de la population.
Le leadership de la Chine ne se résume pas à une rhétorique hégémonique, mais plutôt à une position qui lui permet de nourrir plus de 20 % de la population mondiale avec seulement 8 % des terres arables mondiales. Elle produit environ 95 % de sa consommation avec 120 millions d’hectares de terres cultivées. La moitié de ses terres sont irriguées, certaines étant exploitées depuis l’époque des anciens empereurs. Les rendements sont généralement au moins trois fois supérieurs à ceux de l’Afrique.
La Chine offre donc à l’Afrique son héritage et son expérience, avec un savoir-faire éprouvé en matière de technologies à faible coût et de semences à haut rendement. Surtout, elle montre la voie à suivre pour urbaniser les campagnes plutôt que de les marginaliser au profit des villes.
La coopération Chine-Afrique possède donc un solide héritage.
De 2000 à 2021, huit sommets ont eu lieu en Chine et en Afrique : quatre fois à Pékin, en 2000, 2006, 2012 et 2018, et trois fois en Afrique, à Addis-Abeba, en Éthiopie, en 2003, à Charm el-Cheikh, en Égypte, en 2009, à Johannesburg, en Afrique du Sud, en 2015, et à Dakar, au Sénégal (novembre 2021).
Il existe une communauté de l‘horizon du développement économique entre la Chine et l’Afrique.
La Vision 2035 renforce la présence de la Chine en Afrique pour les 15 prochaines années et témoigne de sa volonté d’y asseoir sa présence. Cette vision stratégique servira de tremplin à la réalisation de l’Agenda 2063 de l’Afrique, notamment de ses aspirations à la paix, à la sécurité, à la croissance inclusive et au développement durable.
S’appuyant sur les huit composantes clés de la « Vision 2035 de la coopération sino-africaine » et les sept aspirations de l’« Agenda 2063 » de l’Union africaine, cet horizon ouvre la coopération sino-africaine dans les domaines cruciaux de l’éducation, de l’innovation technologique et du développement durable.
La Chine inaugure l’ère de la coopération sans asymétrie, une alternative viable aux donateurs et partenaires commerciaux traditionnels, avec une interpénétration économique bénéfique.
Cet objectif sera atteint grâce à une approche macro-régionale décentrée, et non à la perspective unilatérale d’un centre politique hégémonique.
La nouvelle voie royale ouverte par la Chine implique : l’approfondissement des politiques publiques de développement, le développement des infrastructures, le commerce international, la coopération financière, l’impulsion technologique et les échanges sociaux et culturels.
Cette voie pourrait permettre de surmonter la distance géographique, de stimuler constamment les échanges commerciaux et de mettre en pratique la théorie de la solidarité Sud-Sud par les peuples pour influencer le cours des affaires internationales. Tels sont les véritables défis d’une coopération sino-africaine plus productive et plus approfondie.
Les signes avant-coureurs d’un avenir commun sont déjà visibles, avec le panorama éblouissant des chantiers de construction, des restaurants, des réseaux commerciaux, de l’assistance technique, des télécommunications, de l’agriculture, des ambassades, et même de la médecine alternative efficace et durable.
La Chine inaugure une ère de coopération décentralisée et de co-développement.
Cette nouvelle coopération décentralisée reliera l’héritage de ses régions physiographiques et une dynamique des pôles de développement économique en Afrique de l’Ouest particulièrement au Sénégal avec sa Vision 2050.
Huit pôles chinois s’engageront dans une coopération décentralisée de proximité avec des pôles émergents en Afrique.
1. Chine du Nord
2. Chine du Nord-Ouest
3. Haut-Yangtsé
4. Moyen-Yangtsé
5. Bas-Yangtsé
6. Côte Sud-Est
7. Lingnan
8. Yun-Kwei
Huit pôle Sénégalais seront dans une coopération décentrée qui ne laisse aucune place au modèle assymétrique du passé.
pôle Dakar
Le pôle Thiès
Le pôle Centre
Le pôle Diourbel-Louga,
Le pôle Nord,
Le pôle Sud,
Le pôle Nord-Est
Le pôle Sud-Est,
Ainsi, l’homogénéité physique de ces poles, avec leur cohèrence propre, leurs ressources naturelles, leur potentiel de production propre, la qualité de la main-d’œuvre, les possibilités de financement et d’allocation des ressources, ainsi que la qualité de la demande, constituent autant de nouveaux leviers de coopération décentralisée entre le Sénégal et la Chine.
Professeur Mamadou Fall
UCAD, Coordonateur de l’Histoire Générale du Sénégal.