Les récentes crises que le monde a connues ont démontré que la souveraineté était fondamentale pour un pays. En effet, ces crises ont beaucoup impacté les pays dépendant des importations et des aides étrangères pour satisfaire leur demande. L’augmentation des coûts des facteurs de production a entraîné un renchérissement de la valeur des biens si bien que ces pays se sont retrouvés dans une situation économique inconfortable. Certes, la récente crise sanitaire Covid-19 a pratiquement frappé le monde dans sa globalité, mais les impacts et la faible capacité de résilience ont été plus ressentis par les pays qui n’étaient pas indépendants sur le plan sanitaire. Ces perturbations ont mis en évidence la vulnérabilité de plusieurs pays, qu’ils soient industrialisés ou pas, en termes d’approvisionnement sur certains biens essentiels.

Par conséquent, les crises et les chocs devraient encourager nos Etats à opter pour l’acquisition de la souveraineté économique. Laquelle peut être considérée comme une des manifestations de la souveraineté politique, axée sur des réalités économiques, c’est-à-dire l’ensemble des faits, acteurs, phénomènes et situations concrets qui caractérisent l’activité économique d’un pays. La capacité de faire des choix et de définir des politiques économiques, d’établir des normes et des règles, représente alors des attributs essentiels de la souveraineté économique. À la différence de l’autarcie, la souveraineté économique permet de s’engager dans des échanges commerciaux réglementés, pourvu qu’ils ne compromettent pas les capacités de l’État (Riadh Ben Jelili, 2023).
Joseph Stiglitz (2002), un économiste reconnu pour ses travaux sur les inégalités économiques et le rôle des institutions internationales, concernant la souveraineté économique, a souvent critiqué les politiques de libéralisation imposées par les institutions comme le FMI et la Banque mondiale, estimant qu’elles pouvaient compromettre la capacité des pays à protéger leurs propres intérêts économiques. Il soutient que les pays doivent avoir la liberté de formuler des politiques économiques adaptées à leurs besoins spécifiques, sans être contraints par des prescriptions externes qui pourraient nuire à leur développement à long terme.
Cependant, la souveraineté économique peut certes apporter de nombreux avantages, mais elle comporte aussi des défis et des conséquences potentielles. Par exemple, le fait de se concentrer sur la production nationale peut limiter la compétitivité et l’innovation, car les entreprises peuvent devenir moins exposées aux standards internationaux. Il y a aussi le risque de tensions avec d’autres pays, surtout si les politiques de souveraineté économique mènent à des mesures protectionnistes, affectant ainsi les relations commerciales étant donné que nous sommes dans une zone économique. Mais, si le gouvernement anticipe, ces défis peuvent être relevés.
La souveraineté économique inclut également la souveraineté alimentaire qui est le droit des populations, des communautés, et des pays à définir leurs propres politiques alimentaires, agricoles et territoriale, lesquelles doivent être écologiquement, socialement, économiquement et culturellement adaptées à chaque spécificité (Déclaration finale du Forum mondial sur la souveraineté alimentaire. Sélingué, février 2007).
Cette vision devrait nous amener à produire et disposer d’une production alimentaire qui puisse satisfaire la demande nationale, ne serait-ce que pour les produits de base réputés très sensibles. La forte production locale va entraîner une baisse des prix et par ricochet une augmentation du pouvoir d’achat des ménages. La transformation qui apporte de la valeur ajoutée sera développée par le biais de l’accessibilité physique et économique de la matière première, toutes choses étant égales par ailleurs. En outre, l’argent qui est dépensé chaque année pour l’importation de certains produits agricoles (riz, lait, huile, sucre, blé…) est un véritable manque à gagner qui pourrait être réinvesti dans l’économie nationale. Le Sénégal importe près de 1 300 000 tonnes de riz chaque année, soit un peu plus de 300 milliards et 860 000 tonnes de blé, soit près de 200 milliards. Notre pays débourse également 100 millions d’euros (65,5 milliards de FCFA) pour importer du lait. Fort heureusement, avec le redressement économique adopté par le gouvernement et la somme de 5667 milliards qui y est attendue, plusieurs autres secteurs de l’économie pourraient être financés et développés. Toutefois, les choix économiques qui seront faits par le gouvernement devraient être minutieusement réfléchis pour aboutir à un impact positif du plan de redressement sur l’économie
Sur le plan agricole, malgré les performances productives notées sur certaines spéculations (oignon, pomme de terre, banane, riz, maïs…), il faudra davantage :
· Encourager la production agricole locale, ce qui permettra au gouvernement de réduire la dépendance aux importations alimentaires. Cela peut inclure des subventions, des formations pour les agriculteurs, et des investissements dans les infrastructures rurales ;
· Diversifier les types de cultures et en favorisant la production de produits alimentaires de base, notre pays peut mieux répondre à ses besoins alimentaires essentiels ;
· Mettre en place des réserves alimentaires stratégiques et des mécanismes de régulation des prix pour éviter les fluctuations extrêmes et assurer un approvisionnement stable ;
· Investir dans la recherche agricole et l’innovation pour développer des technologies surtout digitales et des pratiques durables qui augmentent la productivité et la résilience des systèmes alimentaires.
Toutefois, je demeure optimiste que ce gouvernement, réaménagé pour plus de diligence et d’efficience dans les dossiers, va relever le défi avec le soutien du peuple Sénégalais.
Dr Mor Ngom, Économiste

