La région proche et moyen-orientale est connue pour être une poudrière, qui tient la paix et l’économie mondiale en haleine à chaque soubresaut. Le dernier en date, c’est la fièvre qui a aussitôt suivi l’agression israélienne contre l’Iran, accusé par son ennemi d’être tout près de fabriquer la bombe atomique, ce qui reste à démontrer.
En s’attaquant, le samedi 14 juin dernier, au pays des Ayatollahs, Tel-Aviv ravivait les craintes d’une déflagration à l’échelle mondiale, à la dimension des enjeux économiques et géostratégiques du Proche et du Moyen-Orient. Cette partie du monde, qui nous est lointaine et très proche, a, depuis des millénaires, contribué à faire battre le cœur de la planète et à participer à son progrès. Considérée comme le berceau des civilisations, elle a donné naissance aux premières sociétés urbaines et agricoles, à l’écriture, aux trois religions abrahamiques…
La cohabitation entre les différents peuples y a été ponctuée de conflits et d’ambitions hégémoniques. Des puissances ont fleuri puis disparu les unes après les autres : les empires akkadien, babylonien, perse, des excroissances de l’Égypte, de la Rome et de la Grèce antique. La reconfiguration permanente des rapports de force a été exacerbée par la diversité des peuples, le choc des ambitions dont certains ont traversé des générations pour constituer, aujourd’hui, de potentielles sources de conflits. Depuis la découverte et l’exploitation de ses immenses réserves de pétrole et de gaz, au début du XXe siècle, le Proche et Moyen-Orient s’est davantage repositionné au centre de l’économie mondiale au point que son état de santé déteint sur d’autres régions.
À l’exception de celui de 2008, deux des trois chocs pétroliers ont eu comme point de départ la région : en 1973, lors de la guerre du Kippour suivie de l’embargo pétrolier décrété par les pays arabes contre l’Occident soutenant Israël ; en 1979, suite à la Révolution islamique en Iran. Ils ont entraîné, pour le premier, un quadruplement du prix du baril, créant une forte inflation et une hausse du chômage à travers le monde, et pour le deuxième, un ralentissement de la production industrielle de 3%, entre autres conséquences. Les menaces iraniennes de fermer le détroit d’Ormuz ne peuvent, naturellement, que réveiller de mauvais souvenirs.
Environ 20 millions de barils, soit 20% de la consommation mondiale de pétrole, et 1/5 du gaz naturel liquéfié transitent par cet étroit passage large de 50 km, situé entre l’Iran et Oman. Il constitue une arme stratégique aux mains de l’Iran, pays quasi encerclé par des bases militaires américaines, et qui entretient des relations difficiles avec ses voisins arabes sunnites. Une internationalisation du conflit, suivie d’une fermeture du détroit d’Ormuz, serait le cauchemar des grandes puissances, notamment les États-Unis, qui ont tout intérêt à faire respecter le fragile cessez-le-feu par les deux belligérants.
En bombardant les sites nucléaires iraniens pour venir au secours de son allié israélien, Washington a donc pris un gros risque d’embraser la région, mais surtout de subir des contrecoups économiques. « Maintenez tous les prix du pétrole bas, je vous ai à l’œil. Vous faites le jeu de l’ennemi », a lancé, lundi dernier, le président Donald Trump, en guise de mise en garde aux marchés, après une semaine de hausse des prix du baril.
Il faut s’attendre à le voir s’investir pleinement pour faire respecter la pause dans les tirs de missiles, même s’il se dit « déçu » par les deux camps ennemis. La Chine aussi surveille de près la situation, 1/3 de son pétrole importé transitant par ce détroit névralgique. Quant à l’Afrique, une hausse des prix énergétiques et une perturbation de la chaîne d’approvisionnement impacteraient fortement son économie (inflation, impact négatif sur les réserves de change, etc.). malick.ciss@lesoleil.sn