Le cercle des femmes « Jam wéli » de Thidèly, dans la commune de Coumbacara (département de Kolda), a opté pour la production de savon, et ses dérivés pour améliorer leurs conditions. L’objectif étant d’accompagner les jeunes femmes dans leur quête d’autonomie économique et d’encourager le leadership des adolescentes. Cependant, cette production artisanale comporte des risques, et la vente est freinée par l’enclavement du village, situé à 60 km de Kolda.
KOLDA – À Thidèly, c’est des pas de danse accompagnés d’applaudissements et un chant en chœur : « Batonga walli rewbé » (Batonga a aidé les femmes), d’un groupe constitué d’une vingtaine de femmes, qui a accueilli la délégation de la Fondation Mastercard et Batonga, venue leur rendre visite, le jeudi 10 avril dernier. En fait, c’est un regroupement de femmes intitulé « Jam wéli », qui a bénéficié d’un financement de la Fondation Batonga qui, en partenariat avec celle de Mastercard accompagne les femmes, dans leur quête d’autonomie économique. Ainsi, sur un programme de 2 ans, le cercle « Jam wéli », composé de 30 femmes a bénéficié d’un appui de 620.000 FCfa, pour se lancer dans la fabrication de savon et d’eau de javel.
Alors que la canicule gagne en intensité, et que tous les habitants de Thidèly, dans la commune de Coumbacara, située à 60 km de Kolda, se sont installés sous les ombres des innombrables manguiers, les braves femmes du cercle ont, quant à elle, allumé, avec du bois mort, un feu ardent, sur lequel est posée une grande marmite consacrée à la préparation artisanale du savon.
En effet, pour montrer leur savoir-faire aux visiteurs, elles sont prêtes à affronter cette chaleur extrême. Avec le sourire, en plus ! Aïssatou Diallo est « un business coach » formée dans le projet de Batonga, afin d’aider les femmes du village à mieux gérer leur principale activité génératrice de revenus. « Ici, nous fabriquons deux types de savons, à base d’huile de palme et d’arachide », informe-t-elle. Dans la pratique, 10 litres d’eau sont versés dans la marmite géante. Après ébullition, deux kilogrammes de soude sont ajoutés et remués, avec un long bâton en bambou, jusqu’à la dissolution et pendant une trentaine de minutes. À partir de ce moment, un kilogramme de bicarbonate est versé, puis les 10 litres d’huile de palme. Quelques minutes plus tard, une solution gluante et concentrée à la couleur blanchâtre s’est formée dans la marmite au bonheur des ouvrières, dont la satisfaction se lit déjà sur les visages. Pourtant, mis à part la chaleur, la différence avec la préparation du savon à base d’huile d’arachide est moindre. En effet, pour celle-là, il suffit de verser 3 litres d’eau dans une bassine avec 1 kg de soude que l’on remue jusqu’à la dissolution avant d’ajouter 7 litres d’huile tout en tenant le mouvement, puis laisser la solution au repos pendant au moins 30 minutes.
Souvent, le produit fini est nuancé, avec des couleurs distinctes. Pour ce fait, les femmes utilisent soit les écorces, soit les feuilles d’arbres présents dans leur environnement immédiat, car le village de Thidèly est logé au milieu d’une flore bien fournie. « Nos savons ont des bienfaits thérapeutiques. Tandis que certains rendent la peau lisse, d’autres éliminent les boutons sur le corps. C’est, en quelque sorte, notre touche bio », lance Aïssatou Diallo, avec un léger sourire.
Source de revenus
Cependant, l’utilisation de produits chimiques dangereux, hors de laboratoires, n’est pas sans risques et les femmes du cercle « Diam wéli » ne l’ignorent pas. Ce, malgré l’utilisation de gans et de masques. « Nous savons que les produits peuvent être dangereux, voire mortels, surtout pour les enfants, s’ils sont mal utilisés », prévient une d’elles, Fatoumata Baldé. Elle aussi est « business coach » pour ce cercle des femmes. Conscientes du danger permanent dans la saponification et la production d’autres types de détergents, les femmes plaident pour la construction d’un « mini-laboratoire » auprès des partenaires ou n’importe quelle autre structure. En plus, pour elle, cela allait leur permettre d’augmenter leur production, et générer plus de revenus.
Ce n’est pas pour rien que ces battantes se donnent corps et âme dans la production de savon parce qu’elles faisaient un parcours de combattant. Ce jusqu’à un passé récent. En effet, elles ont témoigné, à l’unanimité, de la difficulté d’accéder au savon, les années avant l’aubaine que constitue le projet de la fondation Batonga. « Nous faisions le tour des marchés hebdomadaires pour en avoir pour une durée d’une semaine. Et si quelqu’un ratait l’occasion, elle attendait le prochain pour espérer la bienveillance des voisins », explique Aïssatou Diallo, sous l’approbation des vaillantes dames. À Thidèly, l’activité du cercle « Jam wéli » est, aussi, un business qui rapporte des ressources. « Depuis que nous nous sommes lancées dans cette activité, nous participons aux dépenses dans nos foyers et soulageons nos époux par rapport à certaines charges », affirme Boury Baldé, la secrétaire générale de « Jam wéli » âgée de 26 ans, et mère de 4 enfants. D’ailleurs, malgré une réticence, au début, de laisser leurs épouses mener d’autres activités hors du foyer conjugal, ces époux ont compris le vrai sens du projet de Batonga et ils ont cédé.
Difficultés
Si Boury Baldé a pu occuper son poste, c’est grâce aux formations offertes par la Fondation Batonga, avec l’aide de facilitatrices. « Elles nous ont non seulement apprises comment utiliser les smartphones et faire nos opérations, mais aussi à établir les listes de présence lors des réunions », se réjouit-elle. D’ailleurs, ces appareils sont bien rangés à côté des produits finis, et prêts à être vendus, exposés à l’ombre des manguiers, qui trônent à l’entrée de chez Fatoumata Baldé où le travail se déroule. Toutefois, malgré les efforts liés à la production de savon et de ses produits dérivés et leurs ambitions d’exporter leurs produits en quantité vers d’autres horizons, les femmes de « Jam wéli » sont confrontées à certaines difficultés. Celles-ci sont liées, pour la plupart, à l’enclavement. En effet, comme il est difficile de vendre les produits dans les villages voisins, car menant à peu près des business similaires, les femmes veulent expédier et diffuser leurs produits le plus loin possible. Mais leur village est isolé de Dabo et de Kolda qui sont, selon Fatoumata Baldé, des lieux de ventes propices pour écouler leurs produits, ils se trouvent respectivement à 30 et 60 Km de Thidèly, avec une piste en état défaillant entre ce village et Dabo. À cela s’ajoute le nombre d’accidents de moto, comme l’a informé Fatoumata Baldé. Cette dernière plaide pour un moyen de transport fiable auprès des partenaires.
Reportage de Tidiane SOW