Après l’effondrement de plusieurs étals au marché central, suite à un vent violent, les vendeurs ruminent leur colère. Ces derniers dénoncent la passivité des autorités communales et exigent l’amélioration de leurs conditions de travail.
SÉDHIOU – Seule au milieu des débris, Djamilatou Gnamadjo, une quadragénaire de teint clair, tente de se frayer un passage pour retirer de son petit commerce ce qui peut l’être. Oignon, pommes de terre et d’autres condiments nécessaires pour la cuisson sont pris au piège par les fragments de bois de charpente et de tôles dévastées par un vent violent, qui a mis sens dessus dessous le marché de Sédhiou dans l’après-midi du lundi 23 juin.
Le regard vide, malgré une voix parfois trahie par l’émotion, à la suite de l’incident qu’elle a vécu, Djamilatou a encore la force de relater détail après détail, les quelques minutes qui ont vu son étal changer de visage. «Quand j’ai constaté que le temps était menaçant, j’ai commencé à ranger ma marchandise, en attachant la couverture tout autour de la table. Subitement, le vent, qu’on entendait de loin, est arrivé. C’était le sauve-qui-peut», raconte Djamilatou, assise sur un morceau de brique. Elle essaie d’empêcher les larmes qui ont inondé ses yeux de couler sur ses joues.
Dans cette ambiance de panique, la dame se souvient s’être cachée sous sa table. «Ma voisine d’à côté pleurait, moi également. Je ne pouvais pas sauter à cause de mon poids», ajoute-t-elle, interrompant son récit pour répondre aux messages de soutien et de compassion des acheteurs habitués de son lieu de commerce. Une décennie déjà depuis qu’elles ont érigé leurs premiers étals, Moussouba Faty, Ndèye Mané, Salimata, Binta et Djanké, dont les tables de légumes sont attenantes à celle de Djamilatou, ne cessent de se lamenter. «Quand est-ce que nous allons reprendre nos activités ? Tous les menuisiers que je contacte me disent qu’ils sont occupés», expose l’une d’elles.
«Nous ne savons plus où donner de la tête»
Ces femmes sont obligées de reprendre leur petite économie pour refaire les étals. «Pourtant, nous nous acquittons des taxes dues à la municipalité et aux services des Impôts et Domaines. Alors que rien n’est fait pour nous mettre dans des conditions optimales», proteste Boubacar Sonko, le plus grand mareyeur du marché central de Sédhiou.
Sous le soleil, à côté de l’entrée du fort Pinet Laprade en ruine, un homme, d’un âge assez avancé, attend d’éventuels clients pour écouler les quelques tas de poisson qui lui reste. «C’est Yoro Cissé. Il est le chef du marché. Il est en mesure de te confier tous les problèmes qui nous préoccupent» introduit Boubacar Sonko, plus connu sous le sobriquet de Sonko Bignona.
«Aujourd’hui, j’ai le cœur meurtri», confie, pour sa part, Yoro Cissé avant que nous terminions notre question sur l’état actuel du marché central. «Les toitures sont arrachées par le vent du mardi 24 juin.
Des ménages vont souffrir parce que des mères et pères de famille tirent leurs revenus ici. Le pire, dans tout ça, 24 heures après cet incident, personne n’est venu s’enquérir de la situation», déplore-t-il, soulignant avoir «crié partout» leurs problèmes. «Nous ne savons plus où donner de la tête. Aujourd’hui, certains ont perdu leurs étals, d’autres comme moi seront bientôt contraints de prendre un congé à cause des inondations qui vont impacter cette partie du marché», soutient Yoro Cissé.
Avec ce visage peu reluisant, bâtir un marché digne de ce nom est un impératif. Le fort Pinet Laprade est là, estime Boubacar Sonko. «Il n’est plus utilisé, donc pourquoi continuer de garder l’espace, alors que le besoin de construire un marché est urgent ?», s’interroge-t-il. Des quais de pêche sont inaugurés, des usines de glace, des frigos, mais pourquoi ils ne pensent pas à nous, poursuit M. Sonko. À Sédhiou, l’hivernage a fait ses débuts, avec les pluies qui se multiplient. Ce qui rend le marché difficilement accessible. Les eaux sales stagnent. Traverser d’un étal à un autre est tout à fait un problème. «Nous qui achetons sommes en danger, parfois tu vois des abris qui menacent de céder, des murs, c’est inquiétant. Il nous faut un marché moderne, à l’image des autres villes du pays», plaide Tida Maria.
Un lieu de commerce dépourvu de toilettes
Sédhiou est érigé en région en 2008. Depuis, la démographie s’accroît d’année en année. Par contre, le développement infrastructurel est encore à la traîne. Le marché central constitue un des cas illustratifs de déficit infrastructurel. Étendu sur plus d’un hectare, il abrite des souks, des magasins de commerce et des étals. Le centre est occupé par les boutiques d’habillement, de cosmétiques, d’ustensiles de cuisine et d’appareils électroniques.
Aux points d’entrée, se sont installés, pêle-mêle, des vendeurs de fruits et légumes. Ces derniers s’imbriquent par endroit aux cordonniers, couturiers et aux étals de charcuterie. «Le pire, c’est qu’il n’y a pas de toilettes. Allez-y de l’autre côté du fort Pinet Laprade, vous trouverez des traces d’urines et de matières fécales. C’est surtout trop compliqué pour nous les femmes», déplore Inesse Kanfani, vendeuse de légumes.
Par Jonas Souloubany BASSENE (Correspondant)