1500 milliards de dollars ! C’est le montant que pourrait générer l’Intelligence artificielle (IA) au profit des économies africaines, à l’horizon 2030, selon les Nations unies. L’IA devrait connaître une très forte croissance de 27% par an, en Afrique, passant de 4,51 milliards de dollars en 2025 à 16,53 milliards de dollars d’ici 2030, révèle un rapport du géant américain des systèmes de paiement Mastercard, intitulé « Harnessing the transformative power of AI in Africa » (Exploiter le pouvoir transformateur de l’IA en Afrique), publié en août dernier.
Cette technologie simulant l’intelligence humaine pourrait aussi générer 230 millions d’emplois à l’horizon 2030, rien qu’en Afrique subsaharienne. Parmi ces nombreuses opportunités, on peut citer une amélioration de la santé (diagnostic, soins de santé, prédiction des épidémies), l’agriculture qui peut devenir intelligente (amélioration des rendements, gestion des terres et des ressources en eau, fertilisation, lutte contre la sécheresse, etc.) pour paver la route vers une révolution verte africaine. Avec l’IA, l’éducation dispose d’un potentiel d’amélioration avec l’apprentissage en ligne, la personnalisation de l’enseignement, le développement de compétences, apprentissage des langues maternelles, etc. L’énumération est loin d’être exhaustive. Mais, pour profiter de tout le potentiel et des opportunités de l’IA, beaucoup de défis sont à relever pour l’Afrique.
Le premier est de ne pas se contenter d’être simplement un marché, mais plutôt acteur. Cela passe d’abord par un développement des infrastructures numériques dans un continent handicapé par une inégalité dans l’accès à une connectivité internet stable et le déficit en électricité. La réalité montre que, selon la Banque mondiale, seulement 22% des Africains ont ce privilège. Les capacités des centres de données sont encore très faibles et sont concentrées en Afrique du Sud (70%).
Le cloud « computing » en volume ne suit pas non plus, malgré sa forte croissance de 25 à 30% en moyenne par an. Pour que le continent devienne un véritable acteur dans un domaine aussi compétitif, il doit impérativement disposer de suffisamment de ressources humaines bien formées. On note au niveau mondial une pénurie de talents technologiques qui risque de laisser vacants 85 millions d’emplois d’ici 2030. L’Afrique, avec 716.000 développeurs, n’assure que 3% du vivier mondial de talents en IA.
Avec un vivier en croissance de 3,8% par an, elle fait mieux que la moyenne mondiale, mais reste en deçà de ses besoins. C’est donc la capacité d’innovation qui risque d’en pâtir, poussant des entreprises africaines à importer des technologies pour créer des solutions locales, avec tout ce que cela induit comme coûts. Par ailleurs, le déficit de diversité linguistique pourrait être un frein à l’inclusivité sur un continent riche de plus de 1000 langues, déplore le rapport de Mastercard.
Les langues africaines sont peu présentes dans la sphère de l’IA, ce qui risque d’exclure de millions de personnes. Aussi, sans investissements conséquents par et pour les Africains, il y a un risque d’une cyber-colonisation, préviennent les chercheurs Saad Badaoui et Redouan Najah. Déjà que les Gafam se bousculent, Google, par exemple, ayant injecté en Afrique 37 millions de dollars pour le développement de l’IA sur l’un des continents les plus peuplés. « Ils (les États africains) ne se rendent pas compte qu’en déroulant le tapis rouge aux Gafam, ils empêchent des startups locales d’émerger. Et qu’ils sont en train d’abandonner une partie de leur souveraineté dans le domaine du numérique et des données. »
Le journaliste multimédia Souleymane Tobias prévient : « Le risque pour l’Afrique est de vivre l’IA telle que voulue ou développée par l’extérieur si elle ne se dote pas de son propre modèle. Ce qui reviendrait simplement à créer des solutions qui répondent aux problèmes africains », prévient. malick.ciss@lesoleil.sn



