Mettre en place une ligne maritime commerciale entre Agadir et Dakar dès 2025 : telle est l’ambition affichée par le Sénégal et le Maroc. Pour l’acteur économique Ayoub Allaoui et le consultant en lobbying et coopération parallèle Elhadji Moussa Diagne, ce projet pourrait dynamiser les échanges bilatéraux et même stimuler les flux commerciaux sur l’ensemble du continent.
Le 11 décembre 2024, un protocole d’accord a été signé entre la société britannique Atlas Marine et les autorités de la région marocaine de Souss-Massa pour établir cette liaison maritime. L’objectif est de renforcer les échanges entre le Maroc et l’Afrique de l’Ouest en offrant une alternative efficace au transport terrestre, souvent coûteux et risqué. La future ligne, qui reliera Agadir à Dakar, sera opérée par des navires RoRo-Passagers (Ropax) et devrait être opérationnelle fin 2025. Elle vise à réduire les coûts de transport, fluidifier les échanges de marchandises et de camions, mais aussi à encourager les investissements entre les deux pays. Du côté marocain, le projet est bien accueilli.
Pour Ayoub Allaoui, il arrive à point nommé: «Nous ne pouvons que nous en féliciter, étant des acteurs de la diplomatie parallèle et économique. Les relations fraternelles entre nos deux peuples sont solides, mais il faut désormais les orienter sur le plan économique », souligne-t-il. Il y voit surtout une alternative sécurisante au transport routier : « La route entre Agadir et Dakar est périlleuse, avec de nombreux accidents mortels qui coûtent cher à l’Afrique en vies humaines, en pertes matérielles et en dépenses de santé publique. La liaison maritime est donc pertinente », insiste M. Allaoui.
Booster les échanges et la coopération Selon lui, cette nouvelle connexion pourrait dynamiser le commerce intra-africain : « La signature de ce protocole peut créer une réelle valeur ajoutée pour le commerce transfrontalier africain. Nous espérons que la coopération entre ces deux villes atlantiques ne se limitera pas à la logistique, mais s’élargira à une relation fraternelle entre les deux nations », déclare-t-il. Allaoui y voit également un levier pour la coopération panafricaine, en s’appuyant sur le port de Tanger Med, considéré comme la porte de l’Afrique vers le monde : « Cela pourrait favoriser une expansion vers l’Afrique de l’Est, le Sahel, et desservir le cœur du continent, notamment les États d’Afrique centrale et du Sud. » De son côté, Elhadji Moussa Diagne, Sénégalais résidant à Agadir, voit dans ce projet une opportunité de valoriser les produits sénégalais sur le marché marocain : « Nous avons des mangues qui pourrissent par excès de production. Elles pourraient être exportées vers le Maroc en respectant les normes internationales. »
Il invite le Sénégal à s’inspirer du modèle marocain, notamment en matière de stations de conditionnement : « L’État du Sénégal gagnerait à copier ce modèle et, pourquoi pas, à créer une banque sénégalaise au Maroc », suggère-t-il. Structurer l’économie sénégalaise Pour Diagne, il est impératif que les acteurs économiques sénégalais se structurent pour sortir de l’informel : « Le Maroc a trouvé la bonne formule, mais le Sénégal est-il prêt à en tirer profit ? » s’interroge-t-il. Il plaide pour un renforcement de la diplomatie économique sénégalaise : « Il faut que les acteurs économiques sénégalais répondent à la même hauteur, avec l’appui de Mme l’Ambassadrice.
Il est urgent de nommer un chef de bureau économique qui comprenne les enjeux. La coopération se fait à deux. » Au-delà de la simple liaison maritime, c’est donc toute une dynamique de coopération économique et stratégique que ce projet pourrait enclencher entre Dakar et Agadir, mais aussi à l’échelle continentale.
Demba DIENG