Une dose de détermination, un zeste de volonté et le tout mélangé à la soif de réussite ; voilà les secrets de Mamadou Lamine Greou. À la Médina, le vendeur de cocktails n’est plus à présenter. Ses cocktails ont fait de son affaire un véritable succès.
La nuit a couvert de son manteau noir le ciel. La Médina ne dort pas en ce début de soirée. La rue 09 de ce quartier est animée et bondée, un cadre propice au commerce. En effet, les marchands se sont installés. De la vendeuse de couscous à base de mil, au vendeur de ‘ngalax’, en passant par celui des brochettes ou encore de la soupe, il y a un peu de tout. Il faut croire que la nuit nourrit bien son homme ! Mais un des marchands attire irrémédiablement le regard. Debout derrière son comptoir, la sueur perle sur le front de cet homme habillé en débardeur, jean et baskets. À la Rue 9 X 12, Mamadou Lamine Greou n’a rien à envier à Panoramix (Ndlr : principal druide de la bande dessinée Astérix) dans l’art de faire des mélanges. Le trentenaire est un as, non pas des potions en tout genre, mais des cocktails. Pas de Molotov, rassurons les plus sceptiques !
« Ses cocktails sont littéralement une tuerie », lâche Mame Diarra Sanon. Cette habituée vient de recevoir son mojito. Après la première gorgée, elle n’a pu s’empêcher de complimenter le mixologue. « Il maîtrise vraiment les cocktails. Ils sont très bons, bien dosés et rafraîchissants. Je reste toujours ébahie par le goût de ses boissons », témoigne-t-elle, tout sourire.
Mamadou Lamine Greou a fini de se faire un nom grâce à la vente de ses boissons. Du mojito (cocktail traditionnel de la cuisine cubaine) en passant par les cocktails fruités, il sait faire bouger le shaker lorsqu’il s’agit de préparer des boissons. Sur sa table, différentes liqueurs sont soigneusement disposées. Il est 20h et c’est déjà le grand rush. Mais l’heure n’est pas à la panique. Chaque minute est précieuse pour le sieur. En cette période de chaleur où la fraîcheur semble se faire désirer, Lamine écoule aisément ses cocktails. Devant une foule qui commence à former une file indienne, il assure le show sans stress ni chichi. Imperturbable.
D’une main de maître, il commence par mettre les glaçons dans le shaker, suivis de quelques feuilles de menthe et du sucre. À l’aide d’un petit pilon, il écrase le tout avant d’y ajouter une boisson gazeuse. La douce musique du shaker peut enfin se faire entendre au grand bonheur des clients. D’un geste presque machinal, il remue le tout et laisse la magie de la potion opérer. Tchin ! Les clients peuvent enfin commencer à savourer cette dose de fraîcheur estivale.
Bakhaw est également un habitué des lieux. Après quelques échanges courtois, il opte pour le tropical (un cocktail à base d’ananas, de melon, de sirop de grenadine et de sucre de canne). Après un passage au shaker, le mélange prend forme. Visiblement satisfait, Bakhaw ne tarit pas d’éloges. « C’est bon et rafraîchissant. Il est très doué et ses cocktails sont savoureux », reconnaît-il. Derrière le comptoir, Lamine lâche discrètement un sourire avec le sentiment du devoir accompli.
Des bars d’hôtels au stand à cocktails
Le parcours de Mamadou Lamine Greou n’a pas été de tout repos. Tel un héros dans un roman, il a sué avant de pouvoir gérer sa propre affaire. Entre son passage à l’école de cuisine où il a appris à faire des cocktails et son expérience dans les hôtels, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. En effet, l’homme de 38 ans a commencé sa carrière en tant que cuisinier dans un établissement privé. Le nouveau diplômé s’intègre facilement et propose en prime des repas et des cocktails fruités aux élèves. Une nouvelle touche savoureuse qui fait mouche.
Mamadou Lamine Greou ne tarde pas à naviguer vers de nouveaux horizons. Après cette odyssée enrichissante, il atterrit dans un grand hôtel de la place. « Je suis resté deux ans au chômage avant de trouver ce travail. J’ai travaillé pendant quatre ans en tant que serveur. Cela m’a permis de mieux côtoyer les barmen, de les voir à l’œuvre et de me perfectionner dans la création de cocktails », avoue-t-il d’un brin nostalgique.
Après cette expérience juteuse, le « mixologue » trouve du travail en tant que barman dans un restaurant sis sur la Corniche des Almadies pendant quatre ans. « C’était très enrichissant comme expérience car cela m’a permis de vraiment savoir dans quel business je voulais me lancer. La préparation de cocktails s’est révélée être une évidence pour moi », avoue-t-il, un sourire béat au bout des lèvres.
« Je voulais lancer mon propre business. Mais il me fallait cette touche qui allait me permettre de sortir du lot. J’ai d’abord démarré avec la vente de smoothies à 1500 FCFA. J’ai tenté le coup pendant deux ou trois mois, mais ce n’était pas vraiment rentable. Je me suis dit qu’il fallait aussi penser aux réalités du marché », se remémore-t-il avec amertume. Mais il en faut plus pour décourager cet homme avide de réussite.
Rendre les cocktails accessibles
Le milieu détermine l’individu. Cela a tout son sens chez Mamadou Lamine Greou. En digne fils de la Médina, ce dernier a naturellement opté pour ce quartier afin de lancer son business de stand à cocktails. « Les retours sont très positifs. Mon objectif était vraiment de rendre les cocktails accessibles à tous. Je voulais apporter ce savoir-faire à la Médina, loin des bars d’hôtels et autres restaurants », explique-t-il en balayant d’un regard les passants. Le « mixologue » propose ainsi des mojitos et des cocktails à base de fruits à 500 FCFA. « Les retours sont très positifs. Je suis le seul à proposer ce service à des prix abordables et j’en suis particulièrement fier. Je voulais vraiment apporter cette valeur ajoutée à ce business », confie-t-il, tout en remerciant ses voisins pour leur « soutien constant ».
Le gérant d’un stand de cocktails se dit reconnaissant de pouvoir compter sur ses clients, qui n’hésitent pas à lui prêter main forte. « La gestion de la logistique est un véritable défi. Mais, fort heureusement, je peux compter sur mes clients. Ils m’aident souvent à ranger les bagages », dit-il, visiblement ému.
En dépit des obstacles, Mamadou Lamine Greou ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il a récemment ouvert un fast-food pour renflouer ses caisses. « J’ambitionne d’ouvrir des bars à cocktails afin d’étendre mon business à des prix accessibles », espère-t-il. Une perspective fraîche à en faire saliver les amoureux de boissons.
Arame NDIAYE