Et si le secteur financier participait à désengorger les tribunaux ? Oui, c’est possible. Et c’est même souhaitable. Trop souvent, des différends qui pourraient se régler autour d’une table finissent dans les prétoires, avec tout ce que cela suppose de lenteurs, de coûts et de frustrations. La médiation financière, pourtant, existe pour éviter cela. Ce dispositif, discret mais efficace, offre une alternative amiable, gratuite et confidentielle à la justice classique.
Il met face à face un client et son prestataire de services financiers – banque, société de microfinance ou compagnie d’assurance – sous la conduite d’un médiateur indépendant. Son rôle ? Écouter, comprendre et rapprocher. Pas pour juger, mais pour apaiser. Concrètement, lorsque la réclamation d’un client reste sans suite satisfaisante, il peut saisir le médiateur. Il lui suffit de constituer un dossier, d’y joindre les échanges avec son établissement et d’attendre que la discussion s’ouvre. Le médiateur écoute les deux parties, pèse les arguments, et propose une solution écrite. Si elle est acceptée, l’affaire est close, sans robe noire ni marteau de juge.
Si elle ne l’est pas, la voie judiciaire reste ouverte. Mais attention, tout ne relève pas de la médiation. Le champ est bien défini : comptes courants, moyens de paiement, crédits, services d’investissement ou assurances liées à des produits bancaires. Bref, tout ce qui rythme notre rapport quotidien à l’argent et à ses institutions. Au Sénégal, la médiation financière n’est pas une idée neuve. Depuis 2009, elle est portée par l’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf).
Et les chiffres suffisent à convaincre : depuis 2011, près de 10.000 dossiers traités, dont 3.800 en 2024 pour un volume d’environ 10 milliards de FCfa dans le secteur bancaire. Dans les assurances, plus de 1.700 dossiers ont été traités, représentant près de 1,7 milliard de FCfa. Derrière ces statistiques, une réalité simple : la médiation marche. Elle marche parce qu’elle repose sur la bonne foi et la raison plutôt que sur la confrontation. Parce qu’elle remet l’humain au centre d’un monde financier souvent perçu comme froid et impersonnel. Certes, le dispositif n’a qu’une quinzaine d’années d’existence. Mais il s’impose déjà comme un outil de confiance entre les institutions et leurs clients. Il donne au citoyen une voix, un espace d’écoute, un moyen d’être entendu sans se ruiner ni s’épuiser dans des procédures interminables. Et c’est peut-être là l’essentiel.
Dans une société où les tensions économiques fragilisent le lien social, où la défiance envers les banques reste forte, la médiation financière est une respiration. Un petit miracle de bon sens dans un monde souvent trop juridique. Alors oui, le vieil adage dit vrai : un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. Parce qu’au fond, la justice la plus efficace n’est pas celle qui tranche, mais celle qui réconcilie.
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