À Dakar, sur la route de Ouakam, des artisans exposent des meubles façonnés à la main, à partir de bambou et de rotin. Derrière ce savoir-faire unique, Souleymane Mané, artisan originaire de la République de Guinée, raconte la passion et les difficultés d’un métier exigeant que les jeunes rechignent à apprendre.
Sur la route de Ouakam, tout près du Collège africain de Dakar, sont exposés le long du trottoir, différents types de meubles. Entre les chaises, les canapés, les tables, les paniers ou encore les berceaux, le client a l’embarras du choix. La particularité de ces meubles est leur matériau et leur mode de fabrication. Ils sont faits à base de tiges de bambou, de rotin ou de rônier que les artisans travaillent à la main pour leur donner une forme artistique.
En effet, ces meubles se distinguent des autres par leur forme incurvée et par les petites lianes attachées qui servent de lien aux différentes lattes qui les constituent. Derrière tout ce mobilier exposé, se trouve un petit espace qui sert d’atelier. Il est encombré de bâtons, de rotin et bambou dressés contre le mur, et de copeaux de bois.
Sous le ciel gris et pluvieux du lundi 18 août 2025, des artisans assis sur des bancs ou à même le sol taillent avec un petit couteau les tiges de bambous ou de rônier. Parmi ces artisans, se distingue Souleymane Mané, âgé d’une quarantaine d’années et propriétaire d’un atelier. S’appuyant sur un bâton de bambou, l’homme originaire de la République de Guinée se tient debout, tel un patriarche. Avec un ton d’expert, il explique le processus de fabrication des meubles.
« C’est à base de bambou ou de rotin que nous fabriquons nos meubles. Le rotin est plus cher et difficile à trouver car il est plus malléable. C’est pour cette raison, que je travaille essentiellement avec du bambou. Les petites lianes que vous voyez entre les lattes viennent d’Asie. Nous les obtenons grâce à un fournisseur », relate Souleymane Mané.
Il poursuit en désignant les bâtons de bambous derrière lui. « J’utilise deux types de bambous. C’est le diamètre de la tige de bambou qui fait la différence. La tige de bambou la plus grande me revient à 3.000 FCfa, tandis que la plus petite coûte 1.000 FCfa. Pour fabriquer ces meubles, on utilise un couteau à fendre afin de tailler les tiges de rotins ou de bambou. Ensuite, à l’aide de la chaleur provenant d’une bombonne de gaz, on ramollit la tige avant de la plier pour pouvoir la travailler. Cette dernière étape est très difficile car elle demande de la force. Ce n’est pas à la portée de tout le monde. Et cela explique le fait que je n’ai pas beaucoup d’apprentis », développe l’artisan.
Un homme de teint clair du nom de Ousmane intervient. Assis près de Souleymane, il lance : « Dis plutôt que c’est parce que les jeunes ne veulent pas travailler ».Souleymane Mané renchérit en disant qu’il est vrai que les jeunes fuient ce métier à cause de la difficulté. « C’est vraiment un métier manuel, il ne faut pas avoir peur de se faire mal en se coupant. Ce métier est tout ce que les jeunes d’aujourd’hui détestent et je ne compte pas leur courir après pour leur proposer du travail », dit-il en haussant les épaules avec un air désolé.
Mariages, shootings photos
C’est avec un regain d’énergie et les yeux brillants que Souleymane Mané parle de ses meubles. « Vous voyez ce meuble » dit-il fièrement en désignant un siège à haut dossier, ressemblant à une sorte de trône. « C’est le fauteuil Emmanuel. On me l’a commandé, il n’y a pas longtemps. Ce genre de fauteuil s’utilise dans les mariages, les shootings photos ou alors dans des boutiques. Par exemple, la femme qui m’a commandé ce fauteuil a un salon de couture. Quand les clients font des essayages, ils s’assoient sur ce genre de fauteuils pour faire des photos. Le fauteuil a été vendu à 300.000 FCfa », informe-t-il.
L’artisan poursuit en désignant un autre type de meuble, semblable à un canapé. « Celui-là, a pour nom le trèfle. À côté, se trouve un berceau à bascule. L’eau de pluie n’endommage pas les meubles mais par mesure de précaution nous les rangeons, quand il pleut, sous la bâche de l’atelier ».
Souleymane affirme que ses revenus varient en fonction des jours et que beaucoup de Sénégalais sont adeptes de ces meubles.À côté de cet atelier, se trouve un autre artisan qui lui aussi fabrique des meubles mais en utilisant du rônier. L’homme d’une soixantaine d’année, se nomme Mamadou Diallo. Le dos vouté, il est occupé à tailler des tiges de rônier.Il affirme rencontrer les mêmes problèmes pour trouver des apprentis. « Ce savoir-faire risque de se perdre si les jeunes ne s’y intéressent pas » termine-t-il d’une petite voix.
Yaye Bilo NDIAYE (Stagiaire)