Assisant de vérification à la Cour des comptes, Ndèye Ndak Niang allie son travail avec la recherche. Première femme docteur de la Cour des comptes, elle a soutenu une thèse sur « Les Institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC) face à la mise en œuvre des Objectifs de développement durable ». Dans cet entretien, Mme Niang apporte une réponse sur le niveau de préparation des Isc dans la mise en œuvre des Odd. La vérificatrice trouve aussi normal le débat suscité par le rapport de la Cour des comptes sur l’audit des finances publiques.
La Cour des comptes a publié, le 12 février dernier, le rapport définitif sur la situation des finances publiques, gestion de 2019 au 31 mars 2024. Est-ce la première fois que la Cour publie un tel rapport ?
Oui, c’est le premier exercice réalisé par une Cour des comptes dans l’espace Uemoa, en application du point 1.7 de la Loi n 2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques qui prévoit que « dans les trois (3) mois suivant chaque nouveau mandat présidentiel, la situation globale des finances publiques, et en particulier la situation du budget de l’Etat et de son endettement fait l’objet d’un rapport préparé par le gouvernement. Ce rapport, AUDITE par la Cour des Comptes est publié dans les trois mois suivants ».
Pourquoi, selon vous, la publication du rapport de cette année a suscité autant de débat ?
La nouveauté de l’exercice pourrait-être une explication au tolet qui a suivi la publication dudit rapport. Loin de constituer un problème, le débat qui a suivi la publication du rapport est tout à fait normal puisque les rapports de la Cour sont très attendus par les citoyens.
D’ailleurs, en référence aux normes internationales des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques (Issai terme anglais), faisant autorité en matière d’audit du secteur public, il est toujours rappelé que les rapports des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques ont pour vocation de faire une différence dans la vie de leurs concitoyens. Ce débat public est aussi symbole de vitalité démocratique et de l’exigence accrue des citoyens pour une gestion transparence et performance des ressources publiques.
Toutefois, il faut regretter que bien souvent, la passion l’a emporté sur les problématiques de fond évoquées par le rapport. Le caractère écrit et contradictoire des procédures de la Cour tel que prévu par l’article 64 de la loi organique sur la Cour des comptes et la collégialité dans la prise de décision sont une garantie reconnue pour améliorer la qualité des productions de l’Institution. Les réponses apportées par les entités contrôlées aux observations soulevées par la Cour, dans les délais qui leur sont fixés, sont prises en compte au moment de l’élaboration des rapports définitifs de contrôle. La contradiction porte aussi bien sur les observations formulées dans le rapport provisoire que les recommandations qui y sont contenues. En conséquence, les accusations de partie pris ou de bras armé que d’une quelconque autorité sont une simple vue de l’esprit.
Je voudrais aussi signaler que la Cour a été accusée de revirement ou de dédits en ce qui concerne les données sur l’exécution des lois de finances des années précédentes. Il n’en est absolument rien.
En effet, une lecture attentive du rapport permet d’établir que la première préoccupation de la Cour a été de comparer les données contenues dans le rapport du Gouvernement sur l’état des finances publiques avec les données de reddition (projet de loi de règlement, Compte général de l’Administration des finances, lois de finances, etc..) aux fins de déceler d’éventuels écarts. La conclusion tirée par la Cour est que pour toutes les opérations exécutées conformément aux lois de finances, il n’existe pas d’écarts significatifs.
Il convient de préciser aussi que conformément à l’article 30 de la loi organique précitée, la Cour a mission d’assistance au Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et il lui incombe, au final, de voter les lois de règlements.
Le principal point d’achoppement du rapport, ce sont les opérations qui ont été déroulées en dehors des procédures normales et dont la Cour n’a jamais eu connaissance dans le cadre de l’élaboration du rapport sur l’exécution des lois de finances, au regard des documents de reddition dont la production est de la responsabilité du ministère chargé des finances.
Vous êtes vérificatrice à la Cour des comptes depuis 14ans mais également chercheur. Comment vous alliez le travail de vérificatrice et de chercheure ?
Ce n’est pas facile d’allier les deux, au regard de la charge de travail à la Cour. Pour ce faire, il faut une grande organisation et une gestion rationnelle du temps.
J’avoue que je dois beaucoup au Premier président de la Cour des comptes, Mamadou Faye, qui accorde une attention particulière au renforcement des capacités des personnels et n’a jamais été avare en conseils et encouragements. Je profite de cette occasion tribune pour lui réitère ma très profonde gratitude.
Je suis également reconnaissante à mon président de chambre, Babacar Bakhoum et aux magistrats chefs de mission qui tiennent toujours compte de mes activités de recherche dans la programmation des missions et la répartition des tâches.
Vous avez soutenu une thèse de doctorat en cotutelle internationale sur le thème : « Les institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC) face à la mise en œuvre des Objectifs de Développement durable ». Pourquoi le choix de cette thématique ?
Les raisons sont multiples. J’ai porté mon choix sur ce thème car le développement durable est un sujet de plus en plus d’actualité à l’heure où les Nations s’efforcent d’atteindre les Odd d’ici 2030. Cette urgence est soulignée et recommandée de manière constante et continue par l’Organisation internationale des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques (Intosai) depuis 2016, en marge de son congrès international (Incosai en anglais) qui a précisé le rôle essentiel des Isc dans la réalisation des audits sur les Odd.
Par ailleurs, le 25 mars 2015, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, 193 dirigeants (dont le Sénégal) se sont engagés à atteindre les 17 objectifs mondiaux ambitieux en 15 ans, à l’horizon 2030. Ces objectifs universels sont déclinés en 169 cibles avec près de 240 indicateurs et couvrent tous les enjeux du développement durable, allant du climat à l’éducation, en passant à la biodiversité, l’énergie, l’eau, la pauvreté, l’égalité de genre, la prospérité économique, la paix, la sécurité, l’agriculture, l’éducation et la santé. Ils concernent tous les pays, quel que soit leur niveau de développement et font l’objet d’une attention importante des gouvernements nationaux.
Ensuite, le développement durable est bien sûr un thème important pour les Isc, en raison de la valeur ajoutée qu’elles apportent aux organisations qu’elles contrôlent. Ce qui en phase avec la mission constitutionnelle et le mandat des Isc qui consiste, notamment, à vérifier et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques élaborées par les gouvernements.
La contribution des Isc est d’une importance capitale. Elle permet de situer la responsabilité des gouvernements, et en tant qu’auditeurs, elles sont aux premières loges pour examiner et commenter les progrès réalisés dans les pays africains.
Des Isc indépendantes, fortes, transparentes et disposant de ressources suffisantes et de qualité rendent compte aux populations africaines de l’emploi des ressources publiques par les gouvernants.
Ainsi, avec la reconnaissance mondiale constante et continue de la communauté internationale du rôle des Isc dans l’audit des Odd et également la pluridisciplinarité de ces objectifs de développement, nous avons jugé utile d’apprécier si elles sont suffisamment préparées ou non pour prendre en charge ces questions au regard de l’échéance très proche de cinq ans, (2030) délai de mise en œuvre des Odd.
En outre, dans un contexte mondial dominé par une multiplication de crises frappant toute l’humanité qui sont d’ordre sanitaire, économique, et environnementale, plusieurs Isc sont confrontées aux défis liés à leur indépendance, à l’inadaptation de leur cadre juridique organisationnel, à l’insuffisante capacité de leur personnel et à la modicité des ressources mises à leur disposition pour une bonne prise en charge des Odd.
Au demeurant, nous traversons une période où il est fortement recommandé aux gouvernements et aux gestionnaires publics de veiller à une utilisation efficace et efficiente des ressources publiques et de cultiver de manière constante, la promotion et l’instauration d’une culture de reddition des comptes devant les instances habilitées.
Enfin, il importe de souligner également que notre expérience dans le domaine de la gestion et des finances publiques acquise au sein de la Chambre des Affaires budgétaires et financières et à l’occasion de la participation au niveau sous-régional à des travaux de l’Association africaine des Isc (Afrosai), portant sur la préparation des Etats africains, notamment le Sénégal, à l’atteinte des Odd, a facilité le choix de ce sujet.
Vous avez travaillé sur le niveau de préparation de 11 institutions supérieures de contrôle des finances publiques dont le Sénégal ? Aujourd’hui, où en est l’Isc du Sénégal en termes de préparation ?
En termes de préparation, l’Isc du Sénégal, bien que disposant d’un personnel compétent, au regard de la nouveauté de la matière, doit déployer davantage d’efforts pour prendre en charge de façon décisive les Objectifs de développement durable.
En effet, nos résultats d’enquête montrent que le cadre juridique, stratégique, organisationnel et du processus de réformes de l’Isc est adapté à seulement 25%.
De fait, conformément à la loi organique n°2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des comptes, l’Institution est organisée essentiellement selon un critère organique et non par domaines des Odd. Elle comprend la Chambre des affaires budgétaires et financières de l’Etat, la Chambre des collectivités territoriales, la Chambre des entreprises publiques et la Chambre de discipline financière.
Toutefois, des sections en lien avec les thématiques des Odd ont été créées récemment à l’intérieur des chambres et sont dirigées par des Chefs de section. Il s’agit certes d’avancée mais celle-ci est nettement insuffisante pour prendre en charge toutes ces problématiques de l’heure.
Nous avons aussi noté d’après les réponses, l’inadéquation du plan stratégique de l’Isc qui ne prévoit ni la réalisation des audits des Odd, ni des indicateurs spécifiques malgré la volonté manifeste d’intégrer quelques critères et indicateurs dans les plans d’audit.
Il convient toutefois, de préciser que, depuis 2023, des réformes sont engagées au sein de l’Isc du Sénégal, avec la mise en place d’un comité chargé de faire des propositions de réforme des textes de la Cour. A cet effet, il est envisagé justement de réformer l’organisation des chambres pour abandonner le critère organique et de prendre plutôt en compte les secteurs en lien surtout avec les Odd. C’est à l’état de projet non encore finalisé. Je suis heureuse de savoir que parmi les réformes annoncées par le Premier ministre à l’occasion de sa Déclaration de politique générale, il est prévu la réforme des textes de la Cour. Il est important d’intégrer ces aspects qui faciliteront la prise en charge des Odd.
Par ailleurs, l’exploitation des résultats montre que, malgré le niveau de sensibilisation élevé par les organisations communautaires dont l’Isc du Sénégal est membre à part entière ou même en assure la Présidence l’Association des Isc ayant en commun l’usage du français (Aisccuf), la sensibilisation et la formation du personnel sur les audits des ODD sont mitigées.
Dans le même ordre d’idées, les ressources financières et humaines mises à disposition pour prendre en charge les objectifs de développement durable au sein de l’Institution sont insuffisantes. Au moment du lancement de notre enquête en 2022, nous avons constaté qu’aucun dispositif organisationnel spécifique n’a été mis en place pour prendre en charge les ODD. Seuls quelques membres du personnel d’audit sont initiés aux questions ODD. Il s’agissait des membres de l’équipe d’audit désignée pour l’audit de l’état de préparation (5), les membres dédiés à la supervision de ce contrôle (5), le personnel ayant participé à des programmes similaires (2).
De même, aucun dispositif organisationnel, spécifique n’a été mis en place sous forme de direction ou de responsable du Développement durable pour prendre en charge les ODD. C’est pourquoi ce domaine a enregistré un pourcentage de 75% en termes d’inadéquation.
S’agissant du domaine relatif au niveau de satisfaction concernant les résultats enregistrés ou à venir des ISC sur la mise en œuvre des ODD, l’objectif visé était d’apprécier le niveau de prise en charge de ces recommandations par les ISC de l’AISCCUF.
Le constat est un niveau de prise en charge relativement faible (40%). L’Isc n’a à ce jour réalisé que l’audit du niveau de préparation du gouvernement sénégalais à la mise en œuvre des Odd. L’audit sur la mise en œuvre des Odd n’est pas encore effectuée au sein de l’Institution, et elle n’a pas été prévue dans les programmes d’audit. S’agissant de l’indicateur sur la contribution à l’Odd16, l’Isc n’a pas complétement rempli ce critère. En effet, pour une meilleure prise en charge de ces questions, l’ISC du Sénégal a indiqué que l’audit sur l’état de préparation a permis de se familiariser avec les Odd, de développer des techniques d’audit et qu’à ce jour, beaucoup de rapports ou d’audits en cours traitent de questions rattachables aux Odd.
Vous avez relevé un faible engagement de la société civile et du secteur privé dans la mise en œuvre des Odd. Quel impact cela peut avoir dans l’atteinte des objectifs fixés à l’horizon 2030 ?
Le credo des Odd vise à ne laisser personne en rade. Toutes les parties prenantes doivent jouer un rôle important dans l’agenda 2030 des Nations Unies et particulièrement les acteurs de la société civile et le secteur privé qui occupent dans le processus de développement durable, une place importante. Leurs contributions sont essentielles pour assurer le suivi efficace des politiques publiques et le respect des engagements pris pour la mise en œuvre de l’Agenda 2030.
Si l’on peut admettre que, dans un souci de rationalisation de la marche du monde, l’Organisation des Nations Unies mette en place des agendas de développement que les Etats doivent à leur tour internaliser, force est de reconnaitre que ces programmes n’ont de sens et ne pourront connaitre de succès que si et seulement si les pouvoirs publics s’y retrouvent entièrement et ce de manière holistique et inclusive, avec la participation de tous les acteurs impliqués.
Vous avez aussi procédé à une évaluation du budget vert du Sénégal. Qu’est-ce que cela a produit comme résultats ?
L’évaluation du budget vert du Sénégal de l’année 2024 a été au cœur de notre travail de recherche. Les principaux résultats sont analysés à l’aune de quatre domaines, à savoir l’allocation des ressources, le respect des engagements internationaux en faveur de l’environnement, le cadre stratégique et gouvernance de la lutte contre les changements climatiques, ainsi que le processus d’élaboration du budget vert. Nos travaux montrent que dans le budget vert 2024, les ressources dédiées au secteur de l’environnement pour lutter contre les changements climatiques ont enregistré les plus faibles dotations (environ 1% du montant total du budget vert 2024, estimé à 1 403 279 116 840 FCFA. Il y est relevé une prédominance des ressources allouées au secteur des transports. Pourtant les défis majeurs demeurent ancrés dans le secteur environnemental.
En effet, trois investissements majeurs ont été réalisés afin de réduire les émissions de CO2. Il s’agit du TER, du BRT, du RTC qui occupent près de la moitié du budget vert soit 47, 87%. Aux yeux du Gouvernement Sénégalais, les projets sus-énumérés demeurent ceux prioritaires, au regard des fonds budgétés dans le secteur des transports, en dépit du fait qu’à Saint-Louis et Mbour par exemple, les populations souffrent de l’érosion côtière avec l’avancée de la mer.
Par ailleurs, les finances publiques ne sont pas déclinées de manière pluriannuelle, horizon idéal pour mettre en place une politique budgétaire favorable à la lutte contre les changements climatiques et la protection de l’environnement ; comme le recommande d’ailleurs, la loi à travers les documents de planification pluriannuels budgétaire.
Nous attirons l’attention sur le fait que les défis majeurs existent et persisteront dans le secteur environnemental !
Sur l’ensemble des côtes sénégalaises et pour une élévation du niveau marin d’un (1) mètre d’ici à l’année 2100, environ 55 à 86 km² de plages disparaîtraient, 6000 km² de zones basses, essentiellement les zones estuariennes, seraient inondées. Ceci équivaudrait à une disparition de la totalité des mangroves actuelles. Selon la Banque Mondiale, le coût total de l’érosion côtière en 2017 est estimé à 537 millions de USD au Sénégal.
En outre, le Sénégal a connu durant les dernières années (2005, 2009, 2012, 2015, 2017 et 2018,..) des inondations extrêmes ayant entrainé des déplacements de populations, des pertes importantes au niveau du cheptel, une accentuation des phénomènes d’érosion hydrique et de salinisation des terres arables, des effondrements de maisons, la dégradation ou l’impraticabilité des routes, ponts, digues, des atteintes sur les réseaux de distribution d’eau, d’électricité et de téléphone, des pertes de cultures et de récoltes et la recrudescence des maladies hydriques (choléra) et parasitaires (paludisme), etc.
Par conséquent ce secteur doit demeurer une priorité pour le Gouvernement du Sénégal qui doit y consacrer beaucoup de financements pour faire face à la lutte contre le changement climatique.
Nos travaux montrent que le Sénégal n’a pas communiqué ses contributions déterminées au niveau national (Cdn) révisées. Cette situation pourrait entrainer l’absence de mise à jour des objectifs et des stratégies du Sénégal pour faire face aux exigences évolutives de l’Accord de Paris. En l’absence de Cdn révisées, le Sénégal pourrait être confronté à des défis potentiels dans la mise en œuvre efficace de ses engagements climatiques et dans sa capacité à contribuer de manière significative à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre (Ges).
L’analyse des questionnaires montre des réponses divergentes entre les parties prenantes phares ayant élaboré le budget vert. L’absence de remontée de données relatives aux contributions ou l’insuffisance de coordination entre les services concernés pourrait justifier cette insuffisance.
Par exemple, le ministère des Finances et du Budget (Mfb) considère que le taux des contributions conditionnelles est de 29% à l’horizon 2030 par rapport à 2010, alors que pour le ministère de l’Environnement et de la transition écologique (METE) le taux est de 39%. S’agissant des contributions inconditionnelles à l’horizon 2030, le Mfb annonce une part de 7% tandis que le METE déclare un taux de 61%.
En outre, le ministère des Finances, le Sénégal n’a pas encore élaboré ni communiqué une stratégie de développement à faibles émissions de gaz à effet de serre à long terme. Pour le Mete, cette stratégie serait en cours d’élaboration. Au regard du fait qu’aucune stratégie à long terme n’est définie par le Sénégal, pour atteindre ses objectifs de réduction d’émissions des GES, aucun plan d’action n’a été élaboré. Toutefois, le Mfb signale que ce plan d’action serait en cours.
D’autre part, le Mete précise que cette démarche est en cours, ce qui suggère que le Sénégal est actuellement engagé dans un processus visant à identifier et à mettre en œuvre les actions nécessaires pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES à long terme.
Nos analyses montrent que le Sénégal envisage d’atteindre ses objectifs d’adaptation tels que décrits dans la stratégie à long terme. Toutefois, pour le METE, le plan d’action pour sa réalisation est toujours en cours d’élaboration. Le MFB indique que ce dispositif n’est pas applicable au Sénégal.
Bien que des efforts soient en cours pour élaborer des stratégies d’adaptation à long terme, des informations supplémentaires et une coordination accrue peuvent être nécessaires pour assurer une mise en œuvre efficace de ces stratégies et pour renforcer la résilience du Sénégal face aux impacts du changement climatique.
Vous avez déclaré qu’il est bien possible de promouvoir un développement durable par des finances publiques vertes. Comment y procéder ?
L’adaptation aux effets du changement climatique et la décarbonation de l’économie constituent un défi de taille pour tous les pays. C’est pourquoi les gouvernements font de plus en plus recours à la budgétisation verte, face aux crises environnementales, afin de mieux aligner leurs politiques sur les engagements internationaux pris en matière de climat et d’environnement.
Vous plaidez pour l’intégration des considérations climatiques dans les politiques budgétaires. Qu’est-ce que cela peut avoir comme impact sur les finances publiques ?
L’intégration des considérations climatiques dans les politiques budgétaires améliore la transparence et la responsabilité, tout en abordant les risques budgétaires et en favorisant une croissance durable. Une budgétisation verte efficace nécessite des cadres de performance, des évaluations environnementales et des examens des dépenses qui alignent les dépenses publiques sur les objectifs climatiques, garantissant, ainsi, de la priorité accordée aux objectifs environnementaux, en matière d’investissements.
L’intégration des évaluations environnementales et climatiques dans la gestion des finances publiques (Gfp) est essentielle pour une allocation efficace des ressources et un accès au financement climatique. Les pays doivent renforcer leurs capacités de Gfp pour s’aligner sur les exigences du fonds climatique, garantissant ainsi la transparence et l’efficacité du développement durable.
Le changement climatique constituant une menace importante dans notre époque contemporaine, une action d’envergure immédiate est donc nécessaire pour limiter la hausse de la température mondiale. Les Institutions supérieures de contrôle peuvent apporter une contribution significative en effectuant des audits environnementaux, en promouvant des pratiques durables et en garantissant la responsabilité des politiques environnementales, favorisant ainsi la justice climatique et la résilience.
Dans votre diagnostic, vous avez démontré que malgré un cadre de gouvernance climatique multisectoriel bien en place, le Sénégal ne dispose pas encore de loi climatique globale. Est-ce à dire qu’une telle loi est indispensable pour bien mettre en œuvre les politiques environnementales ?
La mise en place d’une loi climatique est nécessaire car l’actuel Code de l’environnement ne traite pas explicitement des émissions de gaz à effet de serre ou des mesures d’atténuation et encore moins des questions liées aux changements climatiques dans leur ensemble. En l’absence de cette loi, les questions sur les changements climatiques ne seront pas règlementées et ne constitueront pas une priorité pour nos Etats. En outre, le décret sur la création du comité national sur les changements climatiques présente des limites car la seule création d’un comité ne garantit pas forcément l’efficacité des actions de lutte accélérée dans ce domaine.
Sur un autre plan, nos travaux ont permis de relever que la réglementation n’a pas prévu concrètement la prise en compte des préoccupations liées au changement climatique dans le budget.
Pour verdir les finances publiques, le Sénégal est tenu de mettre en place des dispositions législatives, règlementaires des instructions et circulaires obligeant les pouvoirs publics à veiller dans leur planification budgétaire à l’allocation de ressources suffisantes au regard des défis climatiques.
Interview réalisée par Aliou Ngamby NDIAYE