L’annonce d’un nouveau rebasing (nouveau calcul du Pib) a suscité une nouvelle passe d’armes entre pouvoir et opposition. Mais, qu’est-ce que le rebasing ? Quel impact sur les indicateurs macroéconomiques et la perception des investisseurs ? « Le Soleil » a recueilli l’avis des spécialistes.
Réagissant à la nouvelle dégradation de la notation souveraine du Sénégal par Standard & Poor’s, le ministère des Finances et du Budget avait annoncé, dans un communiqué diffusé le 14 juillet 2025, la publication, « dans les mois à venir », des résultats du rebasing (nouveau calcul) du Pib du pays. Par la voix de l’ancien ministre Pape Malick Ndour, l’opposition accuse le gouvernement de vouloir « améliorer artificiellement » le ratio dette/Pib à travers cet exercice.
« Essayer de faire passer l’idée selon laquelle les autorités actuelles cherchent à changer les bases de calcul du Pib pour soigner un déficit budgétaire relève de la suprême manipulation qui n’honore pas leurs auteurs », a réagi Abdou Karim Sock, directeur du Contrôle budgétaire au ministère des Finances et du Budget, rappelant que le processus a été entamé sous le régime Macky Sall, en avril 2023. « L’un des chantiers majeurs est le rebasing (le nouveau calcul) des comptes nationaux du Sénégal, avec comme année de référence 2023 au lieu de 2014, qui est jusqu’ici l’année de référence », expliquait l’ancien ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération Oulimata Sarr.
L’objectif, avait-elle précisé, est d’intégrer les revenus liés aux hydrocarbures et à d’autres secteurs. Cet exercice permettra, selon le gouvernement, de donner une image plus précise de la taille de l’économie sénégalaise en adoptant un périmètre aligné sur son niveau de développement économique. Selon l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (Ansd), le rebasing vise une information économique plus précise en 2025.
Le projet de changement d’année de base des comptes nationaux du Sénégal (Rebasing) vise à fournir aux utilisateurs des informations économiques de qualité reflétant au mieux les structures actuelles de l’économie sénégalaise et le niveau des agrégats macroéconomiques. « Une décision technique » Ainsi, le rebasing permet de prendre en compte les activités de transport et de livraison ainsi que l’utilisation des services financiers qui se sont beaucoup développés, mais aussi celles des services de télécommunications qui se sont diversifiées.
Ce travail va intégrer une enquête sur le secteur informel, l’orpaillage, l’extraction de sable et de sel, les marges de commerce et de transport, sans oublier une mise à jour du répertoire des entreprises formelles et une enquête sur les flux commerciaux transfrontaliers non enregistrés. Le rebasing permet également de prendre en compte les sources d’information récentes, telles que l’Enquête harmonisée (au sein de l’Uemoa) sur les Conditions de Vie des Ménages (Ehcvm), ainsi que d’autres paramètres techniques utilisés pour l’agriculture (taux de perte, taux de stockage, etc.), et l’élevage (taux de croissance, taux d’abattage, etc.). Bref, il s’agit d’avoir une évaluation plus exhaustive du Pib et d’indicateurs macroéconomiques plus précis.
De ce fait, le gouvernement pourra élaborer des politiques économiques plus éclairées et effectives, favorisant une allocation optimale des ressources et une croissance inclusive. Pour l’économiste Chérif Salif Sy, le nouveau calcul du Pib n’est pas une simple mise à jour statistique ni une opération magique qui fait « grossir » l’économie du jour au lendemain. Il s’agit, d’après lui, d’une démarche rigoureuse, étalée sur plusieurs années et visant à améliorer la qualité, la pertinence et la fiabilité des indicateurs économiques.
« Le rebasing n’est ni une manipulation ni une décision gouvernementale, mais une nécessité technique pour refléter avec précision une réalité économique en constante évolution. Il est donc impératif que les journalistes et les analystes économiques comprennent mieux les enjeux de cette opération », a-t-il expliqué. À ses yeux, le rebasing permet de mieux mesurer la croissance réelle, d’intégrer des secteurs autrefois invisibles (comme l’économie informelle) et de garantir la cohérence des données avec les normes internationales.
Demba DIENG