Derrière une allure discrète et une modestie désarmante, Pape Momar Lô incarne une nouvelle génération de dirigeants engagés, compétents et profondément patriotes. À la tête du Réseau gazier du Sénégal depuis juillet 2024, cet ingénieur en génie électrique formé au Canada cumule près de vingt ans d’expérience dans la réalisation de projets d’infrastructures majeurs. Son objectif ? Réduire le coût de l’électricité pour tous les Sénégalais et accompagner la transformation énergétique du pays. Portrait d’un bâtisseur au service de la nation.
Il ne faut surtout pas se fier aux apparences, à cette frimousse juvénile. Pape Momar Lô ne fait pas son âge. Avec sa barbe bien taillée et ses binocles bien ajustés, on le croirait trentenaire, à l’image d’un certain nombre de directeurs généraux nommés à la tête de structures publiques depuis l’avènement de Bassirou Diomaye Faye au pouvoir. Lorsqu’on lui fait remarquer son apparence, il ne peut s’empêcher d’en rire — un sourire qui renforce d’autant plus notre première impression. Au-delà de son physique avantageux, le Directeur du Réseau gazier du Sénégal sait prendre soin de lui grâce au sport. Comme le dit l’adage : « Un esprit sain dans un corps sain, non »? Pape Momar Lô, c’est aussi une tête bien faite, comme le démontre son parcours professionnel.
Expert en gestion de projets et de mise en œuvre d’infrastructures complexes, il cumule près de vingt ans d’expérience dans le domaine. Depuis le 18 juillet 2024, un nouveau chapitre de son riche parcours s’est ouvert avec sa nomination à la tête du Réseau gazier du Sénégal (Rgs). Un grand challenge qui ne fait pas peur à cet ingénieur en génie électrique. Fait-il face à son plus grand défi ? Il ne saurait le dire. Cependant, il estime que le Rgs est « sans doute le projet le plus impactant » qu’il ait eu à conduire jusqu’ici. Et Dieu sait que des projets d’envergure, il en a connus au Canada comme au Sénégal, impliqué au premier plan dans des initiatives comme le Train express régional (Ter), l’autoroute à péage ou encore le Plan Takkal lorsqu’il travaillait à l’Apix. « Le Ter et l’autoroute sont utiles, mais n’impactent pas toute la population. Le Réseau gazier du Sénégal, en revanche, a pour ambition de réduire le coût de l’électricité pour tous. Et c’est cela qui me motive », explique-t-il.
De l’énergie à revendre
Lorsque les nouvelles autorités ont fait appel à lui, Pape Momar Lô, qui n’a jamais fait de politique dans sa vie, n’a pas hésité. Il occupait alors, depuis 2020, le poste de directeur général adjoint chargé des Programmes au Mca-Sénégal II. Les grands défis qu’il a su relever portent tous sur des projets similaires à celui du Réseau gazier du Sénégal, qui s’inscrit dans cette même logique de projet linéaire à forts enjeux stratégiques. Se définissant comme patriote, rigoureux, déterminé et très polyvalent, Pape Momar Lô cherche constamment à contribuer et à collaborer avec les meilleures équipes et structures. Selon lui, le Rgs représente parfaitement l’environnement dans lequel il souhaite évoluer et mettre ses compétences en pratique, avec détermination et engagement. Son cursus académique, son expertise, son expérience professionnelle, ses bonnes aptitudes en communication, son autonomie, son sens aigu des responsabilités et du leadership ont certainement plaidé en sa faveur pour occuper ce poste. « Ma seule passion est de contribuer activement à l’essor du projet et du Sénégal, sous la gouvernance de son ministre de tutelle, de la Primature et de Son Excellence le Président de la République », confie-t-il avec une sérénité à toute épreuve.
Tout au long de sa carrière, il a fait preuve d’une expertise et d’une capacité avérées dans la gestion et l’exécution de grands projets d’infrastructures complexes et stratégiques. Il a su naviguer avec succès à travers des enjeux environnementaux (normes Sfi), sociaux (libération d’emprises de plus de 30 000 Pap), juridiques, contractuels et financiers, impliquant des bailleurs de fonds et l’État.
Un homme de défis
Ce natif de Dakar s’est fait la main très tôt. Après avoir décroché le bac en 1999 aux Cours Sainte-Marie de Hann, il a pris la direction du Canada pour ses études universitaires. Au pays de l’érable, il a obtenu un bachelor en génie électrique à l’École Polytechnique de Montréal en 2003, avant de décrocher, en 2007, une maîtrise en ingénierie électrique (option Énergie) à l’Université McGill, une institution de la « Ivy League », où il se classa parmi les majors de sa promotion. Soucieux d’approfondir ses compétences, il a ensuite suivi des certifications en management de projet et leadership à Hec Paris (2011), ainsi qu’en modélisation financière chez Wall Street Prep à New York (2012).
Il débute sa carrière professionnelle en 2004 comme ingénieur de conception chez Aecom, multinationale de référence en génie-conseil au Canada. Il y développe une solide expertise en distribution électrique sur des projets majeurs tels que les centrales Péribonka et Outardes IV, ainsi qu’en interconnexion de contrôle-commande pour le métro de Montréal. Cette expérience renforce ses compétences en gestion de projets d’infrastructures complexes, ingénierie électrique et optimisation des systèmes énergétiques. En 2007, il poursuit son parcours chez Peter Kiewit & Sons et Bechtel, deux des plus grandes entreprises du secteur en Amérique du Nord. Il y occupe divers postes de chef de projet dans les secteurs des mines et de l’énergie, notamment : le projet Cloudworks à Vancouver comprenant la construction de six centrales hydroélectriques, de postes et de lignes de transmission ; le projet Diavik à Edmonton impliquant la construction d’une digue terrestre et d’un pipeline pour la mine de diamants de Rio Tinto ; le projet d’oléoduc de PetroCanada à Montréal. « On vivait littéralement au milieu de nulle part, dans les montagnes du nord du Canada. On y a vécu trois ans dans des campements. Cette expérience fut extraordinaire : c’est là que j’ai vraiment découvert ce qu’est la construction, les grands projets, l’ingénierie, la mise en œuvre sur le terrain. Pendant le Ramadan, il ne faisait jamais nuit : le soleil ne se couchait pas. Mes collègues me demandaient à quelle heure je rompais le jeûne. On m’avait dit de suivre les horaires de La Mecque », confie-t-il. S’il a tenu à raconter cette anecdote, c’est parce que la religion est très importante pour Pape Momar Lô. « Je viens d’une famille musulmane, j’ai été élevé dans cette foi, et je tiens à mes valeurs. C’est essentiel, surtout quand on vit loin de son pays d’origine », souligne-t-il.
Toujours est-il que ces expériences en Amérique du Nord lui ont permis de développer une expertise approfondie en gestion de projets complexes, ingénierie de la construction, supervision de chantiers et coordination multi-acteurs. « J’ai ressenti une immense fierté en réalisant tous ces projets à l’étranger, mais je me suis dit que ce serait encore plus fort si je pouvais le faire pour mon pays », confie-t-il. C’est ainsi qu’en 2011, lorsqu’il a été contacté par l’Apix, Pape Momar Lô n’a pas lambiné. Lui qui brûlait du désir de servir son pays, on venait de lui en donner l’occasion. Preuve de son engagement patriotique : il a payé lui-même son billet d’avion pour venir à Dakar. Il est nommé coordonnateur de la Cellule de Project Management et coordonnateur adjoint des Grands Travaux. À ce poste, il pilote plusieurs projets d’infrastructures stratégiques, notamment l’autoroute à péage Keur Massar–Diamniadio–Aibd, le projet Énergie du Plan Takkal de la Senelec, le lancement du projet de zone économique spéciale de Diass. Mais trois ans plus tard, Pape Momar Lô rejoint la Banque africaine de développement (Bad), à Abidjan, en tant que Project manager, chargé de la finalisation de la rénovation du siège. De retour au Sénégal fin 2014, il prend la direction du projet Diamniadio (Sphère ministérielle) chez Teyliom, puis est nommé, en 2015, directeur du projet du Train express régional (Ter) au sein d’Apix. Il pilote ce projet d’envergure pendant cinq ans, jusqu’à son inauguration en janvier 2019. Comme il l’avait fait avec le Ter, qu’il aurait commencé sur une feuille blanche en tant que directeur du projet, avec le résultat que l’on connaît, Pape Momar Lô compte réussir la même chose avec le Rgs: partir de rien pour mailler le Sénégal en gazoducs.
Par Elhadji Ibrahima THIAM