Professeur d’économie à New York University Stern, spécialiste de la macroéconomie, des finances publiques et du développement, Abdoulaye Ndiaye, chercheur de surcroît, est crédité d’une trajectoire académique inspirante pour notre jeunesse.
De grande taille, le teint foncé, notre compatriote Abdoulaye Ndiaye a le physique d’un gentleman au sens populaire du terme. Il est un professeur d’économie, spécialisé en macroéconomie, en finances publiques et en développement. Avant de rejoindre New York University Stern (Nyu Stern) en juillet 2019, le professeur Ndiaye était économiste de recherche à la Federal Reserve Bank de Chicago (Réserve fédérale de Chicago). Les recherches du professeur Ndiaye portent sur la macroéconomie et les finances publiques. Il est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université Northwestern, d’une licence et d’une maîtrise en économie et finance de l’École polytechnique de Paris. Il a été chercheur invité aux Nations unies, à l’Université Harvard et à l’Université de Princeton. À Nyu Stern, il enseigne la macroéconomie, les finances publiques et le développement. Au regard de son parcours, le Pr Abdoulaye Ndiaye est sans doute une véritable référence pour la jeunesse sénégalaise.
Né aux Parcelles assainies, il a vécu son enfance à Guédiawaye. Mais c’est au lycée Yavuz Selim qu’il fera ses humanités jusqu’à décrocher le bac S avec mention. Ce qui lui a valu une bourse de l’État du Sénégal pour aller étudier en France. Abdoulaye Ndiaye est ainsi admis à l’école préparatoire Louis Le Grand à Paris de 2008 à 2010. Il réussit ensuite à l’école Polytechnique de Paris et intègre la promotion 2010 de X. Après son stage à l’Onu, il passe une première année à l’université de Harvard pour réaliser son rapport de fin d’année de l’école polytechnique auprès du professeur Emmanuel Farré.
Après quoi, il enchaîne avec le doctorat en économie à North West University sise à Chicago. « J’ai réussi à obtenir ce diplôme en 2018. Puis, j’ai décroché de manière systématique, le poste de professeur à l’université de New York. Mais, j’ai ensuite travaillé à la Réserve fédérale de Chicago avant de débuter ma carrière d’enseignant en 2019 », confie-t-il.
Miser sur la productivité
Après le vote de la loi des finances, il trouve utile que l’on procède à une identification des freins à la productivité (réduction du temps d’acheminement des intrants, etc.). Ou bien, dans le domaine des services, réfléchir à comment faire pour améliorer la connexion internet, etc. Autrement dit, mesurer la productivité de façon très désagrégée.
« Il faut qu’on utilise nos ressources pour faire des analyses scientifiques à la hauteur de la productivité souhaitée. Essayer de savoir comment maximiser la production à partir des mêmes facteurs de production », conseille-t-il. Par rapport à l’objectif de productivité, le professeur d’économie suggère de miser surtout sur les avantages comparatifs et non pas prioritairement sur la capacité de production.
« Il ne s’agit pas de produire tout à la fois, mais de produire ce dans lequel nous sommes les meilleurs. Je salue le fait que le régime insiste beaucoup sur le capital humain qui est très important. Mais, je pense que c’est la productivité qui est l’objectif ultime à viser », insiste-t-il. En ayant une population éduquée, on peut faire comme l’Inde, en exportant dans le domaine des services comme les call centers et en développant l’intelligence artificielle, estime-t-il. « On est en train de régler les problèmes de gouvernance. Une fois que ces questions seront résolues, ce sera le moment de passer à la productivité individuelle et collective », avance-t-il.
« Vu sa jeune population, l’Afrique est le continent du futur, pour les Africains, à condition qu’ils soient productifs », ajoute-t-il. Le professeur Ndiaye estime que pour être compétitifs, il faut que nous passions du statut d’importateur à celui d’exportateur. D’après lui, cela est possible en rabaissant les prix par rapport au reste du monde pour permettre aux autres de venir acheter ici. En outre, il pense que c’est le moment, tout en gardant les projets sur les infrastructures, d’orienter les investissements vers le capital humain, et de créer un environnement favorable à l’éclosion du privé.
Changement ou maintien de la monnaie ?
Depuis quelques années, la question de la monnaie est en débat dans les pays de l’Uemoa. Sur le sujet, le Pr d’économie a une position assez tranchée. Selon lui, « la question est complexe et doit être abordée sous l’angle de la souveraineté et du réalisme économique ».
Il ne croit pas que l’on puisse asseoir tout le développement économique d’un pays uniquement sur sa monnaie. « Les politiques monétaires des banques centrales jouent surtout un rôle d’ajustement en période de crise, pour relancer l’économie ou moduler l’inflation. Elles ne constituent pas, à elles seules, un levier de développement à long terme. Néanmoins, le FCfa, issu de la période coloniale, est incontestablement lié à une histoire que nous avons tout intérêt à dépasser pour consolider notre indépendance », avance-t-il.
Autrement dit, d’un point de vue de sécurité nationale, cette monnaie demeure le symbole d’une relation qu’il est nécessaire de remettre en question, estime le Pr Ndiaye. Cependant, il pense que ce réexamen ne doit pas relever uniquement de la fierté ou de la symbolique.
« Il importe de préserver les atouts dont nous bénéficions actuellement. Par exemple, le régime de change fixe avec l’euro confère une certaine stabilité aux échanges, en particulier pour la plupart des grandes entreprises au Sénégal qui sont françaises ou européennes, car il limite les risques de fluctuation de change », dit-il. En revanche, il précise que ce même régime peut devenir un frein lorsque l’économie subit ses propres chocs, indépendants de ceux de la zone euro.
« Nous perdons alors la capacité d’ajuster le taux de change pour soutenir la compétitivité de nos exportations. Dans une optique de transition, nous devons tenir compte de ces réalités », souligne le Pr d’économie.
Il confie que lors de son passage à la Réserve fédérale de Chicago, il a pu constater qu’une politique monétaire active, lorsqu’elle est pleinement maîtrisée, peut constituer un outil puissant. Mais lorsque cette politique dépend d’une autre monnaie et que sa convertibilité repose en grande partie sur un garant extérieur, les marges de manœuvre s’en trouvent limitées.
En parallèle, il donne l’exemple du Ghana. Malgré la présence d’une banque centrale autonome et de nombreux économistes hautement qualifiés, le pays connaît encore des difficultés à stabiliser sa monnaie face aux chocs économiques. Ce qui démontre qu’avoir sa propre monnaie ne suffit pas à résoudre tous les problèmes.
« Une politique monétaire nationale doit être adossée à une économie solide et diversifiée pour être efficace. En définitive, la question de savoir s’il faut conserver un taux de change fixe avec l’euro – sans la dimension coloniale – reste ouverte et mérite un débat approfondi. J’invite par ailleurs à valoriser davantage nos chercheurs et nos économistes sénégalais », plaide-t-il.
Abdou DIOP