Les passerelles sont devenues des lieux de commerce où marchands et vendeurs ambulants tentent de gagner leur vie. Mais cette activité n’est pas sans danger pour ces débrouillards.
Les passerelles sont des passages réservés aux piétons. Pourtant, ils ne sont pas les seuls à les emprunter à toutes fins utiles. Les commerçants en ont fait leur espace de vente. Le pont qui mène au CICES n’échappe pas à la règle. En ce début d’après-midi, ce lieu de passage grouille de monde. Le soleil est au zénith. C’est un ballet incessant de va-et-vient. Les piétons vaquent tranquillement à leurs occupations. Certains passent rapidement, sans prêter attention à ces commerçants qui exposent leurs articles à même le sol. L’endroit n’a rien à envier à un marché. Vendeurs de fripes, de chaussures ou encore de casques pour téléphone portable : on y trouve un peu de tout. Cette occupation anarchique de l’espace public ne semble nullement ébranler ces âmes besogneuses.
« Je ne pense pas que vous trouverez quelqu’un prêt à se prononcer sur ses activités », lance un vendeur de chaussures après quelques minutes de réflexion, avant de se replonger dans sa discussion. Debout aux côtés de ses collègues, ils papotent gaiement. Mais lorsqu’il s’agit de parler de leur travail, c’est silence radio. Aucun des trois n’est disposé à s’exprimer. La peur d’une médiatisation qui pourrait se retourner contre eux est bien présente. « Nous savons que nous occupons cet espace de manière anarchique. C’est pourquoi nous craignons d’en payer le prix fort en parlant », rétorque l’un d’eux.
Les commerçants du pont de Patte d’Oie ne sont pas plus loquaces. Malgré l’effervescence et l’animation des lieux, ils ne se montrent guère coopératifs. « Je ne peux pas parler de ce sujet », telle est la sempiternelle réponse à laquelle nous avons eu droit tout au long de la passerelle. Le visage fermé, les commerçants de ce passage piéton se montrent avares en paroles. « Ils ont peur des représailles », glisse enfin un vendeur de chaussures, décidé à briser le silence. Le visage perlé de sueur, il réorganise sa marchandise.
Rentable mais risqué
Matar Diouf exerce ce commerce depuis un an. Âgé de 20 ans, il est un habitué des ponts où il expose régulièrement ses articles. « Je ne reste jamais au même endroit », explique-t-il en poursuivant sa besogne — une stratégie pour multiplier ses recettes. Il affirme que les affaires marchent plutôt bien. Cependant, il déplore les interventions des forces de l’ordre. « Nous vivons dans la peur que les gendarmes saisissent nos marchandises. Cela nous oblige à payer 6 000 FCFA pour pouvoir les récupérer », avoue-t-il, peiné. Le jeune homme ambitionne d’avoir une échoppe afin de quitter ce lieu et ses tracas.
Écouteurs aux oreilles, assis sur une des marches du pont, Pape Malick Dramé est à l’affût de clients. Cette chaleur étouffante ne semble guère le déranger. Voilà trois ans qu’il vend au même endroit. Âgé de 25 ans, il propose des parfums, des pommades, des baumes à lèvres et autres produits cosmétiques. Il juge ce commerce rentable, mais fustige les pratiques des gendarmes. Il explique qu’ils sont régulièrement victimes de leurs descentes. « Cela impacte fortement nos activités. Ce n’est vraiment pas encourageant », déplore-t-il avec amertume. Il confie qu’il est difficile de rebondir après ces interventions, qui jettent un froid sur les affaires. Cependant, Pape Malick Dramé reconnaît que les passerelles ne sont pas des lieux de commerce. « Nous n’avons pas d’autre possibilité », admet-il. Ce dernier ambitionne d’ouvrir un magasin pour exercer son activité en toute quiétude.
Arame NDIAYE