Alors que la culture maraîchère s’essouffle dans la zone des Niayes — notamment à Darou Khoudoss, Mboro et Notto Gouye Diama, dans le département de Tivaouane —, le Cayor des profondeurs apparaît comme un nouveau pôle de croissance. D’après le chef du Centre de promotion du développement territorial de Mérina Dakhar, cette zone, forte de ses neuf communes, dispose d’un potentiel remarquable pour devenir le futur grenier maraîcher du Sénégal.
Caractérisée jusqu’ici par une agriculture basée sur l’hivernage, avec seulement trois mois d’activités dans les champs d’arachide, de mil, de maïs et de niébé, la zone du Cayor s’ouvre de plus en plus à la production maraîchère. Face à un rendement devenant de plus en plus faible pendant la saison des pluies, avec comme conséquence l’appauvrissement de la zone, l’arrondissement de Mérina Dakhar et ses trois communes s’orientent vers la culture maraîchère grâce aux projets et programmes mis en place par l’État du Sénégal, avec le financement des partenaires, dans le cadre de la réduction de la pauvreté. En effet, cette zone du Cayor fait partie des localités les moins nanties du Sénégal. Aujourd’hui, grâce à ses potentialités naturelles, à savoir l’accessibilité à l’eau, la disponibilité de la main-d’œuvre et les sols arables, l’ambition des autorités administratives, territoriales et des populations est de faire de Mérina Dakhar le grenier de la production maraîchère et de l’arboriculture au Sénégal.
Mérina Dakhar, futur grenier du Sénégal en légumes
C’est dans ce cadre que plusieurs projets agricoles sont en train de dérouler d’importantes initiatives. Selon le chef du Centre de la Promotion du Développement Territorial de l’arrondissement de Mérina Dakhar, Lamine Diouf, l’eau n’est pas salée dans la zone et elle est accessible. Les sols sont favorables à l’agriculture, surtout avec l’utilisation du compostage pour augmenter leur fertilité. Par ailleurs, la main-d’œuvre y est disponible avec les jeunes et les femmes du terroir, souvent tentés par l’exode. Selon M. Diouf, avec ce potentiel, la zone a toutes les capacités de devenir un hub dans le domaine du maraîchage et ainsi devenir le grenier de la production maraîchère et de l’arboriculture du Sénégal, au moment où l’eau se raréfie et les sols se dégradent de plus en plus dans les Niayes. Pour lui, l’avenir du maraîchage se trouve dans le Cayor, avec la multiplication des projets et programmes agricoles dans la zone. D’ailleurs, grâce à l’intervention de plusieurs projets, dont le Programme d’Appui au Programme National d’Investissement Agricole au Sénégal (PAPSEN), initié par le ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage, financé par la coopération italienne, le maraîchage est en train de gagner du terrain avec la mise en place de plusieurs fermes agricoles.
19 fermes installées
Lancé en 2012, le PAPSEN a pour objectif d’éradiquer l’extrême pauvreté et la faim, surtout dans les zones rurales et particulièrement chez les femmes. La stratégie consiste à augmenter les productions agricoles et, par ricochet, à améliorer les revenus des populations rurales, selon le coordinateur régional du PAPSEN Centre, Kalidou Kane. Ce qui participe au renforcement de la sécurité alimentaire et au développement économique. À en croire M. Kane, le programme est en train de réaliser, depuis le début de l’année 2025, 400 hectares de fermes horticoles et arboricoles irriguées, avec de nouveaux systèmes de goutte-à-goutte, dans les régions de Thiès, Fatick et Diourbel. Il s’agit de répartir les 400 hectares en 70 fermes de 5 à 10 hectares. Selon le coordonnateur du PAPSEN Centre, 195 hectares sont en train d’être aménagés dans le département de Tivaouane, dont 173 dans l’arrondissement de Mérina Dakhar, répartis en 29 fermes. Pour le moment, 19 fermes sont fonctionnelles. Selon Kalidou Kane, 7 sur les 12 fermes prévues dans la commune de Koul sont fonctionnelles. Dans la commune de Mérina Dakhar, ce sont 9 fermes qui sont fonctionnelles, alors que Pékesse en compte 3 en activité, a précisé le coordonnateur du PAPSEN Centre. Sur les 19 fermes, 8 disposent de poulaillers.
Vers la souveraineté alimentaire en légumes
C’est sous un soleil de plomb, aux environs de 13 heures, que nous avons trouvé une quinzaine de femmes, membres du GIE Sine Macoumba, en train de récolter du gombo et du niébé. Pendant ce temps, un autre groupe de femmes s’occupait de l’aménagement du poulailler qui doit accueillir incessamment 400 poussins offerts par le PAPSEN. Trop beau pour être vrai, semble dire la vice-présidente du GIE, Sokhna Lèye. En effet, ces femmes sont dopées par les investissements du PAPSEN à travers la clôture d’une ferme de 9 hectares, l’installation d’un forage et d’un système de goutte-à-goutte moderne, la mise à disposition de semences et d’intrants gratuits, ainsi que des formations en techniques culturales, plus une subvention de 500 litres de carburant pour faire tourner le forage. Des forages qui vont bientôt être transformés en solaires afin de réduire les charges, a expliqué M. Kane.
« Depuis l’installation de la ferme, l’exode des femmes s’est considérablement réduit. Toutes les femmes du village se sont retrouvées autour de la ferme dans le cadre du GIE, qui compte plus de 115 femmes et 70 hommes », a renseigné la vice-présidente du GIE. En plus, explique Sokhna Lèye, pour la première année de production, d’importantes récoltes sont notées dans presque toutes les spéculations maraîchères. À l’en croire, elles sont restées plusieurs mois sans importer de légumes de la zone des Niayes et ce, malgré quelques difficultés dans la production à Mérina Dakhar, liées à l’absence de matériels agricoles motorisés, ce qui augmenterait les rendements. D’ailleurs, elles ont lancé un appel aux autorités de l’État pour disposer de tracteurs pour les prochaines campagnes. Les revenus tirés de cette première expérience ont permis de payer les fournitures scolaires et de participer à la réduction des charges familiales, nous a confié Sokhna Lèye.
Pour les membres du GIE, cette première année est considérée comme une phase test, puisqu’elles n’ont pu exploiter que quelques parcelles où elles ont cultivé du gombo, de la tomate, un peu de pastèque, du poivron, de l’oignon, de la carotte, entre autres légumes. Pour Abdou Ndam Lèye, membre du GIE, la vie est en train de changer dans les maisons et à travers le village à cause du PAPSEN. L’arboriculture n’est pas en reste : les membres du GIE ont planté des pieds de manguiers, de citronniers et reboisé tout autour de la ferme avec des brise-vents. Des magasins de stockage et des logements de gardiens sont également réalisés dans les fermes.
C’est le décor que nous avons trouvé au niveau de la ferme de Nder Nar et du GIE Cheikh Sidy Khouya, où 10 hectares sont aménagés, plus un poulailler. Selon Assane Kounta, vice-président du GIE, le soutien du PAPSEN est un véritable ouf de soulagement, puisque le projet ne demande qu’une délibération délivrée par le maire au nom du GIE légalement constitué, et il accompagne dans tous les domaines.
Pour Kalidou Kane, la zone se dirige vers la souveraineté alimentaire en légumes, puisque 20 tonnes de gombo, 2 tonnes de tomates et des quantités importantes de pastèque, d’oignon, d’aubergine, de poivron et de navet sont récoltées durant cette année test. À côté du PAPSEN, d’autres programmes, dont le Projet d’Appui Régional à l’Initiative pour l’Irrigation au Sahel (PARIIS), ont réalisé des fermes agricoles dans la zone, a tenu à rappeler Lamine Diouf, chef du Centre de la Promotion du Développement Territorial. Ce qui augure des lendemains meilleurs pour la production maraîchère dans le Cayor, qui se prépare à prendre le relais de la zone des Niayes.
Le processus de mise en place des coopératives agricoles communautaires est lancé dans la zone, et chaque commune va disposer de sa coopérative communautaire. Cela va davantage accompagner les fermes dans la commercialisation, entre autres activités, a informé Kalidou Kane.
Cependant, l’arrondissement de Mérina Dakhar est confronté à un problème d’accessibilité à cause de la dégradation avancée de l’axe Mékhé-Thilmakha, qui est en train d’asphyxier l’économie et la santé des populations du Cayor des profondeurs. Ainsi, face à ce dilemme, populations, autorités territoriales et administratives, à travers le sous-préfet de Mérina Dakhar, Mouhamadou Wade, ont sollicité des autorités de l’État central la réhabilitation de cette route, qui est le cordon ombilical entre le Cayor et le reste du Sénégal.
Ibrahima NDIAYE (Correspondant)