À 32 ans à peine, Siny Samba s’impose comme l’un des visages les plus prometteurs de l’entrepreneuriat africain. Ingénieure agroalimentaire, co-fondatrice et directrice générale du « Le Lionceau », une entreprise spécialisée dans la nutrition infantile, elle incarne cette génération de femmes qui militent pour la valorisation des richesses locales. Finaliste du prestigieux concours Africa’s Business Heroes, la jeune entrepreneur trace sa voie dans le marché du baby-food pour lutter contre la malnutrition infantile.
Lorsqu’elle foule la scène de la demi-finale des Africa’s Business Heroes, le concours phare initié par la Fondation Jack Ma, jeudi dernier, 11 septembre 2025, Siny Samba impressionne par son assurance. Dans cet aréopage du Top 20 des meilleurs entrepreneurs du continent, Siny Samba se démarque par sa présence magnétique et son projet qui allie engagement scientifique et mission sociale. Ingénieur agroalimentaire, elle porte une conviction simple mais puissante : les richesses agricoles locales peuvent être la clé pour lutter contre la malnutrition des enfants au Sénégal et en Afrique.
Ainsi, refusant la fatalité, elle a su, en quelques années, bâtir une entreprise à impact dans le secteur de la nutrition infantile dont le nom « Le Lionceau » résonne comme une promesse d’avenir. Née et élevée à Dakar, Siny se passionne très tôt pour la cuisine.
« J’ai toujours été intéressé par les petits plats, la cuisine. Je voulais comprendre comment on prépare des pots de confiture, comment on développe des conserves. C’est pour cela qu’après mon baccalauréat, je me suis tourné vers l’agroalimentaire. Je suis parti en France, où je me suis formé dans ce domaine, en travaillant pour un leader dans le secteur du baby-food. », confie-t-elle. C’est à partir de là qu’un constat s’impose à Siny : « Je me suis rendu compte à l’époque qu’au Sénégal, 100 % de l’offre de nutrition infantile est importée. Je me suis dit pourquoi ne pas valoriser les produits locaux, les transformer ici et proposer aux enfants des produits adaptés à leurs besoins nutritionnels », relate-t-elle.
Visionnaire
Ainsi, l’aventure du « Lionceau » débute en 2019. De retour à Dakar, elle transforme cette idée en projet concret. Les débuts sont modestes : une cuisine familiale, un club d’une dizaine de mamans pour tester les premières recettes. « On a commencé vraiment tout petit dans la cuisine familiale avec un club d’une dizaine de mamans. Au début, on a commencé avec une recette la banane-mil, on a voulu se rapprocher du bouilli que les mamans ont l’habitude de donner aux enfants », se rappelle-t-elle. De fait, sa vision, c’est de nourrir les enfants au Sénégal avec les produits locaux qui sont riches au plan nutritionnel tout en créant un pont entre les producteurs et les bébés, afin que chacun y trouve son compte dans un écosystème vertueux.
« Pour moi, c’était une évidence. Nous avons dans nos champs des matières premières assez riches comme le niébé, le tamarin, le “Solom”, le baobab, le mil pour améliorer la nutrition infantile. Je me suis dit pourquoi ne pas transformer tous ces produits-là et faire des liens entre les producteurs et les bébés de façon circulaire et durable », explique-t-elle. Mais très vite, la jeune ingénieure comprend que son initiative ne peut se limiter à une simple production alimentaire. C’est ainsi qu’elle met en place un système d’accompagnement nutritionnel, destiné à sensibiliser les parents à la diversification alimentaire durant les 1.000 premiers jours de l’enfant.
« Et pour être plus proche de nos consommateurs, les conseiller, les accompagner sur la diversification alimentaire, nous avons mis en place un système d’éducation nutritionnelle de sensibilisation pour accompagner les parents vraiment dans toute cette phase de diversification alimentaire, notamment durant les 1.000 premiers jours », renchérit-elle.
Pour elle, « Le Lionceau » ne se contente pas de produire, l’entreprise mène également des recherches approfondies pour évaluer les propriétés nutritives de chaque ingrédient et formuler des produits équilibrés. Une démarche scientifique rigoureuse qui distingue « Le Lionceau » dans un marché local encore largement dominé par les importations.
Une entreprise à impact
Partant, en cinq ans à peine, les résultats parlent d’eux-mêmes. « Le Lionceau » emploie aujourd’hui une quarantaine de collaborateurs et collabore avec plus de 3.000 producteurs organisés en coopératives. « On est en activité depuis 2019 et aujourd’hui, j’ai une équipe de 40 personnes. On a nourri plus de 150.000 bébés sur le terroir sénégalais », s’enorgueillit Siny Samba. À seulement 32 ans, la co-fondatrice et directrice générale de « Le Lionceau » incarne l’un des visages les plus prometteurs de l’entrepreneuriat africain. Siny Samba innove, crée de la valeur et surtout participe à la redéfinition des priorités de nos économies. En effet, le modèle vertueux de « Lionceau » combine à la fois impact social, économique et nutritionnel. D’un côté, il garantit un revenu stable aux petits producteurs locaux.
De l’autre, il offre aux familles sénégalaises une alimentation saine et abordable pour leurs enfants. Ainsi, lorsque le jury dévoile la liste du Top 10 des Africa’s heroes business 2025, Siny Samba y figure en bonne place, dévoilant la réussite de son projet innovant. « Je suis très contente de représenter le Sénégal parmi les dix finalistes de ce concours continental. C’est vraiment une grande fierté de porter les drapeaux du Sénégal sur le plan continental. Je vais faire tout mon possible pour faire briller les couleurs du Sénégal au Rwanda », confie-t-elle avec un sourire lumineux. Partant, Aïssatou Diallo, sa collaboratrice, se félicite de l’engagement de Siny qui est la première, à travers « Le Lionceau », à s’être véritablement intéressée à l’alimentation infantile.
« Dans un pays où beaucoup d’enfants souffrent de malnutrition, Siny Samba s’est dit : pourquoi ne pas créer quelque chose pour nos enfants ? Elle a eu cette vision de valoriser nos produits locaux, et aujourd’hui, c’est une vraie fierté », s’est-elle réjouie. Mais derrière le succès se cache aussi un parcours marqué par la persévérance et la collaboration. Car, selon Siny, « Les choses ne sont pas faciles ». Elle insiste ainsi sur l’importance du collectif pour relever ses défis. « Sans mon équipe, rien de tout cela n’aurait été possible », reconnaît-elle. Elle partage, en effet, l’aventure avec un co-fondateur, un camarade de promotion, tout aussi convaincu de la nécessité de valoriser les produits locaux.
Promesse d’avenir
Aujourd’hui, « Le Lionceau » ne compte pas s’arrêter là. L’entreprise rêve d’élargir son champ d’action à d’autres pays africains car, pour Siny Samba, il ne s’agit pas seulement d’entrepreneuriat, mais d’une mission de vie consistant à transformer les systèmes alimentaires africains en faveur des plus vulnérables. « On a une ambition vraiment panafricaine dans l’alimentation infantile. On a démarré avec le Sénégal. À partir de l’année prochaine, on va exporter dans les autres pays de la sous-région. Et là, on va créer différents hubs de transformation sur différentes zones du continent. On cible notamment le Nigéria », a-t-elle laissé entendre. Selon elle, l’objectif est de construire un avenir où les richesses locales ne seront plus marginalisées au profit des importations, mais constitueront le socle d’une alimentation durable, saine et accessible à tous.
Souleymane WANE