À l’occasion des Journées de l’entreprise co-organisées avec le secteur privé, la direction générale des douanes a présenté, en avant-première, une refonte ambitieuse de son code. Articulée autour de six axes stratégiques, cette réforme vise à simplifier, moderniser et humaniser les relations entre l’administration et les opérateurs économiques, plaçant la facilitation des échanges au cœur de son action.
Le partenariat entre la Douane et le secteur privé, pierre angulaire d’une économie dynamique, a franchi, hier, une étape décisive. Dans le cadre des Journées de l’entreprise, dont le thème était « Le rôle de la Douane dans la performance des entreprises », l’administration douanière a levé le voile sur un projet de Code général des douanes profondément rénové. Cette refonte, menée en concertation avec les acteurs économiques, incarne une volonté politique forte de transformer la Douane en un levier de compétitivité et de croissance.
En effet, dans un contexte économique international marqué par la volatilité et la nécessité d’une intégration commerciale agile, la modernisation de l’outil douanier apparaît non pas comme une option, mais comme une condition sine qua non de l’émergence. Cette réforme s’inscrit dans la droite ligne des orientations stratégiques de l’État, visant à améliorer durablement le climat des affaires et à attirer les investissements productifs. Elle traduit ainsi une évolution philosophique majeure : passer d’une logique de contrôle répressif à une logique d’accompagnement et de facilitation, sans pour autant renoncer aux missions régaliennes de protection du territoire économique et de mobilisation des recettes.
En premier lieu, cette réforme répond à un impératif de clarté et d’accessibilité. Ainsi, le nouveau Code, structuré autour de 500 alinéas contre 400 auparavant, a été entièrement repris sur une base pédagogique. « Nous avons pris la décision de donner un numéro à chaque article du code afin d’en simplifier l’accès », a expliqué un haut responsable. Chaque alinéa est désormais numéroté, et les articles, autrefois jugés « extrêmement volumineux » et s’étendant sur plusieurs pages, ont été réécrits pour une lecture plus aérée et une compréhension immédiate.
Innovations de fond : sécurité juridique et climat de confiance
Fait marquant, aucun article n’a été supprimé ; l’effort a porté sur leur réorganisation, leur scission ou leur clarification, avec 217 nouveaux articles, 119 maintenus intacts et 104 déplacés. Cette restructuration méthodique vise à éliminer les redondances, les contradictions internes et les ambiguïtés sémantiques qui étaient source d’insécurité juridique pour les opérateurs et de complexité procédurale pour les agents.
Cette démarche de codification rationnelle est un préalable essentiel à toute politique de transparence et de confiance mutuelle. Elle s’accompagne d’un important travail de mise en forme et de diffusion, avec la production de tableaux comparatifs et de diagrammes explicatifs, permettant à chaque partie prenante de mesurer l’étendue et la nature des changements. Par ailleurs, le fond du texte introduit des innovations majeures, articulées en six axes. Le premier axe consolide le cadre juridique en l’alignant sur les normes internationales et en instaurant des mécanismes novateurs.
Parmi ceux-ci, la «clause transitoire automatique» garantira une sécurité juridique aux opérateurs lors de tout changement réglementaire. Concrètement, dès qu’une nouvelle mesure affectant les échanges est prise par l’administration, une période de transition s’applique automatiquement, permettant aux entreprises de s’adapter en douceur. Surtout, le mécanisme de « dénonciation volontaire », inspiré du droit communautaire et « tropicalisé » pour le contexte sénégalais, constitue une révolution.
Il permet à une entreprise qui constate et signale spontanément un manquement de régulariser sa situation sans encourir d’amende, favorisant ainsi un climat de confiance et réduisant le contentieux. Ce dispositif est renforcé par une obligation légale nouvelle faite à l’administration de publier l’ensemble des renseignements sur la réglementation douanière, assurant ainsi une transparence totale et une meilleure compréhension des textes par les partenaires économiques. Simplification des procédures et humanisation des sanctions Le deuxième axe simplifie radicalement les règles de procédure.
La classification des infractions est rationalisée, limitant les qualifications par assimilation, souvent sources de complexité. De même, les délais de prescription pour le recouvrement des droits et la répression des infractions sont unifiés et clarifiés pour éviter toute divergence d’interprétation. Signe d’une volonté d’humanisation, les peines privatives de liberté et les amendes sont « globalement réduites de moitié ».
Le seuil déclenchant un mandat de dépôt obligatoire est relevé de 10 à 30 millions de Fcfa, et le seuil de qualification des infractions passe de 5 à 10 millions de Fcfa. Cet assouplissement du régime répressif s’accompagne d’un meilleur encadrement des mesures privatives de liberté, comme l’arrêt du douanier, pour les rendre plus compatibles avec les libertés individuelles. En parallèle, le code renforce les voies de recours internes avec la création d’un comité consultatif pour examiner les recours hiérarchiques, et simplifie l’organisation du Comité de règlement des litiges douaniers, visant à le rendre pleinement fonctionnel et à offrir un double niveau d’arbitrage avant le passage devant les tribunaux.
Modernisation, facilitation et nouveaux régimes attractifs
En outre, la modernisation des procédures (axe 3) et l’amélioration de l’environnement des affaires (axe 4) sont au cœur du projet. Le contrôle après dédouanement, auparavant très peu encadré, fait l’objet d’une procédure rigoureuse définissant les droits et obligations de l’opérateur ainsi que des délais stricts pour l’administration. La digitalisation est consacrée, de la surveillance à la gestion du contentieux, en passant par le paiement.
Un chapitre entier est désormais dédié à la facilitation des échanges, avec des mesures comme le statut d’opérateur économique agréé et l’introduction de nouveaux régimes attractifs : l’entrepôt international pour les produits non pétroliers ou le régime de transformation pour les projets stratégiques nationaux.
Feuille de route et perspectives
Ces nouveaux régimes sont présentés de manière pédagogique, avec pour chacun la définition, la durée, les conditions et les règles de taxation clairement identifiées. Ils visent à répondre aux besoins spécifiques de secteurs porteurs et à encourager les activités à forte valeur ajoutée sur le territoire national. L’objectif est de faire du Sénégal une plateforme logistique et industrielle de référence en Afrique de l’Ouest. Enfin, les axes 5 et 6 renforcent la lutte contre la criminalité transfrontalière et optimisent la mobilisation des recettes par des outils digitaux comme le «télépaiement».
À ce jour, ce projet de feuille de route est accompli à 89 %. Les prochaines étapes consisteront en une validation interne, une large consultation des partenaires, des administrations et du monde universitaire, avant la consolidation finale et la transmission aux autorités. Cette réforme, présentée comme une « véritable offre » au secteur privé, aspire à faire de la Douane sénégalaise un partenaire agile et prévisible, pleinement engagé dans l’émergence économique du Sénégal.
Elle s’appuie sur une conviction partagée : une douane moderne et efficiente n’est pas un frein aux échanges, mais bien un accélérateur de développement économique et d’intégration régionale. La réussite de cette ambitieuse métamorphose dépendra de la qualité de son déploiement et de l’appropriation de ses nouveaux instruments par l’ensemble des parties prenantes, des agents aux usagers.
Pathé NIANG

