En lançant l’initiative « La Ceinture et la Route » en 2013, la Chine donne un nouveau souffle à ses échanges avec le reste du monde. Cette version moderne des routes de la soie, qui avaient fait la prospérité de la Chine dans un lointain passé, est en train de redessiner le commerce mondial à travers la réalisation d’infrastructures.
BEIJING – À travers l’initiative « La Ceinture et la Route », la République populaire de Chine, pour mieux se connecter aux autres pays, est en train de mailler une bonne partie du monde afin de faciliter le commerce et les échanges. Ce programme d’investissements massifs pour la réalisation d’infrastructures, dénommé aussi « Nouvelles routes de la soie », a été revisité par un diplomate chinois sous le sceau de l’anonymat, au cours d’une séance avec une délégation de journalistes et responsables des médias sénégalais, dimanche dernier.
Lancée en septembre 2013 au Kazakhstan, « La Ceinture et la Route » a permis de porter à 21.000 milliards de dollars le volume total des échanges entre l’Empire du Milieu et ses partenaires, sur une période allant de 2013 à 2023, révèle le diplomate chinois à la retraite. Les investissements directs étrangers du pays ont été portés à plus de 270 milliards de dollars, ajoute-t-il.
Appelée aussi « Les Nouvelles routes de la soie », l’initiative, qui a beaucoup profité à l’Afrique (lire encadré), puise ses racines dans des traces historiques très lointaines. Selon notre interlocuteur, elle trouve son inspiration dans les anciennes routes de la soie et les réseaux commerciaux qui reliaient la Chine à l’Europe. Cela remonte à la dynastie des Qin (221-206 avant Jésus-Christ). Ces axes d’échanges terrestres et maritimes avaient leurs ramifications qui partaient du Sud-Est de la Chine pour se terminer en Méditerranée et en Afrique. Ils permettaient aux Chinois de vendre de la soie, du thé, de la porcelaine, mais aussi d’acheter en retour du café, des épices, des semences. Cette ère florissante, sous le règne de la dynastie Han (206 avant Jésus-Christ), a permis au pays de peser 26 % du Pib mondial, faisant mieux que l’Europe, ajoute notre interlocuteur. La Chine connaît alors un essor économique, et sous cet âge d’or (dynasties Tang et Song, soit de 618 à 1279), elle devient la première puissance économique mondiale, poursuit-il. Mais grâce à la Révolution industrielle, l’Occident comble son retard sur la Chine et finit même par la dépasser.
Second souffle
En ressuscitant ce narratif d’un passé glorieux, Xi Jinping redonne un second souffle au commerce chinois grâce à d’importants moyens financiers dégagés pour la réalisation ou la rénovation d’infrastructures (routes, ports, aéroports, chemins de fer) en Afrique, en Europe et en Amérique du Sud. C’était une réponse à l’impact de la crise financière de 2008 et une façon de « promouvoir la paix et le développement », explique le diplomate à la retraite. Un réseau de corridors terrestres et maritimes relie la Chine au reste de l’Asie et à l’Europe. Plus de 150 pays et 32 organisations internationales ont signé plus de 200 accords de coopération avec les autorités de Beijing. La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, créée en 2015 par les Chinois pour l’occasion avec un capital de 10 milliards de dollars, a financé plus de 200 projets approuvés pour des investissements de plus de 40 milliards de dollars. Dans le schéma des mécanismes de financement, la Banque chinoise d’import-export octroie des prêts préférentiels aux pays en développement. Cela a permis de réaliser les chemins de fer Djibouti-Addis-Abeba, Mombasa-Nairobi au Kenya, ainsi qu’en Angola et le Lagos-Ibadan au Nigeria. Au Sénégal, sortent de terre le port de Foundiougne et l’autoroute Ila Touba. En Europe, les chemins de fer Hongrie-Serbie et Macédoin-Grèce voient le jour, explique l’expert chinois. Cette politique est allée de pair avec la création de zones économiques spéciales et de bases industrielles (on peut citer le financement de la phase 2 de la Plateforme industrielle internationale de Diamniadio, achevée en décembre 2023).
En facilitant le commerce mondial, la République populaire booste considérablement le volume de ses échanges avec ses partenaires de « l’Initiative la Ceinture et la Route ». De 2024 à 2028, le volume du commerce chinois de marchandises devrait dépasser les 32.000 milliards de dollars, à en croire notre interlocuteur. Quant aux services, ils sont projetés à 5.000 milliards de dollars.
De nos envoyés spéciaux en Chine, Malick CISS et Oumar KANDE