Un métal qui coule ? Les métaux liquides consacrent une avancée technologique dans la robotique, l’électronique, les dispositifs médicaux et le refroidissement, grâce à leur capacité à changer de forme, leur excellente conductivité et leur malléabilité. Dans la province du Yunnan, la Chine développe des capacités qui la positionnent pour le futur, au prix d’une vision illustrée par le premier musée au monde dédié à ce matériau de nouvelle génération.
(XUANWEI) – Son feulement est caractéristique des nouveaux trains qui glissent plus qu’ils ne roulent sur les rails. Quittant les rives du lac Dianchi et les tours de Kunming, un train à grande vitesse, le fameux C 574, abrège, en moins de 90 minutes, la distance qui sépare la capitale du Yunnan de Xuanwei, à 300 km plus à l’est. C’est une ville, elle aussi entourée de montagnes boisées, et qui s’illustre dans la recherche-développement. Xuanwei est surtout la cité où s’élaborent les premières innovations avec du métal liquide aux applications les plus diverses. Ici se jouent sans doute les termes du nouvel avantage technologique de l’Empire du Milieu. Les bâtiments abritant le « Zhongxuan Liquid Metal Technology » sont installés dans la zone industrielle de Hongqiao, près de Xuanwei.
Le complexe muséal est spécialisé dans le métal liquide. Suivant les travaux d’un éminent chercheur, le Dr Liu Jing, 56 ans aujourd’hui, la Chine a développé toute une expertise dans ce domaine. Professeur à l’université de Tsinghua, il est lauréat de l’Institut de technologie physique et chimique de l’Académie chinoise des sciences. Comme souvent, c’est au cinéma que les inventions se « pensent ». Le métal liquide peut ainsi être illustré par le célèbre robot T-1000, héros du thriller de science-fiction Terminator.
Quand le cinéma inspire la réalité
Son directeur général ne boude pas son plaisir en présentant des prototypes devant une foule de journalistes qui se pressent dans le hall éclairé, où s’affichent sur des écrans les processus de fabrication et où sont exposées diverses applications, comme des capteurs sensoriels permettant d’ajuster les diagnostics médicaux ou des humanoïdes quasi autonomes. L’entreprise se concentre sur la recherche, le développement, la production et la commercialisation de matériaux métalliques liquides, de dispositifs fonctionnels et d’équipements. Un ingénieur explique que cette technologie repose sur un métal liquide à température ambiante, ou un alliage de métaux à faible point de fusion, ainsi qu’un revêtement spécial appliqué sur des surfaces pour leur donner un aspect métallique. « Les procédés impliquent la combinaison de métaux avec un liant pour créer une pâte pulvérisable, ou la manipulation d’alliages liquides à base de métaux comme le gallium. Ces métaux liquides sont utilisés pour leurs propriétés de conductivité thermique et électrique, ou pour leurs propriétés esthétiques dans le domaine de la décoration », rapporte l’interprète.
Depuis le lancement du projet « Métal liquide » au Yunnan, l’équipe a déposé plus de 600 demandes de brevet et commercialisé plus de 10 produits métalliques liquides, grâce à la valorisation de ses avancées scientifiques. Ces produits comprennent des tampons thermiques en métal liquide, de la pâte thermique, des stylos 3D, des orthèses orthopédiques, des écrans Led intelligents, des alliages à base de zinc, etc., comblant ainsi des lacunes sur le marché national. Les produits phares de l’entreprise sont utilisés dans des domaines tels que la gestion thermique 5G et les technologies de l’information électronique, et ont intégré les chaînes d’approvisionnement d’entreprises comme Lenovo, Sony, Bosch et Tsinghua Tongfang. En 2014, le projet a été introduit dans la province du Yunnan comme projet clé en sciences et technologies. Pourquoi un projet de haute technologie de ce calibre a-t-il choisi le comté de Xuanwei, dans le sud-ouest de la Chine, plutôt que de grandes villes comme Pékin, Shanghai, Guangzhou ou Shenzhen ? La réponse peut se résumer en trois mots : « timing, localisation et harmonie ».
Le royaume des métaux ferreux
Premièrement, la province du Yunnan est réputée comme le royaume des métaux non ferreux, avec des ressources minérales abondantes, offrant un emplacement avantageux pour le projet des métaux liquides à Xuanwei. Deuxièmement, le Dr Liu Jing est originaire de Xuanwei, et « son profond attachement à sa ville natale a stimulé le développement vigoureux du projet », selon le directeur de l’usine. Troisièmement, l’encouragement et le soutien des gouvernements des villes de Qujing et de Xuanwei ont établi une solide plateforme pour la croissance de l’industrie des métaux liquides. Enfin, la direction de l’entreprise suit le projet depuis 2007. Après la création de l’entreprise en 2013, « un leadership visionnaire a encore favorisé son développement ». La société Zhongxuan a en effet collaboré étroitement avec l’Institut de physique et de chimie de l’Académie chinoise des sciences pour construire le cluster industriel du « Liquid Metal Valley ». C’est ici que la Chine conduit son projet national sur le génome des métaux rares et précieux. En 2021, elle a créé un centre de données qui conserve toutes les informations de recherche, de test et d’expérimentation sur les métaux liquides accumulées au fil des ans. À ce jour, plus de 4 millions d’éléments d’information ont été collectés, ce qui permet de guider les travaux de recherche et de production en cours. Ce n’est point de la science-fiction…
Par notre envoyé spécial en Chine, Samboudian KAMARA