Dans le cadre des Journées pétrole (28-31 mai à Dubaï) Gaetan Mboza et Gacyen Mouely, associés au cabinet 3M-Partners & Conseils, se prononcent sur la volonté du gouvernement sénégalais de renégocier les contrats pétroliers.
Après l’alternance de mars 2024 qui a porté au pouvoir le duo Diomaye-Sonko, l’État du Sénégal a annoncé une renégociation des contrats pétroliers signés sous l’ancien régime. « L’État, compte tenu de sa souveraineté permanente sur ses ressources, peut, à tout moment, renégocier les contrats signés avec les compagnies pétrolières », note Gaetan Mboza, conseiller juridique et fiscal associé au cabinet 3M-Parteners & Conseils, qui organise la 3e édition des Journées pétrole du 28 au 31 mai à Dubaï. Toutefois, précise-t-il, ce principe de souveraineté a des limites. D’ailleurs, rares sont les États qui ont recours à cette pratique. « Dans la plupart des constats qu’on a fait dans les contrats de partage de production (Cpp), très peu d’avenants viennent des États, parce qu’ils sont soucieux de ne pas dégrader leur image auprès des investisseurs. À partir du moment où un État veut renégocier un contrat à l’absence d’une clause explicite prévue à cet effet, le danger c’est de dégrader sa signature », explique M. Mboza. Ceci étant dit, il y a deux façons de renégocier un contrat dans ce cas de figure. La première, c’est de convaincre l’autre partie du bienfondé ou de la nécessité de renégocier un contrat qu’on ne trouve pas équilibré. L’autre possibilité, c’est d’apporter la preuve que ce contrat viole les dispositions du droit commun ou du droit public. L’un dans l’autre, poursuit M. Mboza, la renégociation d’un contrat est toujours possible parce que les investissements réalisés par l’opérateur sont tellement colossaux qu’il est prêt à ouvrir les débats. Mais toute la difficulté pour un pays, nuance-t-il, c’est d’apporter la preuve qu’il n’y a pas d’équilibre.
Ces préalables pour des contrats équilibrés
« Ainsi, si le Sénégal veut renégocier avec les compagnies pétrolières, il lui appartient de démonter que les contrats présentent des déséquilibres sur tel ou tel élément et que l’opérateur a la possibilité d’avoir un retour sur investissement dans les nouvelles conditions qu’on lui propose. » Il conseille aux autorités sénégalaises de trouver un juste équilibre, « parce sans ressources, il n’y a pas d’investissement et sans investissement, il n’y a pas de mise en valeur de ces ressources ». D’après Gacyen Mouely, également associé chez 3M-Partners & Conseils, l’intérêt des Journées pétrole, c’est de permettre à un jeune pays producteur, comme le Sénégal, de pouvoir bénéficier des échanges et du partage d’expériences avec les autres pays, notamment anciennement producteurs. Ce qui, à son avis, permettra au Sénégal d’éviter les erreurs commises par ces derniers et faire en sorte que les contrats pétroliers lui profitent pleinement. Mais aussi et surtout mettre en place des mécanismes pour assurer la diversification de l’économie. Pour des contrats équilibrés, M. Mouely estime qu’il est important de respecter un certain nombre de critères : les attentes des parties, la connaissance de son bassin sédimentaire et disposer d’outils qui permettent de faire une modélisation afin d’avoir une idée des revenus dans le temps. Pour Gaetan Mboza, il ne faut pas oublier qu’il y a plusieurs inconnus dans la négociation d’un contrat. D’abord, le niveau de production qu’on a du mal à évaluer au départ. Ensuite, on ne connaît jamais le prix du baril à l’avance. « On sait ce qu’on dépense, mais on ne connaît pas le retour sur investissement qui dépend de l’évolution du prix du baril sur le marché. Donc, il y a tellement d’inconnus que c’est un pari pour l’investisseur », dit-il, insistant sur la nécessité pour un État d’avoir une bonne équipe de négociation.
De notre Envoyé spécial à Dubaï, Seydou KA