Le feuilleton des négociations entre le Fonds monétaire international (Fmi) et l’État du Sénégal se poursuit, laissant l’économie nationale dans un état exsangue. La dernière mission de l’institution de Bretton Woods, qui a séjourné à Dakar, du 22 octobre au 6 novembre, est repartie sans un accord pour un nouveau programme soutenu par le Fmi, indispensable pour relancer l’économie sénégalaise. Avec une dette représentant 130 % de son Pib et un déficit budgétaire de 14 % en fin 2024, nos indicateurs macroéconomiques ne sont pas des plus beaux pour un pays en développement.
C’est tout naturellement que le sujet s’est invité au « tera-meeting » de Pastef du samedi 8 novembre passé. À l’occasion, le président de Pastef, Ousmane Sonko, par ailleurs Premier ministre, a donné un aperçu sur la teneur des échanges infructueux avec la dernière mission du Fmi à Dakar. Elle pourrait se résumer en un mot : restructuration. « Les négociations avec le Fmi ont été difficiles. Ils (les responsables du Fonds monétaire international) nous ont proposé une restructuration de la dette ; ce qui induirait un défaut de paiement, c’est-à-dire que le Sénégal ne peut plus payer sa dette, et ce serait un pays en quasi-faillite. Nous leur avons répondu que nous ne voulons pas de restructuration, ce serait une humiliation », a-t-il expliqué à ses militants.
La restructuration fait partie des différents mécanismes à la disposition d’un État et de ses partenaires financiers, ici le Fmi en l’occurrence, pour régler un niveau d’endettement jugé insoutenable. Le calcul basé sur le ratio dette/Pib, qui est un indicateur de mesure de la dette publique d’un pays par rapport à sa richesse nationale, est supposé, s’il est élevé, occasionner une capacité de remboursement plus difficile et plus longue. À côté du risque de défaut de paiement, le pays s’expose à une vulnérabilité économique face aux chocs externes et à des difficultés pour financer ses dépenses publiques. Cela nécessite des contraintes budgétaires, telles que la réduction des dépenses ou l’augmentation des impôts pour rembourser la dette, parfois au détriment de la croissance économique. Et Ousmane Sonko a réaffirmé la panoplie de mesures fiscales pour éviter le pire. « La mobilisation des impôts vaut mieux qu’accepter une restructuration de la dette », dit-il.
Même si, sur ce point, le Fmi se veut prudent, estimant que « si cette ambition est louable, le rendement fiscal très élevé, attendu des mesures annoncées, constitue un risque significatif, soulignant la nécessité d’établir des hypothèses plus prudentes ». Quoi qu’il en soit, une restructuration réveille le spectre des programmes d’ajustement structurel imposés par le Fmi et la Banque mondiale aux pays pauvres. Elle occasionne des risques sociaux élevés du fait des mesures d’austérité indispensables pour renégocier les prêts. L’assainissement des finances publiques supposerait donc inciter le gouvernement à réduire les dépenses publiques destinées aux services de base (santé, protection sociale, éducation).
La restructuration d’une dette, qui est en quelque sorte une modification des termes de prêts pour réduire le risque de défaut et de faillite, a des implications pour les banques en tant que créanciers qui détiennent une part de la dette publique, donc qui se retrouvent exposées au risque de crise systémique. Parmi ses inconvénients, il y a un coût du crédit plus élevé pour compenser l’allongement de la durée de remboursement. Mais, la restructuration a le mérite de restaurer la crédibilité d’un État auprès du marché financier international.
Le plus difficile dans ce dilemme, c’est de trouver le juste équilibre entre un gain espéré à court terme (allègement de la dette) et la hausse des coûts de financement à long terme. Pour le moment, le Sénégal s’inscrit dans une ligne de discipline budgétaire et de performance économique pour réussir son désendettement. malick.ciss@lesoleil.sn


