Selon l’économiste sénégalais Magaye Gaye, Trump pourrait s’attaquer à l’Agoa qui permet à l’Afrique d’exporter ses produits sur le marché américain.
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait ouvrir la voie à des programmes moins avantageux pour les pays africains, dans un contexte de rivalité croissante avec la Chine, analyse l’économiste sénégalais Magaye Gaye.
Donald Trump est de retour à la Maison Blanche. Son premier mandat a été marqué par une réduction des engagements américains en Afrique. Et n’eût été l’intervention du Congrès américain, l’aide publique au développement en faveur de l’Afrique aurait été réduite à sa portion congrue. Même l’initiative Prosper Africa, lancée en 2019, n’a pas eu l’impact escompté.
« La poursuite de ce positionnement pourrait constituer une menace majeure pour les relations traditionnelles entre les États-Unis et l’Afrique, en raison d’un désintérêt possible pour le continent », explique l’économiste sénégalais Magaye Gaye, ancien cadre à la Banque ouest africaine de développement (Boad). Selon lui, fidèle à sa doctrine d’ « America First » (l’Amérique d’abord), Trump pourrait s’attaquer à des leviers comme l’Agoa (African growth and opportunity act) et l’aide publique au développement, qu’il juge peu bénéfiques pour l’économie américaine. « Cela pourrait ouvrir la voie à des programmes moins avantageux pour les pays africains, dans un contexte de rivalité croissante avec la Chine », poursuit M. Gaye.
Sur le plan diplomatique et commercial, une politique d’écrémage sélective pourrait être privilégiée au lieu d’une politique de pénétration massive en Afrique. « Trump pourrait opter pour une approche ciblée en privilégiant des pays comme le Ghana, le Nigeria, l’Éthiopie, le Kenya, le Maroc et l’Afrique du Sud », ajoute l’expert. Et pourquoi pas le Sénégal, au nom de son alternance démocratique et de sa position géopolitique stratégique ? Un plan Marshall pour l’Afrique ?
De l’avis de Magaye Gaye, la rivalité sino-américaine et le retrait des bases françaises pourraient pousser Trump à conclure des accords bilatéraux de libre-échange avec ces Nations clés. Sur le plan commercial, Trump pourrait maintenir une approche axée sur l’exploitation des ressources naturelles africaines (pétrole, gaz, minerais), sans favoriser l’industrialisation du continent à travers des programmes structurants. Ce qui, selon M. Gaye, risque de perpétuer une dépendance des économies africaines. Il pense également que le président Trump ne ménagera aucun effort pour contrer la Chine sur l’échiquier africain. « Au nom de cette guerre commerciale contre la Chine, le nouveau locataire de la Maison-Blanche cherchera inévitablement à casser ce cercle commercial sino-africain », dit-il.
L’économiste craint que Trump n’accentue certaines pressions sur les gouvernements africains, notamment sur des questions stratégiques comme les télécommunications, les infrastructures et l’énergie. Cette rivalité, renchérit Magaye Gaye, pourrait aussi se traduire par une dénonciation des conditions non transparentes entourant les stratégies d’endettement de l’Afrique. L’Afrique, exportatrice de matières premières (pétrole, minerais, etc.), pourrait être affectée par une telle rivalité, notamment par une baisse de la demande chinoise et des cours des matières premières plus volatiles si la rivalité commerciale ralentit l’économie mondiale.
Cependant, pense M. Gaye, une telle rivalité pourrait également faire naître de nouvelles opportunités de négociation pour les pays africains qui pourraient tirer parti de cette compétition entre les deux principales puissances mondiales. Une lecture alternative, celle d’un Donald Trump transformé et conscient des enjeux mondiaux après quatre ans hors du pouvoir, voudrait qu’il adopte une posture plus constructive face aux défis mondiaux, tels que la guerre russo-ukrainienne, les conflits au Proche-Orient et le sous-développement persistant de l’Afrique.
« En tant qu’homme de défis, il pourrait vouloir initier un véritable « Plan Marshall » pour l’Afrique afin de faire du continent un partenaire stratégique privilégié. Il pourrait, enfin, effectuer une première visite historique sur le continent, marquant ainsi une rupture avec le passé », espère Magaye Gaye.
Seydou KA