En dépit des efforts du gouvernement pour lutter contre le fléau, le faux monnayage prend de l’ampleur au Sénégal. Mais quelles sont les implications sur le plan économique ? Éléments de réponses.
Le trafic de faux billets se développe de manière exponentielle au Sénégal. Depuis le début de l’année, les saisies ont atteint la contre-valeur de 21,3 milliards de FCfa, soit près du double sur toute l’année 2024 (11,3 milliards de FCfa). Ce qui, selon le commandant Jacques Matar Dieng, chef du Bureau de la surveillance du territoire douanier, démontre à suffisance le développement de ce fléau qui gangrène l’économie sénégalaise.
La dernière saisie remonte au 23 mai quand la brigade mobile des Douanes de Bignona (région de Ziguinchor) a mis la main sur des billets noirs (des coupures de 500 euros) d’une contrevaleur de 1,54 milliard de FCfa. Selon l’économiste luxembourgeois Julien Briot-Hadar, le faux monnayage constitue une menace systémique pour les économies nationales et internationales. « Il perturbe les équilibres monétaires en augmentant artificiellement la masse monétaire sans création de richesse réelle, ce qui peut induire des pressions inflationnistes », explique l’auteur de l’ouvrage « Lutter contre la fraude fiscale en entreprise » (Vuibert, 2025).
Cette perturbation affecte particulièrement les économies émergentes où les transactions en espèces dominent encore largement, rendant les circuits financiers vulnérables. Au-delà des déséquilibres économiques, poursuit le spécialiste, le faux monnayage constitue un fléau qui érode profondément la confiance des acteurs économiques dans le système financier d’un pays. « Lorsqu’une monnaie est fragilisée par la contrefaçon, sa crédibilité s’effondre, entraînant une fuite des capitaux vers des devises étrangères ou d’autres actifs refuges. Cette perte de confiance peut avoir des effets durables sur la stabilité financière ainsi que sur la souveraineté économique de l’État ».
En effet, souligne Julien Briot-Hadar, la circulation de faux billets engendre une véritable crise de confiance parmi les agents économiques, notamment dans des secteurs tels que les entreprises de transfert d’argent, qui sont devenues des canaux privilégiés pour l’échange de sommes importantes. Dans ce contexte, les agents économiques tendent à devenir de plus en plus méfiants et prudents dans leurs transactions, ce qui pourrait entraîner un ralentissement, voire un frein, des investissements dans certains secteurs.
La psychose d’une économie envahie par de faux billets en circulation incite les investisseurs à revoir leurs projets à la baisse ou à les suspendre en attendant des conditions économiques plus favorables. Cette problématique touche en particulier le secteur informel, où l’absence de moyens de détection de la fausse monnaie et la prédominance des transactions en numéraire exacerbent la vulnérabilité des acteurs économiques. Pour faire face à ce crime organisé, l’administration douanière a mis en place un ensemble de dispositifs organisationnel, de moyens techniques et logistiques. Mais ce dispositif doit être renforcé par un partage d’informations et de renseignements.
C’est pourquoi, le commandant Jacques Matar Dieng appelle les populations au sens de la responsabilité, en partageant les informations avec l’administration douanière. « Les efforts du Sénégal pour lutter contre ce fléau sont remarquables. Sous l’impulsion de réformes et de la modernisation des services douaniers, les résultats obtenus démontrent l’efficacité d’une approche intégrée », analyse Julien Briot-Hadar.
Seydou KA