Seynabou Kane est à la tête de son barberie de luxe depuis cinq ans. Ingénieure de formation, elle a coupé court à sa formation initiale pour suivre sa passion pour la barberie et mettre sur pied «Kilifë Barbershop », un espace dédié aux hommes.
L’endroit est cosy. Une note de jazz accueille le client dès l’entrée du salon de coiffure. Il est dans des tons noirs et blancs. L’espace est chaleureux et les lumières tamisées créent un cadre réconfortant. Quelques portraits de clients aux coupes soignées sont accrochés au mur. La barberie sise aux Almadies n’a rien à envier aux autres. « C’est un barbershop de luxe spécialement dédié aux hommes .Nous faisons la coupe, la barbe, le fauteuil massant dans la pure tradition italienne, européenne avec que des produits de luxe et un diagnostic personnalisé», a fait savoir Seynabou Kane. La propriétaire affirme que leur crédo est la satisfaction de la clientèle.
La barbière reçoit ses clients sur rendez-vous. Elle s’apprête déjà à accueillir un des habitués. Après quelques minutes d’attente, ce dernier fait son entrée. Seynabou Kane l’accueille chaleureusement et l’installe sur l’un des trois fauteuils de coiffure Le feeling passe bien entre la barbière et son client du jour. Entre boutades et fous rires, la séance commence sur une note positive. La professionnelle commence par désinfecter son plan de travail. «Il est composé de ciseaux, de coupe-choux, de lames interchangeables, eaux de Cologne, baumes, tondeuses, talc, blaireaux, sèche-cheveux, gels anti-pellicules, gommages», informe-t-elle pédagogue. Seynabou Kane poursuit en changeant la lame devant le client et laisse ce dernier choisir son eau de Cologne. Elle commence par tailler la barbe tout en alternant peigne et tondeuse. Le bruit de la tondeuse résonne dans l’habitacle. La barbière balaye à l’aide d’un balai à cou pour enlever les poils, élague et diminue de la longueur. «C’est le brouillon» informe-t-elle tout en poursuivant sa besogne.
La barbière passe au contour des moustaches. Elle met ensuite un shampoing de barbe, rince et applique une serviette chaude parfumée. Après cette opération, elle applique une crème de prérasage, fait monter une mousse et passe la lame. La propriétaire de « Kilifë Barbershop » met à nouveau une serviette parfumée, masse le visage, utilise une serviette pour sécher et peigne délicatement les rebords. Elle poursuit en rafraichissant la coupe de son client. Elle boucle le tout en enlevant quelques poils. La satisfaction peut se lire clairement sur le visage du client après cette séance.
Parcours décoiffant
Seynabou Kane a toujours voulu travailler dans la barberie. «Quand j’avais onze ans, j’étais encore à Dakar et j’avais vu un reportage sur un barbier parisien. Je l’ai vu à l’œuvre avec son blaireau monté la mousse et je me suis dit que c’est cela que je voulais faire», fait savoir la femme de 38 ans avec un sourire au coin. Elle décide de mettre cette idée dans un coin de sa tête et de poursuivre ses études. «J’ai d’abord fait de l’ingénierie pendant cinq ans en France où j’ai été consultante achat en transport logistique», confie l’ingénieure en achat transport et logistique.
C’est en 2012 qu’elle va se tourner vers sa véritable passion. Motivée et boostée par une rencontre, elle décide de reprendre du poil de la bête et enfin suivre sa vocation. «J’ai croisé un vieux docker qui voulait renouer avec sa passion à savoir comment marche un port. C’était un déclic pour moi», avoue-t-elle. La trentenaire soutient ne pas vouloir passer à côté de sa véritable vocation. «Je me suis un peu mise à sa place et je me suis dit que je vais me réveiller à 60 ans pour me rendre compte que je ne fais pas ce que je veux faire», dit-elle guillerette. La barbière va donc ranger ses diplômes dans un tiroir pour aller apprendre la barberie. Elle fait en tout trois ans d’études : un certificat d’aptitude professionnelle coiffure et un Brevet Professionnel spécialisation système pilo-facial.
La barberie des « kilifë »
La propriétaire de « kilifë barbershop » revient en 2020 au Sénégal pour y lancer son business. « Je me suis dit qu’il y a peut-être une opportunité qui se joue et l’opportunité était de rentrer et de travailler pour mon pays. Je voulais amener quelque chose de nouveau », explique-t-elle. C’est ainsi qu’elle va accueillir en avril 2020 son premier salon dénommé kilifë barbershop. « Il fallait que dans le nom tout soit dit. Je voulais qu’on sache que c’est un barbershop de kilifë », dit-elle avec une pointe d’humour. Cette dernière a une clientèle bien particulière. « Nous avons des chefs d’entreprise qui viennent pour se détendre et se faire couper les cheveux. Nous avons aussi des personnalités qui viennent avec l’optique d’avoir un endroit discret », dit-elle. Seynabou Kane propose des tarifs particuliers variant entre 25.000FCfa et 80.000FCfa et juge ses revenus « satisfaisants ».
La barbière gère son business sans complexe. « Il faut toujours prouver qu’on a sa place, qu’on n’a pas peur et qu’on n’est pas complexé », déclare-t-elle avec conviction. Cette dernière ne gère pas seulement son salon. Elle donne des cours à des salons de coiffure et fait aussi dans la consultance dans d’autres pays. Seynabou Kane propose également des services d’accompagnement aux barbiers pour ouvrir leurs salons. « Il y a du travail à faire en termes de formation des barbiers. Ils gagneraient aussi à revoir leurs tarifs afin de valoriser le métier », estime-telle. Pour elle, il serait envisageable d’avoir une association de barbiers au Sénégal. Mais en attendant, l’entrepreneure espère franchiser « kilifë barbershop » et une école de formation pour partager son savoir-faire.
Arame NDIAYE